Le Blog documentaire se penche ici sur un film difficile d’accès. « Broken Memory, Shining Dust » est un court-métrage indien non distribué en dehors de son pays d’origine. Il a notamment été présenté au Short Film Corner de Cannes, au festival Visions du Réel de Nyon, ou encore au RIFF Awards et à Stuttgart.

Présentation ici avec son auteur, en VO et en VF ! Nilosree Biswas nous en dit aussi un peu plus sur la manière de produire des films indépendants en Inde…

Le Blog documentaire : Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qui a nourri votre désir de votre film ?

Nilosree Biswas : « Broken Memory, Shining Dust – perte et espoir au pays des disparus » est un film sur les mémoires d’un conflit fait d’attente, de chagrin, de colère, de résistance… Un conflit dont les racines se situent au Cachemire, au nord de l’Inde, une zone qui cristallise l’animosité entre l’Inde et le Pakistan depuis plus de 20 ans. Le film est construit à partir de la mémoire des femmes de cette région telle qu’elle l’ont partagée avec moi, à partie aussi de leur longue attente et de leur espoir de retrouver un jour les êtres chers qui ont été enlevés par des militants ou par des membres des forces armées indiennes. On appelle ça des « disparitions forcées ».

Le film ne traite pas de politique à proprement parler, mais se focalise sur la vie de ces femmes dont certaines attendent toujours le retour de leur mari ou de leur fils disparu depuis maintenant deux décennies. Ce sont leur état d’esprit, leurs perceptions et leur quotidien qui rythment le coeur du film. documentaire se concentre par ailleurs sur le destin de Parveena Ahanger, dont le fils a disparu en 1990.

Mon film nous entraîne dans le périple de ces  femmes qui, malgré la douleur des disparitions, se sont mobilisées pour former un groupe de résistance : le APDP. Toutes vivent aujourd’hui dans la crainte et dans l’espoir, au milieu d’une région dévastée…

Could you explain us the core, the subject of your documentary ?

« ‘Broken Memory, Shining Dust’~Loss and hope in the land of disappeared » is a film about the memories of a conflict, with wait, grief, anger, resistance, all rooted in the Kashmir conflict that has been there in the northern most part of India for more than two decades, projected as a long term dispute between India and Pakistan.
It is about the memories of women as they have ‘shared’ with me continuing to wait and hoping to get back their loved ones who had been abducted either by militants or by any of the regiments of Indian armed forces. The phenomenon is commonly known as « enforced disappearances ».

However, the film does not deal with the political conflict per say but revolves more around the lives of these women, of whom some had been waiting for the return of their missing husbands or sons now for more than two decades. Their mind space-a kinda psychological understanding on whose premises these characters of the film lead their daily life is the core of my story.

Built around the life of the protagonist Parveena Ahanger and some such other women, whose son went missing in 1990, the film takes us through the journey of a group of Kashmiri women as they have regrouped forming a resistance group APDP alongside living a life with a vacuum unfulfilled. It’s a film about the layers of the society and it’s inhabitants who have been persistently been living with fear and hope for years now.

Pourquoi avez-vous décidé de vous embarquer dans ces histoires ? Quelle est votre implications personnelle ?

A mon sens, aucun documentaire ne peut voir le jour sans engagement personnel à un moment ou à un autre. En tant qu’auteur de documentaire, qu’on le veuille ou non, il est impossible de ne pas rendre compte de l’évolution des évènements qui animent une communauté ou une société… Ce que l’on observe, ce que l’on constate peut déclencher l’envie de réaliser un film. Je pense que les documentaires naissent d’un geste altruiste, et ne contentent pas uniquement celui ou celle qui les réalise.

En ce qui me concerne, quand j’ai visité le Cachemire pour la première fois il y a 4 ans pour rencontrer ces femmes « veuves à moitié », j’ai été très frappée par ce sentiment de crainte et de peur qu’éprouve la population locale. J’ai alors vite compris que je voulais creuser cette sensation, et qu’il était même primordial de revenir à la genèse de ces peurs en travaillant sur des histoires personnelles, à la fois intimes et universelles. C’était crucial, à mes yeux.

J’ai beaucoup appris au contact de ces femmes, notamment sur la place qu’elles occupent dans la société. Je me suis beaucoup attachée à leurs psychologies avant de décider de leur emboîter le pas pour témoigner du « coût humain » de ce conflit ignoré par une bonne part de la population indienne.

Why have you decided to start such a project ? Any personnal involvement ?

No documentary can be achieved without a personal involvement at some level. As a documentary filmmaker, whether you like it or not, you actually can’t but see happenings thrust on a certain community or a cross section of the society, and this observation might eventually lead as a trigger for the film to be made. For the genre of documentary film making is not just mere film making for me…

In my case 4 years back when I first visited Kashmir, in search of ‘Half Widows’, the sense of fear and claustrophobia in which largely the society lives impacted me deeply. As I compared myself with these bunch of kashmiri women, I understood that it’s important to get back to the genesis of this fear and dig out their personal stories from it, which anyday is so humane and universal. Exploring their mental space was crucial.

Honestly, I got drawn to knowing more about these women, given the feminist ans gender space… I got attracted towards the psyche of these women and then only later decided to put myself in their boots to interpret the ‘human cost’ of a conflict where the mainstream India had never implicated itself.

Comment avez-vous conçu votre film ? Avez-vous écrit un scénario avant le tournage ?

J’ai écrit ce documentaire dans un second temps. Je ne crois pas que ce genre de film puisse être écrit en amont. Il se compose après avoir rassemblé toutes les séquences, lors du montage. J’ai malgré tout effectué de nombreuses recherches sur le Cachemire avant d’y voyager et d’y tourner le film, ce qui m’a servi de base pour le structurer au moment du tournage.

