En salles, ce mois-ci… D’abord des festivals ! Les manifestations de qualité sont effectivement nombreuses en novembre. D’Arcueil à La Rochelle en passant par Amsterdam ou Montréal, il y en aura pour tout le monde, en France comme ailleurs… Du côtés des sorties cinéma, on notera notamment La pluie et le beau temps d’Ariane Doublet, Zones d’ombres de Mika Gianotti ou encore The Black Power Mixtape.

Et n’oubliez pas la très éclectique programmation du 12e Mois du film documentaire.

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Le coin des festivals

FRANCE

– Du 3 au 8 novembre 2011, rêves, révoltes et révolutions aux 11e Rencontres du cinéma citoyen Résonances de Bobigny. Nombreuses avant-premières au programme, parmi lesquelles : Plus jamais peur, Tous au Larzac, Entrée du personnel ou encore Tahrir (Liberation square). Une table ronde est consacrée aux images des révolutions arabes le samedi 5 novembre.

– Du 4 au 6 novembre, le Festival international du Documentaire étudiant à Saint Ouen. Le Fidé propose trois jours de rencontres avec les réalisateurs des films sélectionnés. A noter une carte blanche à Christophe Postic, co-directeur artistique des Etats généraux du film documentaire de Lussas.

– Du 5 au 27 novembre, le 30e Festival international du cinéma ethnographique Jean Rouch à Paris. Programmation exceptionnelle pour fêter cet anniversaire. Pas moins de 5 Master classes sont proposées à la BNF, avec notamment Denis Gheerbrandt et Eric Pauwels. La compétition internationale s’accompagne, à la Maison des Cultures du Monde, d’une rétrospective de 30 films qui ont marqué ces 30 dernières années. Deux jours de rencontres seront dédiées aux narrativités singulières au Cube d’Issy-les-Moulineaux.

– Du 7 au 13 novembre, Les Ecrans documentaires se tiennent à Arcueil. Un festival qui s’ouvre par la projection de Tous au Larzac et se referme avec L’été de Giacomo. 10 longs-métrages, 12 courts-métrages et 11 films venus d’écoles et de formations se disputeront les prix des différentes compétitions. Retour également sur la trilogie sahélienne de Pierre-Yves Vandeweerd (Le Cercle des noyés, Les Dormants, Territoire perdu), et sur l’œuvre de José-Luis Guérin. Plusieurs rencontres et débats thématiques sont organisés autour de la danse et de la politique.

– Du 8 au 13 novembre, le 11e Festival international de documentaires de création de La Rochelle. Les Escales documentaires proposent des films comme Palazzo delle Aquile (en ouverture), La Vie ordinaire, Del poder, Los Abrazos del rio ou encore The Ballad of Genesis and Lady Jaye. A noter la large rétrospective consacrée cette année à Jean-Xavier De Lestrade.

– Du 15 au 20 novembre, le Festival international du film documentaire d’Ajaccio. Cette édition 2011 de Corsicadoc a été élaborée autour du thème de la marge. On y retrouvera des films de Stefano Savona (Palazzo delle Aquile, Tahrir), Arnaud des Pallières (Diane Wellington, Disneyland mon vieux pays natal), Eric Pauwels (Violin Phase) ou encore Antoine Boutet (Le plein pays). Les écrans parallèles s’attardent sur deux thématiques liées à la représentation de la peinture et du nucléaire. 19 premiers films seront en compétition. Le jury est présidé par Thierry Garrel.

Sans oublier…

– Le 22e Festival international du film d’histoire de Pessac (du 14 au 21 novembre) ;
– Le 21e Festival du film documentaire Traces de Vies de Clermont-Ferrand (du 21 au 27 novembre) ;
– Le 33e Festival des 3 Continents de Nantes (du 22 au 29 novembre) ;
– Le Festival international du film Entrevues de Belfort (du 26 novembre au 4 décembre prochains) ;
* Le Festival du film d’éducation à Evreux (du 15 au 19novembre).

