Toujours très attentif à l’actualité des festivals, Le Blog documentaire vous propose ici un compte-rendu de la 18ème édition de Visions du Réel à Nyon (Suisse). Plus de 25.000 spectateurs, près de 400 films disponibles à la « Media Library » et des professionnels en provenance de 68 pays… C’était du 20 au 27 avril. Le compte-rendu, bien évidemment très subjectif, est signé Noémie Saettler.
Une petite ville, sans grand charme, perdue dans un paysage de carte postale : à ses pieds, le lac Léman, en contre fond, les somptueuses Alpes. Nous sommes à Nyon, en Suisse, et c’est là que se retrouvent, l’espace de quelques jours, des centaines (milliers ?) de personnes prêtes à rester enfermées des heures dans une salle noire… Tout ça pour assister au meilleur de la production mondiale de films documentaires des dernières années.
Sur les 200 films projetés au festival Visions du réel, 110 étaient en compétition dans les catégories longs, moyens et courts métrages. De quoi ne pas s’ennuyer pendant 8 jours, ni pour le jury, ni pour l’équipe du festival, faisant preuve d’organisation impeccable – chapeau pour des projections qui, de 10h à 22h, commencent sans une minute de retard ! – ni pour le public. Et effectivement… Le programme est d’une telle densité que, quand on ne reste que 3-4 jours comme ce fut mon cas, il faut s’accrocher pour réussir à enfiler une dizaine de films par jour. Il n’est d’ailleurs pas toujours laissé de temps à des débats à l’issue des projections, même quand le réalisateur est présent dans la salle… ce qui est un peu dommage.
Mais revenons aux films… On retiendra une tendance commune, comme l’explique le directeur Luciano Barrisone : une attention particulière accordée à des portraits de vie dans un monde qui change, à des êtres humains qui s’accrochent et continuent de rêver à des jours meilleurs. Outre ces films ancrés dans le monde contemporain, quelques films s’attachent également à un retour sur le passé, avec pour certains une très belle utilisation d’images d’archives, comme par exemple pour le film Comme des lions de pierre à l’entrée de la nuit (Olivier Zuchuat, Suisse, France, Grèce, 2012, 87’).
Mais globalement, il est étonnant de voir que, à part le film Tahrir – Place de la libération, la sélection ne prévoyait peu ou pas de films contemporains traitant de grandes questions actuelles : où sont les films parlant de la crise économique et de ses laissés-pour-compte ? Des guerres, conflits et soulèvements de population ? De la crise écologique ? Des réfugiés climatiques et politiques ? Des discriminations et violences envers les plus faibles ? Du non-respect des droits humains par les Etats et entreprises ?
Mais ces quelques jours étaient avant tout l’occasion de voir des films que l’on n’a pas toujours la possibilité de voir, ni chez soi, encore moins sur grand écran. C’est le cas des films en compétition, mais aussi de ceux dans d’autres catégories, comme le « focus Bosnie-Herzégovine » qui nous permet de voir des films malheureusement trop rares, ainsi que catégorie « Helvétique » qui témoigne d’une grande qualité dans la production de films suisses.
Retour sur quelques films marquants…
- A better life elsewhere (Rolando Colla, Suisse, 2012, 90′)
Trois personnages, un homme bosniaque, une femme suisse et un homme cubain, suivis par le réalisateur pendant plusieurs années… Tout sépare ces trois personnages : l’origine, l’âge, la culture ; et pourtant tout les rapproche : les mêmes questionnements, les mêmes rêves. Comment ne pas se sentir isolé, enfermé et prisonnier de sa propre vie ? A voir pour faire un voyage aux trois coins du monde en seulement 1h30.
- 24 Buckets, 7 Mice, 18 Years (Iacob Marius, Roumanie, 2012, 39′) – compétition moyens métrages
Un couple vit « à l’ancienne » dans une roulotte, au milieu de nulle part, sans eau courante, sans électricité… Une vie tellement bizarre que des touristes du monde entier, emmenés par leurs guides, débarquent régulièrement par horde pour voir ces gens de plus près. Un film à voir pour se laisser surprendre par un aspect de la Roumanie peu connu.
- Nessa (Loghman Khaledi, Iran, 2012, 52′) – compétition moyens métrages
Le film choc du festival ? Nessa, jeune iranienne célibataire, travaille à devenir actrice. « Mais qu’en disent les voisins ? » est la question au cœur du film, qui pousse Naeem, le frère de Nessa, à s’énerver. A beaucoup s’énerver, physiquement, sur elle. 52 minutes de violence et d’injustice. C’est Une séparation mais en pire, et en vrai. A voir pour avoir peur de l’Iran et de ses hommes.
- Snow Crazy (Laila Pakalina, Lituanie, 2012, 34′) – compétition moyens métrages
Des habitants d’un pays plat, la Lituanie, prêts à tout pour assouvir leur passion du ski. Un film décalé, des images hilarantes qui reposent sur un montage très soigné. A voir pour avoir envie de faire du ski en Lituanie.
- 3 days of freedom (Lukasz Brorowski, Pologne, 2011, 27′)
Piotr est en prison, depuis 28 ans. Il a 3 jours de liberté devant lui. 3 jours pour retrouver sa famille, ses amis, et trouver sa place dans un monde qui a bien changé. Un film qui repose sur un personnage qui, sous ses aspects de gros dur, dégage beaucoup de force et d’émotion. A voir parce que si ça c’est son premier film, Lukazs Brorowski est plutôt très bien parti !
- Empire of dust (Bram Van Paesschen, Belgique, 2011, 77′)
Imaginez des Chinois et des Congolais devant travailler à la construction d’une route, ensemble, au Congo. Les Chinois, investisseurs de milliards de dollars dans le pays, tentent de faire la loi et, du même coup, d’affirmer leur supériorité (économique, intellectuelle, génétique… à vous de choisir). Un film qui montre de beaux moments d’échange, parfois comiques, mais le plus souvent effrayants, dus aux propos hautement méprisants des Chinois. A voir pour avoir peur de la Chine et de ses hommes.
- Tropicalia (Marcelo Machado, Brésil, 2012, 87′)
Retour sur le mouvement tropicaliste de la musique brésilienne des années 60, avec des images et des sons d’archives magnifiques, qui nous font comprendre toute l’originalité et l’importance de ce mouvement culturel dans l’histoire du Brésil. A voir pour être impressionné par l’excellent travail de montage et d’esthétisme graphique. Et aussi, accessoirement, pour admirer Caetono Veloso et Gilberto Gil, tout jeunes et tout beaux.
Noémie Saettler
Plus loin…
1. La photo de Une de cet article est signée Thierry Kleiner.
2. Noémie Saettler est administratrice de production chez Dora Films. Elle est diplômée de cinéma et de sciences politiques. Vous pouvez la retrouver sur Twitter : @dorafilms.
3. Voyez cet entretien avec Arnaud des Pallières réalisé en marge du festival :
4. Vous retrouverez également le palmarès de l’édition 2012 de Visions du Réel sur le site du festival.
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