« L’Oeil d’or », ce prix dont nous vous annoncions la création au festival de Cannes il y a deux ans, vient de trouver son troisième lauréat. Après « Au-delà d’Allende, mon grand-père » en 2015 et « Cinéma Novo » en 2016, c’est « Visages Villages », le road-movie documentaire d’Agnès Varda et JR qui a été distingué cette année. Un film dont nous vous révélions les coulisses il y a un an, et qui sortira dans les salles françaises ce 28 juin.
« L’Oeil d’or » n’est pas encore remis lors de la soirée de clôture du festival de Cannes, mais force est de constater qu’il draine de plus en plus de propositions d’ordre documentaire dans les différentes sections du festival – ce qui était, aussi, l’un des objectifs de ce prix à sa création voulue par la SCAM. Cette année par exemple, on aura remarqué Makala, nouveau film d’Emmanuel Gras, ou encore « Carré 35 » d’Eric Caravaca, mais c’est la virée de deux artistes en goguette – Agnès Varda et JR – qui remporte les suffrages du jury présidé cette année par Sandrine Bonnaire.
Visages villages c’est, comme nous vous le révélions il y a un an, « un film à quatre mains et quatre yeux ». « Puisque le premier reproduit des visages de personnes croisées dans la rue à très grande échelle et que la seconde cherche à capter les histoires et les récits de ces mêmes personnes, il leur semblait presque naturel de travailler ensemble. », écrivait l’an passé Fanny Belvisi.
Dans ce film, Agnès Varda et JR se déplacent sur les routes et dans les villages de France grâce au camion photographique du plasticien, à la rencontre des habitants. La cinéaste expliquait il y a un an : « Moi j’aime beaucoup traiter certains sujets, parler aux gens, m’approcher d’eux et comme JR arrive, par sa façon de faire des photographies, à mettre au mur des choses très grandes, j’avais l’impression que cela amplifiait la représentation des gens. Peut-on en faire des héros du quotidien ? Car moi, ce sont les gens du quotidien, les gens simples qui m’intéressent. Comme de son côté, JR en faisait des grandes images, il me semblait qu’on pouvait associer nos méthodes. »
Après une rencontre avec les deux artistes en juin dernier au Louvre, Fanny Belvisi constatait :
Pourtant, au delà de l’exercice de style, ce projet de film a aussi le mérite de confronter deux temporalités hétérogènes. Il y a d’abord celle existant entre JR et Varda, que 55 années séparent. Et même si Agnès Varda affirme que « c’est agréable quand on est vieux de travailler avec quelqu’un qui s’en amuse énormément, car je suis obligée de trouver ça drôle aussi. », il est clair la différence générationnelle devient ici un élément constitutif du film.
La seconde hétérogénéité temporelle, est celle induite par leur manière spécifique de travailler. « Le principe même de mon travail est basé sur le fugitif, sur le fait que cela va vite et que cela disparaît aussi très vite. », affirme JR. Et même si Agnès Varda se fascine pour cette performativité artistique, où l’idée et le dire sont presque immanents avec le faire, il n’en demeure pas moins qu’elle défend son medium, le cinéma, qui nécessite, lui, du temps. « Le cinéma est plus long. Dans cette vitesse que propose JR, j’apporte une réflexion et une lenteur. », explique Agnès Varda.