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AILLEURS

Du 9 au 20 novembre 2011, les Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal, au Canada. Ces RIDM s’ouvriront par la projection de Crazy Horse, réalisé par Frederick Wiseman auquel le festival consacre une belle rétrospective. De nombreux films de la compétition internationale y poursuivent leur carrière en festivals. C’est notamment le cas de A Still Jacket, Entrée du personnel, La BM du seigneur, Territoire perdu, Vol Spécial ou Yatatso. Des séances spéciales permettront également de (re)voir Nous, princesses de Clèves, El Sicario room 164, Spectres, ou Qu’ils reposent en révolte (des figures de guerres).

– Du 11 au 16 novembre, le Festival « Filmer à tout prix » de Bruxelles. Plusieurs compétitions (films belges, premières œuvres, sélection internationale), et des écrans parallèles pour (re)voir certains films de Manon de Boer, Boris Lehman, Jorge Leon ou encore Claudio Pazienza. A noter également la diffusion de la série documentaire Mafrouza réalisée par Emmanuelle Demoris.

– Du 16 au 27 novembre, le Festival international du film documentaire d’Amsterdam. Rendez-vous incontournable, l’IDFA 2011 permet comme chaque année de voir le meilleur des productions internationales ; par exemple : Another Life d’Alexandre Dereims, Behave de Maria Ramos, Crazy de Heddy Honigmann, Fragments of Palestine de Marie Caspari ou encore Happiness … Promised Land de Laurent Hasse. Dans la compétition internationale : Into the Abyss de Werner Herzog, Lettres d’Iran de Manon Loizeau, Le baiser de Poutine de Lise Birk Pedersen… A noter également, à côté du marché et du « forum » dédié au (co-)financement de nouveaux projets, une rétrospective autour de l’oeuvre de Steve James et une session consacrée au documentaire brésilien.
Et puis, le DocLab présente une riche sélection autour des nouvelles formes de narration. On y retrouvera notamment InSitu (Alexandre Viviani), Code barre (Philippe Archontakis et Pascal Brouard), The next day (Jason Gilmore), La Zone (Guillaume Herbaut et Bruno Masi) ou encore Powering a Nation : Coal – A Love Story (Laura Ruel).

Sans oublier…

– Le 52e Festival dei Popoli de Florence, du 12 au 19 novembre ;
– Le  Festival de cinéma documentaire de Bibao, du 4 au 11 novembre ;
– Le DokumentART, à Neubrandenburg (Allemagne) et Szczecin (Pologne), du 4 au 9 novembre ;
– Le Festival international du film documentaire de Copenhague, du 3 au 13 novembre.

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Les sorties en salles

Dominique Schaffhauser dans « Zones d’ombre » (Mika Gianotti, 2011)

Le 2 novembre

Squat, la ville est à nous !, de Christophe Coello.

C’était en 2003, à une époque où les « Indignés » n’existaient encore pas comme on les connait aujourd’hui, Christophe Coello commençait à tourner son film sur un groupe de squatteurs de Barcelone. Miles de viviendas engageait alors une vaste entreprise de réappropriation urbaine, ininterrompue depuis. Il s’agit de réinvestir ce que les spéculateurs tentent de vider de toute épaisseur humaine, de s’arroger le droit d’occuper des logements vides, les peupler, les animer et les rendre vivants repoussant quelques murs.
Le documentaire suit pendant 8 ans ces actes de résistance et cette folle et joyeuse énergie de l’espoir d’activistes qui ont décidé de ne pas abandonner les quartiers populaires aux élites économiques. Si la vie de ces squats reste menacée par l’intervention policière, il s’agit aussi de réinventer le militantisme, et convaincre la population de la justesse de cette forme de combat. Le film, qui a lancé un appel à soutiens sur Internet, nous place aussi devant notre (éventuelle) passivité face à la marche du monde.

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La pluie et le beau temps, d’Ariane Doublet.

