Intéressante initiative que celle qui nous vient de Poitiers, à 100 jours du second tour de l’élection présidentielle française. 100 jours durant lesquels le collectif 100jours propose toutes les 24 heures sur Internet un nouveau film pour accompagner le chemin qui nous sépare des urnes.

L’aventure se présente comme « un moment pour prendre la parole, brutalement ou joyeusement, empli de colère ou d’espoir ». Elle constitue aussi un discours alternatif, dissident, à lire en contrepoint des médias traditionnels. Et c’est finalement une vision kaléidoscopique du présent qui nous est ainsi proposée, une matière réfléchissante qui donne à penser avant le rendez-vous électoral – et cela, même si on ne prend part au vote…

Le Blog documentaire vous propose ici un coup de projecteur en deux temps sur cette aventure : un, l’entretien ; deux, le manifeste.

1 – L’entretien

Le Blog documentaire : Comment et pourquoi 100jours est né en 2007 ?

100jours : A la rentrée 2006, notre master en poche, nous (Isabelle Taveneau, Zoé Liénard, Odile Mendez-Bonito, qui sommes devenues Les Yeux d’IZO) nous sommes retrouvées à Poitiers, avec l’envie de faire des films, de travailler ensemble et avec d’autres.
Les élections approchaient, pouvaient nous inquiéter. Ensemble ça pouvait devenir moins inquiétant…
L’idée a été lancée « si on faisait des films avant les élections, si on en faisait 100, 100 films pendant 100 jours ». Ce serait 100 regards personnels sur la politique aujourd’hui.

Nous étions enthousiastes, et très vite nous avons fait part de notre idée à La Famille digitale, association qui travaillait déjà à Poitiers autour du cinéma documentaire. Ils ont tout du suite répondu présent, et ensemble nous avons développé et mis en œuvre ce projet.

Pourquoi recommencer en 2012 ?

En 2007, nous avons vécu une aventure cinématographique et collective formidable, dans la mise en place, la réalisation, la diffusion, l’échange avec les spectateurs sur le web ou en public. Un vrai événement politique pour nous, de création, de résistance au monde tel qu’il va…

Comment le projet s’articule t-il concrètement ?

Derrière 100jours, il y a  une équipe basée essentiellement à Poitiers qui travaille quotidiennement et bénévolement à l’élaboration, la coordination, la mise en place et au suivi technique du projet, à la traduction, à la communication et à la diffusion des créations de 100jours et de 100nuits.

Qu’est-ce qui a changé entre 2007 et 2012 ?

Les principales évolutions, liées à nos désirs et à ceux du collectif 100jours :
– l’envie de travailler encore une fois en collectif, mais en élargissant cette fois-ci l’équipe de développement à une vingtaine de personnes proches de la création documentaire, et avec qui nous avons travaillé régulièrement depuis 5 ans.
– l’envie d’élargir le cercle des réalisateurs de 100jours, d’en trouver 100 (nous étions une soixantaine en 2007 ce qui a impliqué plusieurs réalisations pour certains d’entre nous) d’ici et d’ailleurs, qui pratiquent régulièrement la réalisation documentaire.
– l’envie d’ouvrir 100jours à d’autres formes de créations (BD, photo, créations sonores, affiches) et de créer un autre espace : 100nuits, pour les accueillir.Quels genres de films va t-on voir ?

Les films que l’on pourra découvrir sont des documentaires courts (de 5 minutes), qui auront comme sujet la politique dans son sens le plus large. La manière dont nous la voyons, dont nous la vivons.

D’où viennent ces documentaires, ce sont des commandes ?

Ces films auront été réalisés par des réalisateurs que nous avons sollicités, et qui ont répondu à notre appel. Chaque réalisateur a une date de diffusion de son film, déjà calée, entre janvier et mai, nous réceptionnerons donc les films une semaine avant cette date.
Nous ne disons pas « commande », c’est trop directif ! Nous disons plutôt « appel à réalisation avec contraintes » (le temps et le sujet général).
Les réalisateurs font ce qu’ils veulent, nous préviennent ou non de ce qu’ils sont en train de faire et du sujet précis auquel ils s’intéressent.

Comment participer, comment s’investir dans le projet au cours de ces 100 jours ?

Pour 100jours, le planning de réalisations est « bouclé » et donc il n’y aura pas d’ajouts.
Par contre, toutes les diffusions sont les bienvenues (en salles de cinéma, lors de manifestations artistiques ou politiques, dans des bistrots), et pourront s’organiser facilement : tous les films et toutes les créations seront placés en Licence Libre (Creative Commons) et seront accessibles au téléchargement par internet en haute qualité.
Pour 100nuits, nous ferons un appel à participation – sur le site -, et des personnes pourront proposer leur contribution entre janvier et mai 2012.

