Nouvelle websérie dans l’offre assez prolifique d’ARTE, qui arrive sur vos écrans après trois ans de travail. En 10 x 3 minutes, « Une espèce à part », réalisée par Franck Courchamp et Clément Morin, propose un regard décalé sur notre monde, où l’Homme n’est pas le centre de l’univers. Pédagogique, et militant.
Ce sont des films sur l’infiniment petit. L’Homme. L’être humain descendu du piédestal qu’il s’est lui-même imaginé, envisagé ici à une échelle spatio-temporelle qui le dépasse de très loin : l’infiniment grand. La galaxie. Ou plutôt au pluriel : les galaxies.
La série débute en nous projetant dans l’univers (observable), avec une estimation de sa taille dont on peine à saisir la mesure : plus de 800.000 milliards de milliards de kilomètres. Dans cet espace : « une planète de taille banale orbitant atour d’une étoile plutôt blême« , comme il en existe 400 sextillions. La voix-off, très pédagogique, nous aide à comprendre le vertige qui transparaît dans la mise en images : « Il y a autant d’étoiles dans l’univers que de gouttes d’eau dans l’océan ».
En se rapprochant un peu de la Terre (une planète parmi plus de 100 milliards existant dans la Voie Lactée et qui, de ce fait, n’est vraisemblablement pas la seule à abriter des formes de vie), la série va s’escrimer à infirmer son titre. En toute objectivité scientifique. L’Homme n’est pas une « espèce à part » ; il n’est pas « exceptionnel » par rapport aux autres organismes vivants qui l’entourent ou qui le constituent. Il serait même terriblement banal. Voire… insignifiant.
Les auteurs s’amusent alors à comparer les capacités humaines avec celles des animaux qui nous entourent encore aujourd’hui. L’Homme n’est manifestement ni le plus grand, ni le plus fort, ni le plus beau (cette donnée se discute), ni l’espèce la plus nombreuse. Et pas le plus intelligent, comme en témoignent les nombreuses « inventions » qu’il a empruntées à d’autres espèces : l’oiseau pour l’avion, les écailles de poisson pour les tuiles des toits, la baleine pour les sous-marins, etc. (épisode 5).
Mais pourquoi l’Homme se voit-il donc comme l’espèce dominante ? Quelle spécificité pourrait expliquer ce sentiment de supériorité ? L’intelligence ? Le langage ? La capacité à résoudre des problèmes ? Rien de tout cela, ces qualités sont partagées par de nombreux animaux. La conscience de soi, alors ? L’empathie ? L’humour ? Fausses pistes également…
Si l’Histoire de l’évolution de la Terre était résumée dans un livre de mille pages, l’Homme n’occuperait que quelques lignes à la dernière page. Autrement dit, il n’est qu’« une poignée de secondes dans la journée d’existence de sa petite planète », et un animal composite qui fonctionne grâce à un patchwork d’êtres vivants imperceptibles. L’épisode 9 nous le démontre avec maestria : l’Homme est dépendant des autres, « l’humanité dans son intégrité même n’est rien d’autre que le fruit d’une immémoriale collaboration inter-espèces ».
Mais la série finit par se rabibocher avec son titre au terme de l’ultime épisode. L’Humain est bien une « espèce à part », qui a dompté les éléments pour survivre, inventé les arts et les sciences, la morale et l’éthique, la politique, etc. Et de manière bien plus radicale, c’est la précocité et l’immaturité de l’Homme dans sa capacité à détruire irrépressiblement son environnement qui font de lui une « espèce à part ». « L’Homme a réussi la prouesse de souiller les plus hauts sommets du monde et les plus profonds océans, l’intérieur des espèces et l’extérieur de sa planète ».
Une espèce à part est une websérie à grand spectacle, qui devrait être vue dans les salles de cinéma. Forte d’une esthétique puissante et d’une narration méticuleuse, elle est le fruit de la collaboration entre un éminent chercheur au CNRS, Franck Courchamp, et un artiste chevronné, Clément Morin. Le premier est directeur de recherches au laboratoire Écologie, Systématique et Évolution du CNRS, mondialement reconnu (et primé) pour ses études et son travail de vulgarisation. Le second est un réalisateur spécialisé en motion design, remarqué pour la qualité de ses films personnels comme institutionnels.
Les deux auteurs se sont rencontrés à l’initiative du premier qui cherchait à mettre en images « des faits fascinants et des chiffres impressionnants » pour remettre l’Homme à sa juste place. Il a trouvé en Clément Morin un auteur brillant. Des premières images figurant un embryon en rotation sur lui-même qui se reflète sur le casque d’un astronaute observant la Terre depuis l’espace, aux derniers plans qui nous ramènent sur notre planète en montrant notamment un sac plastique au fond des océans, un biberon au milieu d’une décharge, un cerf abattu ou encore des déchets spatiaux, le réalisateur a composé une symphonie visuelle d’une fluidité et d’une efficacité remarquables.
Auteur brillant, et obstiné. Pendant trois ans, il a progressé dans son travail de construction d’images de synthèse à raison d’une seule seconde de film produite par journée de travail. Une entreprise titanesque. Tout sauf… insignifiant.
MERCI MERCI MERCI aux auteurs, réalisateurs, scénaristes, techniciens, graphistes, artistes, archivistes et toutes celles et ceux qui ont participé à cette mini série. Un grand merci pour la limpidité, la clarté et la simplicité des commentaires. Merci pour la diction parfaite, qui, dans le ton, ni ne condamne, ni ne reproche, ni ne donne de leçons. Beaucoup de soit disant » philosophes « , en tout cas eux le pensent-ils, devraient peut-être s’inspirer de la narratrice. Narratrice que je remercie au passage avec enthousiasme. Cette mini série, qui; si j’étais encore face aux élèves qui me furent confiés durant plusieurs décennies, je ne manquerais de diffuser afin de leur ouvrir la conscience et les amener à réfléchir sur eux même et le ‘ rôle ‘ qu’ils souhaitent incarner dans leurs vies. Bien à vous, un auditeur très reconnaissant devant ce travail fantastique que ces » réflexions » nous invitent à faire en nous même. François de RUDDER.
Très chouette mini-série, vraiment.
Je la partage avec mes amis…