Autre documentaire engagé, mais militant dans une forme différente, le film d’Ariane Doublet s’intéresse à la pluie qui s’abat et au beau temps qu’il fait sur les champs de lin français, en Normandie (40% de la production mondiale). La météo a changé depuis quelques années : c’est désormais la Chine, quasiment le seul acheteur mondial, qui décide des aléas économiques qui soufflent sur les agriculteurs du Pays de Caux.
Le film tisse une petite histoire de la mondialisation des matières premières ramenée ici aux relations entre les exploitations françaises et les usines chinoises. Coutumière des paysages normands (Les Terriens, 2000 ; Les Sucriers de Colleville, 2003), Ariane Doublet travaille en France, et combine sa voix avec celle de Wen Hai qui lui répond en contrechamp depuis la Chine. « Wen Hai avait carte blanche pour son tournage en Chine et lui me laissait carte blanche pour le montage. Nous sommes souvent proches des gens que nous filmons et nous ne cherchons pas à faire oublier la caméra : il s’agit de les filmer dans leur espace en ayant une complicité avec eux« , explique t-elle. Au final, leurs images se répondent, s’emboîtent et se combinent parfaitement pour construire ce film admirable, et déjà remarqué en festivals.

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Le 7 novembre

Honk, de Arnaud Gaillard et Florent Vassault.

Honk (Klaxonnez, en français) est un nouveau film qui « milite » pour l’abolition de la peine de mort aux Etats-Unis. Le documentaire a été initié par l’association « Ensemble contre la peine de mort«  qui avait demandé une enquête sur le sujet au sociologue Arnaud Gaillard (999, Au cœur des couloirs de la mort, ed. Max Milo). Celui-ci l’a ensuite prolongée en documentaire avec le réalisateur Florent Vassault. Le film, qui s’appuie sur le 30e anniversaire de la fin des exécutions en France, tente de donner un peu de chair au processus judiciaire américain en se confrontant aux familles de victimes ET de condamnés. Ces témoignages disent l’inutilité de la peine de mort, qui ne venge ni n’apaise les proches des victimes. Ils expliquent aussi la cruauté de la détention dans les couloirs de la mort, et le traumatisme indélébile quand on parvient à en sortir comme Curtis McCarty. Le film adopte le point de vue de sa thèse sans trop l’interroger, et convaincra sans mal ses spectateurs de la justesse de son combat. 34 Etats continuent aujourd’hui d’appliquer la peine de mort aux Etats-Unis.

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Khodorkovski, de Cyril Tuschi.

C’est un thriller documentaire que propose le réalisateur allemand Cyril Tuschi. Un film haletant où les zones d’ombre le disputent aux fausses évidences. Une tentative pour comprendre, un essai visant à cerner un peu de la personnalité de Mikhail Khodorkovski, oligarque russe jadis à la tête du géant pétrolier Ioukos devenu l’ennemi politique intime de Vladimir Poutine. Khodorkovski, alors sans doute l’homme le plus riche de Russie, a été condamné en 2003 pour « escroquerie » et « évasion fiscale ». Après une peine de 8 ans, il est à nouveau envoyé en prison pour 5 ans. Ses ambitions politiques sont-elles à l’origine d’un tel acharnement ? Comment ce militant communiste zélé s’est-il retrouvé au bagne ?
Le documentaire de Cyril Tuschi tente de démêler le vrai du faux au terme d’une vaste enquête menée dans plusieurs pays. S’appuyant tour à tour sur les témoignages d’anciens ministres européens, de proches de Khodorkovski ou de Khodorkovski lui-même interrogé en marge de son procès, il dresse aussi le portrait très nuancé d’un pays insaisissable et très paradoxal.

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Nos ancêtres les Gauloises, de Christian Zerbib.

Elles sont d’origine afghane, cambodgienne, marocaine ou encore néerlandaise… Elles sont dix, ont entre 40 et 72 ans, et viennent dire, sur scène et devant la caméra de Christian Zerbib, leur profond attachement à la France. Une pièce de théâtre a été écrite à partir du récit de leurs expériences particulières qu’elles rejouent dans une salle de Dijon. Le dispositif, original, nous met face à des paroles sincères, pensées et revendiquées. « L’identité nationale se conjugue au féminin pluriel », indique le sous-titre du film, qui parvient à faire tenir ces 10 trajectoires ensemble. Déjà auteur d’un film sur les sans-papier (En terre étrangère, 2009), Christian Zerbib nous invite ici à porter un regard empathique sur ces 10 femmes qui, bien sûr, nous regardent en retour.