Vous parlez dans votre manifeste de « mettre en œuvre un décalage »… Qu’est-ce à dire ?

Pour mettre en œuvre un décalage, nous avons décidé d’inscrire 100jours dans le calendrier médiatico-politique (la campagne présidentielle), et de faire un pas de côté, de parler d’autre chose que des sondages, de la vie politique au jour le jour, de ses petits anecdotes et de ses soubresauts. Nous voulons proposer un espace de création et de réflexion collectif autour du politique. Proposer, mettre en lien, confronter aussi, des regards personnels et des points de vue d’auteur.

Comment intégrez-vous le Web dans vos propres démarches documentaires ? 

Dans le cadre de 100jours qui est un projet collectif et qui regroupe des réalisateurs, auteurs, créateurs, sur l’ensemble du territoire et à l’étranger, Internet est une force dans la possible existence de ce collectif. C’est un espace commun via le site de 100jours où se déploie le projet : tant dans la rencontre et la mise en lien des œuvres de 100jours et de 100nuits (qui seront postées quotidiennement sur le site), que dans la rencontre entre les participants (organisateurs, auteurs) et les spectateurs (via les échanges par les commentaires qui font partie intégrante du projet : espace de réflexion cinématographique et politique en mouvement et en évolution pendant 100 jours).

Finalement le web est un peu l’espace concret de 100jours ! (même si celui-ci sera présent à travers la mise en place de diffusion sur le terrain en France et à l’étranger).

Le web est aussi le premier support où « l’œuvre collective » que représente 100jours va pouvoir prendre forme. C’est le médium idéal pour y déployer la temporalité de 100jours qui fait partie de la force du projet ; avant de pouvoir en fixer une forme finale, temporellement et formellement arrêté, sur un support concret (coffret dvd…).

Propos recueillis par Cédric Mal

2 – Le manifeste

Cinq ans plus tard, le rituel des élections reprend son cours, les protagonistes sont identiques, la représentation spectaculaire et les enjeux confisqués.

En 2007, nous avions réuni soixante réalisateurs et réalisatrices pour créer et diffuser 100 films les 100 jours précédant le deuxième tour des élections présidentielles. Cinq ans plus tard, nous décidons de renouveler l’expérience avec 100jours en 2012.
Nous voulons réinventer ce projet politique, cinématographique et artistique. Nous voulons à nouveau créer collectivement et bénévolement.
Et nous faisons le pari de mettre en œuvre un décalage : un autre rapport à l’individu, à l’esthétique, à l’actualité, un autre rapport à l’Autre, où notre système est un espace qui s’invente.

Imaginer des rencontres, approcher des trajectoires, capturer des instants, considérer cette période comme un moment d’expérimentation, de création, d’ouverture des possibles, un moment pour prendre la parole, brutalement ou joyeusement, empli de colère ou d’espoir.
En se projetant de la place du village à l’utopie bien nommée, nous affirmons par ce projet notre désir de saisir le présent.

100jours c’est 100jours et 100nuits.
Dans 100jours nous proposons à des auteurs et à des collectifs la réalisation de 100 films documentaires de 5 minutes. Nous imaginons ces films comme des créations singulières, des points de vue affirmés, des tentatives documentaires, des essais.

Dans 100nuits d’autres expressions documentaires, sous différentes formes (photo, dessin, bande dessinée, son, texte…) seront produites par des auteurs invités.

100jours s’envisage autant comme une succession de propositions que comme une œuvre singulière, un espace d’expressions libres et un tout pensé et construit. De 100jours doit émaner une entité propre, où chaque œuvre vient en écho aux précédentes, où les publications se répondent, se mêlent ou se heurtent pour au final se compléter et former un tout cohérent.

Durant cette période (de janvier à mai 2012) il s’agira donc de faire : faire des films et des créations, organiser des diffusions, débattre, faire de la politique. En réinventant notre place, en tant que créateur et spectateur, individu et collectif, nous souhaitons réaffirmer que ce sont les rencontres qui produisent le politique.

*

Les précisions du Blog documentaitre

1. Pour rappel, Le Blog documentaire a lancé un appel aux dons sur le site de crowdfunding Ulule. Il s’agit pour nous de pérenniser et de développer notre offre éditoriale. Vous avez jusqu’au 21 février pour concrétiser votre soutien. Merci d’avance : sans vous, nous ne serons rien !…

No Comments

  1. Beau projet. Les premiers films donnent envie de voir la suite. Il faudra voir si de la somme émerge une oeuvre avec sa logique et son unité…

  2. belle initiative!
    on va suivre ça avec plaisir et curiosité!

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