La saison des festivals estivaux commence… Du Sunny Side à La Rochelle (25-28 juin) aux Rencontres du film documentaire de Mellionec (28 juin-1er juillet) et du FID à Marseille (10-16 juillet) aux états généraux du documentaire de Lussas (18-25 août), il y en a pour tous les goûts. La manifestation ardéchoise fête cette année son trentième anniversaire, avec notamment la traditionnelle sélection de films « Expériences du regard », une histoire du doc qui nous emmène en R.D.A., une route du doc qui nous conduit en Yougoslavie, et puis ce séminaire qu’on vous présente ici. L’avant-programme est là.
Sauve qui peut le cinéma direct
Peut-on encore faire du cinéma direct ? C’est autour de cette question que nous réfléchirons pendant ces deux jours. La réponse ne va pas de soi pour de nombreuses raisons qui tiennent à l’évolution du monde des images, à celle des technologies mais surtout à notre propre rapport au monde – filmeur, filmé, spectateur – qui a singulièrement changé.
Dans un premier temps, nous irons voir ce qui en a fait la quintessence, cette « parenthèse enchantée » qui s’est développée essentiellement entre la fin des années 1950 et le début des années 1980 avec des réalisateurs aussi divers que Richard Leacock, Pierre Perrault, Michel Brault, Jean Rouch, David et Albert Maysles, D. A. Pennebaker et bien d’autres. Comment ce courant a-t-il émergé ? Quelle en fut la teneur, les caractéristiques ? Dans quel contexte s’est-il développé ? Tel sera le premier pan de notre réflexion, en nous appuyant sur des films phares de cette époque, pour tenter de mieux saisir le phénomène de cristallisation qui est alors advenu.
Puis viendra le second questionnement : est-il encore possible de faire du cinéma direct aujourd’hui ? Cela a-t-il encore un sens ? La multiplication des formes de production et de diffusion d’images liées à l’usage prédominant des technologies numériques a bouleversé notre rapport au monde. L’attente du spectateur, soumis à de multiples sources d’images en mouvement, inscrit dans des temporalités de plus en plus rapides, des formes de connexion multiples et instantanées, en a été profondément modifiée. La production audiovisuelle majoritaire, reprenant en apparence les codes du cinéma documentaire, en a profondément dénaturé l’approche. Le sentiment d’appartenance à un monde commun semble lui aussi remis en question par des pans entiers de la population et ce dans de nombreux pays, tandis que la violence de la société, vécue comme insoutenable pour beaucoup, entraîne des replis communautaires ou individuels auxquels l’économie de marché mondialisée contribue à sa façon. De quelle manière le comportement des gens face à la caméra en a-t-il été transformé ? Les réalisateurs de films documentaires ont-ils dû repenser leur approche ? Le cinéma documentaire dans sa quintessence, celle du cinéma direct, dispose-t-il encore d’un espace pour exister ? Ou faut-il considérer qu’il appartient à une époque révolue liée à un contexte culturel, politique, économique et anthropologique différent ? Doit-il se réorienter vers des formes plus analytiques ou fictionnelles ? Pour ébaucher des éléments de réponses à ces hypothèses, nous discuterons avec des réalisateurs contemporains, que ceux-ci s’inscrivent dans la lignée du cinéma direct ou qu’ils s’orientent vers d’autres approches.
Frédéric Sabouraud
Coordination : Frédéric Sabouraud
Avec Dominique Marchais, Nicolas Philibert, Benoit Turquety, Caroline Zéau
Séminaire sur pré-inscription