En France, les formations universitaires consacrées aux documentaires ne sont pas légion. Pourtant, à en juger par la montée en qualité des films d’étudiant-e-s qui en sortent diplômé-e-s chaque année, il est certain que quelques-uns des futurs « noms » du genre émaneront de ces cursus de Master. C’est le cas par exemple de Maxence Voiseux qui, avec son film « Les héritiers« , a remporté cette année un prix au Cinéma du Réel. Le réalisateur est diplômé du Master Pro Documentaire Ecriture des Mondes Contemporains,délivré à l’Université Paris-7 Jussieu, dont nous vous avons récemment partagé les films de la dernière promotion.
Formé au Master Pro Les métiers du film documentaire dispensé à l’Université d’Aix-en-Provence, Jean-Baptiste Mees a, lui, réalisé avec « 15 ans« un premier film très juste sur la délicate transition qu’opèrent les collégiens de 3ème vers leur avenir. Développé dans le cadre de la formation puis produit par la société Prima Luce, 15 ans annonçait aussi le premier long-métrage du jeune réalisateur marseillais, « La vie adulte ». Avant la projection de ce film à la SCAM ce 21 octobre, Le Blog documentaire vous propose de découvrir « 15 ans », en exclusivité et jusqu’au 24 octobre.
Comme un air de diptyque. Entre 15 ans et La vie adulte, il y a quelques années d’écart, presque celles qui emmènent de la fin du collège à la fin du lycée, d’un choix à l’autre. Fasciné par ces périodes décisives, dont l’un des personnages de 15 ans note, avec un juste dépit, qu’elles définissent une grande partie de la vie future des adolescents, le réalisateur Jean-Baptiste Mees instaure un dialogue dans lequel un souffle d’enfance se mêle à la nécessité d’être « un grand » et de définir son orientation.
Si La vie d’adulte se focalise sur un personnage, 15 ans ressemble davantage au film choral. La première scène pose le décor : à la réunion parents-élèves avec les professeurs en vue de l’orientation après le collège, quelques ados majoritairement mutiques sont sommés de répondre à des questions vertigineuses. Quelles envies ? Quelles capacités ? Quel avenir ? L’institution de l’école avance si vite que ces jeunes qu’on dirait à peine sortis de l’enfance se retrouvent face à un choix trop grand pour eux. Mettant le spectateur immédiatement au cœur des destinées de Basile, Dane, Alex ou Mekki, le réalisateur s’attache ensuite à débusquer derrière les postures bravaches des adolescents quelque chose de leurs sentiments, encore confusément exprimés. De discussions sur les hauteurs de Marseille en face-à-face à la sortie d’un lycée (avec Djibril, l’illumination du film), Mees capte les rires gênés qui résonnent comme des protections, les analyses embryonnaires mais déjà très justes sur la société, les ambitions à peine avouées. C’est le théâtre bien connu, presque banal, de l’affirmation de soi qui se joue, à pas feutrés mais avec toute la tension sociale que l’on pressent se déployer derrière ces postures : surtout ne pas paraître comme trop intellectuel, tourner en dérision la non-acceptation en Seconde générale. Dans cette scène de l’adolescence où chaque signe compte, Mees joue avec malice sa position d’à peine grand frère. Avec Djibril, brillant élève des quartiers Nord qui, pour sa Seconde, migre vers un lycée des beaux quartiers, le réalisateur montre non sans humour comment le style vestimentaire « bourgeois » a remplacé le style « racaille ». Au royaume des apparences, ceux qui se déguisent sont rois : ainsi Djibril montre-t-il avec une infinie douceur comment la violence symbolique peut très vite catégoriser de jeunes adultes… surtout dans une ville aussi scolairement inégalitaire que Marseille.
Pour voir La vie adulte, de Jean-Baptiste Mees :
Projection (suivie d’un verre) le 21 octobre à 19h30 à la SCAM
5 avenue Velasquez – 75008 Paris
Réservation indispensable auprès de Lola Contal : lola.contal@primaluce.fr
Pingback: « 15 ans » sur le blog documentaire | "Les métiers du film documentaire"