Il était présent au festival des Etoiles de la SCAM il y a 3 semaines, et il sera diffusé dans une centaine de salles en France à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le SIDA. « Vivant ! » de Vincent Boujon connaît la jolie carrière d’un documentaire sensible et profond, qui met en scène cinq hommes séropositifs au moment de leur initiation au saut en parachute. Coup de coeur à retrouver en salles à Chartres, Saint-Brieuc, Paris ou Nantes. Liste complète des projections sur le site du film et extraits inédits ici-même.

Vivant-UneC’est un film duquel se détache une forme d’évidence. L’évidence de la justesse d’une séquence captée, donnant l’illusion d’être restituée sans filtre. Les 80 minutes du film de Vincent Boujon, Vivant !, constituent cette seule et même séquence durant laquelle notre empathie avec les personnages va grandissante. Sur la gravité de la toile de fond – comment vivre sa séropositivité -, Vincent Boujon appose un baume de douceur et de bienveillance. Tout y semble juste, tant dans ce que les personnages vivent que dans l’approche du réalisateur. Comme David André et ses lycéens de Boulogne dans Chante ton bac d’abord, Vincent Boujon accompagne sans flagorner, filme comme on caresse et délivre cette sensation singulière : si la « patte » du réalisateur ne semble pas innerver chaque plan, comme le ferait un documentariste reconnaissable d’après son écriture du réel (Wiseman, Marker, etc.), on ne peut cependant douter que seul lui pouvait raconter cette histoire-là ainsi.

Cette histoire ? Celle de cinq hommes qui décident de se retrouver en stage d’une semaine pour préparer un saut en parachute. Ils ne se connaissent pas et pourtant, très vite, la parole intime se dénoue. Ils sont tous séropositifs et ont tous une manière singulière de vivre avec. Dans cet espace-temps si particulier, qui semble s’être détaché du temps « réel », les barrières que la société, par peur, pudeur ou rejet, érige entre « eux » et « nous », disparaissent. A l’échelle du film, la séropositivité constitue la norme et ces hommes sont alors filmés pour ce qu’ils sont, non plus par rapport à leur maladie. La lutte contre le SIDA ne consiste pas ici à nier leur séropositivité mais bien à en diluer sa sur-signification affective et sociale dans d’autres enjeux : une absence de militantisme qui fait directement écho à la sobriété de la réalisation.

Dès lors, les enjeux du film sont ceux des hommes aux prises avec un geste qui requiert une absolue confiance en soi. Le saut en parachute effectué en solo constitue un double saut dans le vide : physique autant que psychique – puisque l’on ne peut difficilement se sentir plus seul que lorsqu’il faut actionner au bon moment l’ouverture du parachute… Au-delà de l’analogie évidente qui parcourt le film entre le saut dans l’inconnu et l’inconnu dans lequel les cinq hommes ont sauté quand ils ont appris leur séropositivité, c’est à un ballet parfois comique, souvent émouvant auquel se livrent les apprentis « sauteurs » et Richard, le formateur, formidable de pédagogie et de stabilité. Naviguant dans des émotions contradictoires, de la peur à l’enthousiasme, du self-control à la fébrilité, chaque personnage révèle son humanité. Si Eric incarne à lui seul une force de caractère proprement éblouissante, les hésitations de Matteo et Pascal ne sont pour autant en rien des faiblesses. Chaque comportement montre rien de moins qu’un rapport au monde, dans laquelle la séropositivité n’est évoquée que lorsque les cinq hommes se retrouvent.

Simplicité des enjeux et évidence du dispositif, donc : rien ne serait plus rapide, pour un spectateur distrait, de conclure à un film « facile ». Rien de tel cependant : Vivant ! est comme son titre. Une injonction personnelle en même temps qu’une libération, une volonté sobre et un élan de joie : autant de sentiments difficiles à retranscrire sans tomber dans l’emphase ou le démonstratif mais que Vincent Boujon nous distille, sans en avoir l’air.

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