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Zones d’ombre, de Mika Gianotti.

Tourné au palais de justice de Saint-Omer, le documentaire de Mika Gianotti invite lui-aussi à une assez saisissante « ronde des regards ». Ceux de magistrats face aux accusés eux-mêmes scrutés par les jurés, non loin de la position des spectateurs. Nous sommes invités à suivre deux procès tout au long de leur déroulement, mais ce n’est pas un un énième document sur les coulisses de la justice qu’il nous est donné à voir. L’entreprise fait ici le pari de l’intimité, et s’appuie sur une amitié vieille de 20 ans entre une réalisatrice rompue aux films de ce genre (le dernier en date : Dans le sillon du juge sans robe, 2005) et un Président de cour d’assises « humaniste ». Lui explique : « La justice est humaine, forcément imparfaite ; ce qu’il faut avoir en tête, c’est comment réduire cette marge d’inexactitude« . C’est dans cette relative incertitude, dans ces zones d’ombre que nous convie ce passionnant documentaire…

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Le 16 novembre

The Black Power Mixtape (1967-1975), de Göran Olsson.

Film rare, film composé d’archives inédites restées pendant 30 ans dans les placards d’une télévision suédoise, le montage de Göran Olsson nous plonge dans les Etats-Unis des années 70 ; plus précisément au sein de la communauté noire et du mouvement « Black Power ». Après les assassinats de Martin Luther King et de Malcom X, la lutte contre la ségrégation raciale et pour les droits civiques se radicalise. Lorsque les journalistes suédois demandent à la militante Angela Davis, alors emprisonnée, ce qu’elle pense du recours à la violence, celle-ci répond dans une scène clé du documentaire : « Lorsque quelqu’un me demande mon avis sur la violence, je trouve cela incroyable car cela signifie que la personne qui pose cette question n’a aucune idée de ce que le peuple noir a pu endurer dans ce pays depuis que le premier noir a été kidnappé des côtes africaines ».
The Black Power Mixtape
est aussi l’occasion de réentendre des figures comme Erykah Badu, Harry Belafonte, ou encore Stokely Carmichael. Le film avait fait grand bruit lors du dernier festival de Sundance…

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Qu’ils reposent en révolte (des figures de guerres), de Sylvain George.

Retour à Calais dans cet objet cinématographique atypique, tourné en noir et blanc entre 2007 et 2010 auprès de certains migrants échoués au Nord de la France. Il ne s’agit pas tant de voir que de ressentir les conditions d’existence de ces individus souvent retranchés des représentations audiovisuelles. Le réalisateur explique : « [Le film] montre comment les politiques engagées par les États policiers modernes débordent le cadre de la loi, et font surgir des zones grises, des interstices, des espaces d’indistinctions entre l’exception et la règle ».
La forme, fragmentaire, du documentaire de Sylvain George (à écouter ici) peut surprendre. Le réalisateur fait simplement le pari de l’intelligence du cinéspectateur. Pour qualifier son documentaire aux frontières de l’art expérimental ou de l’avant-garde, il parle volontiers de « poème filmique incendiaire« . Vous y retrouverez un peu de Jean Vigo et de René Vautier

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Beirut Kamikaze, de Christophe Karabache.

Autre forme expérimentale pour le film de Christophe Karabache qui, lui, s’intéresse à Beyrouth. Les images, brutes, ont été tournées entre 2005 et 2010. Dans l’urgence d’un cri de révolte. Point de préoccupation esthétisante en effet ; c’est un « regard à la fois déchiré et enragé sur un pays au bord de l’abîme, plongé dans l’ignorance et la violence » auquel nous sommes confrontés. Tout est instable dans ce film, et rien n’est ménagé pour le confort du spectateur. L’œuvre dérange, et c’est bien le but d’un auteur qui s’attache avant tout à construire un objet à même d’éprouver les sensations pour bousculer l’intelligence. Pari risqué, pari osé, et sans doute gagné.

Bons films !…

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