Lorsque nous avons terminé d’enregistrer toutes les séquences que nous voulions, mon co-auteur et moi-même avons décidé de construire le film autour d’une structure expérimentale, en ajoutant tout de même une note d’explication sur le conflit au début du documentaire. Nous avons aussi décidé de supprimer les voix off et les interviews classiques, contrairement à ce qui se fait habituellement pour ce genre de documentaire. Nous avons choisi la poésie comme conducteur narratif pour renforcer l’intensité du film. Je ne suis vraiment pas amateur des films pré-écrits…

Do you write your movie before shooting ?

‘BMSD’ was written later… I really don’t think documentaries can be written before hand, not these kinds but of course it will be written at a later stage when you have gathered the footage and are handling them. I had extensively researched the film pre shoot traveling to the interiors of Kashmir and that was the basis of the filming structure as we went ahead to film it…

Later while sensing the footage gathered, me and my cowriter decided to come up with an experimental structure for a film with a backgrounder of conflict… as in we decided to do away with typical voice over used usually for such films or at the best interviews… Instead to retain the poignancy of the film, we decided to use poetry as the linking narrative in the film.

I am really not an advocate of prewriting documentaries !

Comment avez-vous travaillé le montage de votre film ?

Mon monteur Khushboo et moi même ne souhaitions pas produire un film classique sur ce conflit, aussi bien sur le plan visuel que sur le plan narratif. Nous avions vu d’autres documentaires sur des conflits en Irak, en Afghanistan, en Palestine, avec des images de l’armée, des milices et ce genre de choses. Notre point de vue était tout autre, nous n’avions pas tourné notre documentaire ainsi et le montage serait donc différent.

Nous avons cherché un type de narration qui pouvait s’émmanciper de l’habituelle voix off pour permettre aux spectateurs de pénétrer dans l’espace mental des ces femmes brisées. L’utilisation de la poésie s’est imposée comme la meilleure idée.

Nous avons donc choisi des poésies de Pablo Neruda, de Rilke et de quelques autres, puis nous avons commencé le montage des séquences… Mais nous n’étions pas satisfait de ce premier récit, et nous l’avons donc jeté. Nous avons ensuite décidé d’utiliser des poètes dont les œuvres étaient empreintes d’émotion, d’angoisse, de spiritualité, de paix ou de résistance pour construire le film.

How did you work precisely with the editing of your documentary?

My editor Khushboo and I realised that we don’t want to make a typical cinema coming out of a conflict ridden geographical place… neither visually nor narrative wise. We have seen loads from Iraq, Afghanistan, Palestine and other places… Documentaries loaded with images of army, militia and related stuff… I hadn’t shot it like that. Therefore our point of view was different.

We needed to understand how the narrative could be pushed away from the common voice over yet have a thought that takes the audience into the mindspace of these waiting women. What best could be but other than using poetry as the thread of the narrative… We identified the poetry of Pablo Neruda, Rilke and others and then precisely started assembling the footage… The earlier narrative was unhappy for us so we chucked it out… We decided to use poets whose poetry are loaded with emotional layers and angst or spirituality and peace or resistance and built it like that.

Pouvez-vous nous expliquer quelles sont les principales difficultés pour produire un film indépendant en Inde ? Comment êtes-vous parvenue au terme de votre aventure ?

Les fonds nécessaires à la production de documentaires indépendants restent un grand problème en Inde. De plus, l’industrie ne s’intéresse pas beaucoup aux films courts. En clair, il n’y avait personne pour nous aider… Ne nous reste alors que deux options : les partenariats à l’international et l’autofinancement.

J’ai pu faire mon film parce que j’y croyais énormément et parce que je me devais de porter ces histoires en dehors de l’Inde. Je me suis totalement investie dans ce projet pendant 4 ans.

Could you explain us which are the main difficulties to produce an independent movie inIndia ? How did you achieve it ?

Funds are the biggest issues in India. The media industry is least interested in short films as a genre ! Ther’s no one to fund… Therefore, exploring possibilities overseas is the only option or else keep spending piecemeal out of your own money.
I could make my film because I believed in it and had to take the story outside India. I kept investing whatever I could over a period of 4 years !

Votre film a été présenté à Nyon puis à Cannes. Comment a t-il été accueilli ? Quelles ont été les réactions du public, et des distributeurs ?

Les spectateurs étaient plus nombreux au Short Film Corner de Cannes qu’au festival Visions du Réel à Nyon, pour des raisons que vous devez bien connaître. Ceux qui ont vu le film, en DVD ou en vidéothèque, l’ont apprécié parce que c’est une histoire très émouvante, et taboue, qui ne peut laisser indifférente. Le documentaire a été apprécié aussi sur les réseaux sociaux. Pour la plupart des spectateurs, le film portait un sujet méconnu, émotionnellement perturbant… Une expérience à la fois intense et intime.

Your movie has been presented in Nyon and inCannes… Which were the audience’s reactions ? How had it been welcomed by professionnals ?

The daily digest of people watching at Cannes’ SFC was higher than Visions du Reel… The reasons better known to you. Everybody who watched it either through DVD or through media library appreciated it because of it’s a story so emotionally powerful and the incredible untoldness associated to it.. Some have been marking it favourite both in SFC nd at Nyon, like facebook connect of VDR to the catalog says till date 40 likes. For most viewers it was something unheard, emotionally disturbing, intensely and intimately portrayed !

Propos recueillis par Cédric Mal

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