Depuis début septembre, la nouvelle identité d’ARTE Creative est apparue au grand jour avec la diffusion de plusieurs webséries (Ploup, Objectivement, Kestuf’, Tu mourras moins bête, Osmosis…). Après s’être arrêté sur Ploup, la plus réussie des nouvelles productions, Le Blog documentaire revient ici sur la refonte foisonnante de la chaîne culturelle d’ARTE avec son rédacteur en chef Alexander Knetig. Comment conçoit-il ses nouvelles fonctions ? Comment va travailler ARTE Creative avec les autres chaînes du groupe ? Et bien sûr : quels types de projets recherche le nouveau directeur de Creative ? Entretien.

ARTE-CreativeLe Blog documentaire : Osmosis, Ploup, Helltrain, Kestuf’… Quelle production de contenus sur ARTE Creative ! Racontez-nous comment le nouveau site se positionne et fonctionne… En termes humains d’abord, combien êtes-vous ?

Alexander Knetig : C’est difficile de donner un chiffre exact. Nous sommes 4 personnes à travailler à temps plein et de manière permanente au GEIE [siège d’ARTE à Strasbourg] sur Creative. Une chargée de programmes/chef d’édition côté français, et une côté allemand depuis le 1er septembre, une assistante de rédaction et moi-même à la rédaction en chef. Mais au-delà de cette équipe, l’idée de Creative est de créer de la transversalité côté français. Nous travaillons donc en coordination avec l’unité de programmes de Gilles Freissinier et Marianne Levy-Leblond, ainsi que toutes les personnes en charge du développement numérique de toutes les chaînes. Il y a aussi des personnes des unités de programmes broadcast qui produisent pour Creative : les unités Arts et Spectacle, Fiction ainsi que Culture et Cinéma.

Quel est votre « mandat » d’un point de vue éditorial ? La créativité sous toutes ses formes ? Avec une cible particulière ? Des formes particulières ?

Concernant mon rôle, je suis davantage dans la question de la stratégie de développement d’ARTE Creative que dans la production des contenus. Je cherche notamment à « libérer » la production côté allemand, qui est encore faible. Pour proposer des projets, ce n’est donc pas à ma porte qu’il faut frapper.

Plus généralement, ARTE Creative a pour but d’explorer les cultures d’aujourd’hui. Cela veut dire bien sûr beaucoup de choses, mais le périmètre concerné regroupe l’ensemble de la création contemporaine (qu’elle soit pop, geek ou relative à l’univers des séries), en dehors de la culture patrimoniale. Nous ne nous interdisons rien sur les formats. Nous intervenons sur des accompagnements de programme, des fictions notamment (comme Au service de la France, un 12 x 26 minutes, ou Occupied) ainsi que des programmes courts qui passent en access sur ARTE Creative avant de passer à l’antenne (Objectivement, Tu mourras moins bête, Salaire net et monde de brutes).

Nos quatre champs d’actions sont donc la fiction, le documentaire, le magazine et le jeu vidéo. Mais nous essayons de ne pas faire trop de distinction entre ces catégories.

Les magazines déjà existants, comme Tracks, Personne ne bouge ou BiTS sont ou vont être intégrés à ARTE Creative et j’essaie d’être pro-actif du côté allemand, où la production est moins développée que du côté français. L’émergence de contenus produits pour le web est une priorité budgétaire. Mais ce que nous mettons en place aujourd’hui ne sera en ligne qu’à la rentrée 2016. Pour le jeu vidéo, nous sommes heureux de lancer ARTE dans une politique de production à part entière, avec l’ambition d’aller au-delà d’un one-shot (comme le très beau Type:Rider) pour produire 3 projets par an. Cependant, nous resterons sur un créneau de jeu indépendant : notre ambition n’est pas de produire des blockbusters.

BiTS
BiTS

Est-ce que cette profusion de contenus, parfois présente sur le web et à l’antenne, ne risque pas de « cannibaliser » les audiences ?

Au contraire, la double diffusion fait augmenter les audiences. En outre, la mécanique antenne ne calcule pas réellement l’audience sur des programmes de 3 minutes. Sur le web, nous visons la génération des 40-45 ans. Par ailleurs, pour Ploup, nous avons expérimenté la diffusion directe depuis Twitter, sur le compte d’ARTE Creative. Une première !

C’est aussi le retour en force de la websérie et de la collection, sans interaction : est-ce à dire qu’il devient trop difficile techniquement, pas assez intéressant, trop cher de faire des œuvres interactives ? Ou ARTE Creative en mettra t-elle également à l’honneur ?

C’est clair, cette volonté d’investir la websérie est assumée et affichée. Dans un premier temps, nous avons hésité à lancer Creative à ce stade, avec principalement des webséries, ou plus tard avec notamment du jeu vidéo. Et nous avons finalement opté pour proposer une offre éditoriale en cette rentrée, centrée autour des programmes courts humoristiques.

