C’est la rentrée ! Et Le Blog documentaire part, comme l’an dernier, prendre quelques nouvelles de ceux qui occupent le devant de la scène webdocumentaire et nouveaux médias, pour vous livrer quelques détails de leurs actualités. C’est Wilfrid Estève, qui a récemment quitté l’EMI-CFD, que nous retrouvons cette semaine, le nez dans ses projets actuels et la tête à ses initiatives futures, qui tiennent une place conséquente dans son emploi du temps…

Wilfrid Estève, par Samantha Rouault

L’excuse est cocasse et en dit long sur l’hyperactivité de l’homme des P.O.M : dans le très chouette bar des Pères Populaires, où prendre un café ne nécessite pas de sortir sa carte bleue, Wilfrid Estève me rejoint avec retard. Et pour cause : il devait en urgence ré-agencer son calendrier et harmoniser les dates de ses interventions dans trois écoles différentes et trois lieux différents… le même jour ! Une erreur d’inattention d’un des secrétariats d’école, et c’est toute l’architecture, « réglée comme du papier à musique », de son iCal (forcément) qui est chamboulée.

Jongler, Wilfrid Estève ne le fait pas uniquement avec les dates : dans son portefeuille de projets, on passe allègrement d’une campagne de financement participative à un dossier de production long comme le bras ou au teaser d’un webdoc qui fleure bon la testostérone heavy-metal. Car, en plus d’être une sorte d’annexe de l’AFP sur Facebook (pour rappel, il twitte quelque 20 liens par jour dans le domaine de la photo, du web ou du journalisme, ce qui fait de son compte une revue de presse plus qu’essentielle), l’homme est producteur. Et c’est loin d’être un à-côté puisque Hans Lucas, la structure qu’il gère avec Virginie Terrasse et Lorenzo Virgili, accueille en ce moment trois projets de webdocs qu’il veut développer dans le courant de cette année « scolaire » qui commence (car à l’école comme dans les médias, toutes les années débutent en septembre).

Sa place de producteur, Wilfrid Estève la tient avec ce caractère atypique du touche-à-tout. Adepte du web comme outil de diffusion comme enthousiaste de la première heure devant les outils narratifs du type Djéhouti. Photojournaliste, mais aussi très intéressé par la logique des jeux vidéos (et en pareil cas, on ne sera pas étonné de savoir que Florent Maurin, expert s’il en est en la matière, n’est jamais très loin !). Chaque projet est une occasion de mixer les équipes, ré-agencer le carnet d’adresses en fonction des affinités du moment. Comme tout producteur, il marche aussi au coup de cœur. Des coups de cœur qui sont mâtinés de son regard de photojournaliste : la bonne histoire ressemble à la bonne image. Comme celle de Scars of Cambodia, qui orne son profil Facebook et qui a achevé avec les honneurs sa campagne de crowfunding (cf. @ScarsOfCambodia).

Ou un projet sur le hard-rock dont Wilfrid me parle avec le sourire gourmand de celui qui vous dévoile les sous-sols d’un endroit qu’on croyait inaccessible. Car c’est vrai, le monde du hard-rock est plutôt confidentiel… à ceci près que, dixit Wilfrid, « c’est le genre de musique le plus écouté au monde ». Alors d’où vient le paradoxe ? Probablement de cette nuée de clichés qui accompagnent ces voix, gutturales à se décoller la plèvre, ou ces riffs de guitare où le musicien nettoie le sol à grands coups de tignasse en dodelinant énergiquement de la tête. Wilfrid a toujours un teaser ou un dossier pour allécher le chaland, et donner envie de découvrir, sinon pour la narration web dont on ne connaît pas encore les détails, le fin fond de l’histoire de cette grande Maison des Métalleux… ou encore de l’an 2 de la place Tahrir (cf. @TahrirGen)

Scars of Cambodia.

Quatre réalisatrices, deux sur place et deux à Paris, travaillent sur Génération Tahrir, un ambitieux programme web, en forme de déclinaison radio (Joël Ronez et son poids décisionnaire à Radio France est dans le collimateur de Wilfrid), de vidéos et d’un récit du siège, deux ans après. L’occasion aussi de s’intéresser aux nombreux graffitis qui ont fleuri sur la place, et qui eux aussi racontent l’Histoire en marche. Wilfrid Estève sait avoir l’œil couvant du producteur (délégué, ici) aux larges épaules qu’il est. Pour l’anniversaire de la Révolution, le compte à rebours est lancé : tout doit être prêt en janvier.

Car Estève-producteur, c’est une casquette qui a pris cette année proportionnellement davantage de place, en tout cas médiatique. Après le développement et la sanctuarisation des « Petites Œuvres Multimédia » comme genre à part entière, Wilfrid s’était ensuite distingué en intégrant le département formation à l’EMI-CFD, et en en devenant peu à peu un symbole et un pilier. Pendant 10 ans d’intervention, il a vu passer quelques centaines de photo-journalistes de plus en plus enclins à lancer leurs projets en même temps que leurs études, à la sauce très performative de l’enseignement anglo-saxon qu’il est parfois si difficile d’importer ici.

L’an dernier, la filière webdoc créée par Wilfrid Estève accouchait d’un très joli projet photo (21 voix pour 2012) et d’un documentaire web réalisé avec Djéhouti. Ce n’est qu’un début : l’idée d’envisager les étudiants comme des futurs collaborateurs, capables de mobiliser compétences et soutiens, davantage que comme des apprenants, est le crédo de Wilfrid Estève. Et le projet semblant difficile à dupliquer au sein de l’EMI, le bouillonnant chef d’orchestre à l’accent du sud décide de faire cavalier seul et démissionne de l’école de journalisme.

Génération Tahrir.

Enfin, « cavalier seul » est une expression bien curieuse le concernant. Car son projet d’école de formation, qui avance patiemment, se nourrit d’un ensemble de contacts ciblés, choisis pour répondre aux défis que le web a fait apparaître dans des métiers auparavant bien distincts. Il planche actuellement sur deux référentiels, destinés aux photo-journalistes d’un côté, et aux documentaristes de l’autre. Le but : après un enseignement spécifique aux exigences de chaque métier, un programme transversal, pensé à l’avance pour intégrer les professionnels sur des projets pluri-médias. Façon de faire parler des mondes parfois encore difficilement conciliables, alors que le Net a fait naître une économie où, au contraire, un projet a tout à gagner à se « pluri-disciplinariser » pour multiplier la diffusion, les pistes de financement, et les publics.

Quelle forme concrète prendront ces ateliers qui promettent un peu de Do It Yourself que l’apprentissage classique, encore très maître-élèves, n’a pas encore vraiment digéré ? Rien de plus simple, il faudra suivre l’actualité de Wilfrid Estève et sa bande. Ça tombe bien : l’homme n’est pas adepte du mystère de cour, et, avec lui, Facebook n’a jamais été aussi utile dans le rôle hyper-social de mise en lien d’une communauté d’intérêts. On assume cette conclusion publi-promotionnelle : si ce n’est déjà fait, abonnez-vous à son fil d’actu !

Nicolas Bole

Plus loin

Portrait : Wilfrid Estève / Virginie Terrasse

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