Concernant l’interactif, c’est une question compliquée. Je ne trouve pas qu’il y ait un essoufflement de la qualité des projets que je vois passer. Pour nous à ARTE Creative, c’est une question de timing. Si l’on pousse un peu la réflexion, nous sommes arrivés à un moment où la phase expérimentale est un peu terminée. Nous ne sommes pas le seul média à se poser cette question : comment proposer d’offre globale structurante ? Le fait est que nous recevons beaucoup de propositions interactives, surtout documentaires (très peu de fictions), ainsi que de nombreuses propositions de jeu. Dans le documentaire, nous sommes face à des propositions qui réfléchissent certainement les questions de l’interactivité depuis un peu moins longtemps. En somme, nous sommes plus proches d’un Prison Valley que d’un Do Not Track.

Ceci dit, je trouve très bien que les documentaires d’auteurs, comme les webdocumentaires, soient subventionnés, majoritairement par le CNC, ARTE et les aides régionales. Le documentaire tient une place importante dans la société et il est moins facile à produire que du divertissement. Donc, ce n’est pas véritablement une question économique. Nous sommes face à des réflexions qui n’intègrent que trop rarement les nouvelles formes de consommation. C’est un peu comme si les tablettes et les smartphones n’existaient pas ! Pour la première fois en juillet 2015, le contenu d’ARTE a davantage été vu sur des supports mobiles que sur des ordinateurs. Or, nous recevons beaucoup de propositions conçues pour des très beaux écrans 27 pouces pour laquelle l’audience devient confidentielle car on la divise mécaniquement par deux. Cela signifie que, nous, diffuseurs devons travailler avec les producteurs et les créateurs et expliquer notre stratégie en la matière.

Tu mourras moins bête
Tu mourras moins bête

N’y a-t-il pas un risque d’overdose à mettre en ligne simultanément autant de webséries d’un coup ? Avez-vous des objectifs d’audience ?

Nous nous sommes beaucoup posés cette question, notamment avec Vincent Meslet avant son départ. Après les premiers retours statistiques sur les visionnages, on s’aperçoit qu’on en a, en réalité… pas fait assez ! On est dans une configuration où les internautes souhaitent voir davantage d’épisodes d’un coup de Tu mourras moins bête, Ploup ou Osmosis. Pour Osmosis, quelques heures après leur diffusion, beaucoup d’internautes avaient déjà regardé les 6 épisodes et nous demandaient pourquoi ça s’arrêtait !

Quels rapports entretenez-vous avec les autres déclinaisons du groupe sur le web (Future, Cinéma, Info…) : y a-t-il des réunions de décisions communes ? Des projets communs ?

Oui, l’idée est de favoriser la transversalité entre les différents pôles. Nous tenons des réunions hebdomadaires et une grande réunion mensuelle pour envisager des projets communs. Par exemple sur Tu Mourras moins bête, où les textes d’accompagnement sont différents sur Future et sur Creative. C’est assez logique puisque une partie de la culture geek soulève des questions scientifiques – le cinéma appartient en partie à la culture pop… C’est un peu moins prégnant avec ARTE Info, mais nous travaillons autour de l’idée d’une série sur les dictateurs traités en icônes pop.

A quoi peut-on s’attendre, dans les mois qui viennent, sur ARTE Creative ?

Les premiers jours du lancement sont, pour nous, réussis. Une campagne de communication a également été lancée pour promouvoir les nouveaux programmes.

Nous aurons ensuite des accompagnements d’antenne (sur Les aventuriers de l’art moderne ou Les petits secrets des grands tableaux), des documentaires pop en exclusivité (ou en ARTE +7). Nous diffuserons également deux séries documentaires par mois, exclusivement pour Creative. Début octobre, ce sera un programme sur les selfies et fin octobre sur Retour vers le futur, à l’occasion du 21 octobre 2015, [date à laquelle, dans le film de 1989, Marty McFly débarque dans le futur].

Concernant l’interactif, nous diffuserons en novembre un projet de sampling de musique dans la continuité de Soundhunters, également produit par Camera Talk. Nous le proposerons directement sur YouTube avec un player enrichi. Notes on Blindness sortira au premier trimestre 2016, ainsi que Californium, le jeu documentaire sur Philip K. Dick, au même moment que le documentaire à l’antenne sur l’auteur de Minority Report. Nous sortirons aussi à ce moment-là Philip and I, une fiction en réalité virtuelle produite avec Okio : il s’agit d’un moyen métrage de 13 minutes sur le premier robot humanoïde designé en 2005 avec le visage de Philip K. Dick. L’internaute se retrouve dans la « peau » du robot séquestré, qui doit parler à ses ravisseurs…

Propos recueillis par Nicolas Bole

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