Nouveau partenariat entre un film et Le Blog documentaire… Après « On est là !« , après « Le sommeil d’or« , voici venu le temps d’accompagner la sortie en salles de « L’hypothèse du Mokélé-Mbembé », documentaire signé Marie Voignier. Après une belle vie festivalière, le film arrive enfin sur les écrans. Et pour fêter ça, nous vous invitons à l’avant-première prévue ce dimanche 4 novembre, à 16h à la Gaîté Lyrique. 20 places gratuites sont réservées aux lecteurs de notre site, pour les 20 premiers à envoyer leur coordonnées postales à : leblogdocumentaire@gmail.com.
Marie Voignier fait partie de ces artistes rares dont l’approche du réel vient à chaque film revivifier un peu l’art documentaire. Ingénieure en physique, diplômée de l’école des Beaux-Arts de Lyon, elle a notamment réalisé Le Bruit du canon (Prix du court métrage, Cinéma du Réel 2007), Hinterland (Prix des médiathèques FID 2009) ou encore Hearing the shape of a drum (Biennale d’art contemporain, Berlin 2010). Son dernier film, L’hypothèse du Mokélé-Mbembé, est une proposition rare, forte, et revigorante.
Le documentaire nous emmène au Sud du Cameroun, à la suite d’un homme qui arpente la jungle et les berges boueuses des rivières. Il est à la recherche d’un animal inconnu de la zoologie : le Mokélé‐Mbembé. Les Pygmées que l’explorateur rencontre au cours de ses expéditions décrivent cet animal comme une sorte de rhinocéros à queue de crocodile et à tête de serpent. Certains affirment l’avoir déjà rencontré près de la rivière. Animal mythologique ou animal réel ? L’explorateur est depuis longtemps convaincu de l’existence de cette bête. Il nous entraîne dans une quête acharnée pour trouver des traces de l’animal ou des témoignages de son existence dans un univers où le vraisemblable se mêle au légendaire, nous ramenant aux sources de la fiction.
Nous vous proposerons très bientôt un entretien (vidéo) avec Marie Voignier, mais avant cela, penchons nous sur la relation qui s’est instaurée entre la réalisatrice et son personnage principal. Marie Voignier explique ainsi :
Michel Ballot se définit comme un chercheur indépendant en cryptozoologie [littéralement « la science des animaux cachés », NDLR]. Parallèlement à sa profession d’avocat puis de juriste, Michel Ballot s’est intéressé très tôt à toutes les publications et recherches concernant ces animaux mystérieux. Dès 1986, encouragé par Bernard Heuvelmans, le « fondateur » de la cryptozoologie, il commence à rassembler de la documentation sur le Mokélé-Mbembé. Depuis 2003, il se consacre à temps complet à sa recherche et se rend plusieurs fois par an au sud du Cameroun, près de la frontière congolaise, pour des explorations de 2 à 4 semaines au cours desquelles il a collecté de nombreux témoignages auprès des populations locales pygmées.
Michel Ballot est également le personnage de ses propres films : il documente ses expéditions depuis plusieurs années en vidéo et se met en scène faisant le compte-rendu de ses recherches et de ses découvertes. « L’Hypothèse du Mokélé-Mbembé » puise ponctuellement dans ce fonds d’archives personnelles qui enrichissent notre perception de ce personnage charismatique, obstiné et profondément attachant. Comme tout blanc dans ce contexte, il n’échappe pas à la place assignée d’ancien colonisateur, place qui lui est douloureusement rappelée par ses interlocuteurs qui l’appellent, à son plus grand désespoir, « patron », faisant affleurer la persistance d’un passé colonial qui irrigue et traverse le film.
Cet explorateur contemporain partage avec Don Quichotte les caractéristiques d’un héros moderne : il avance en rupture avec le monde réel et la société scientifique occidentale, trop prosaïque au regard de ses aspirations, qui certes relèvent de l’imaginaire, mais de l’imaginaire d’un homme en quête de vérité.
Si Michel Ballot a pu faire émerger en Marie Voignier un désir de film, c’est que, au-delà de l’intérêt de la réalisatrice pour la cryptozoologie, sa quête interroge notre imaginaire et bouscule nos certitudes. Marie Voignier explique : « Depuis la fin du XXème nous sommes rentré dans une ère des certitudes : la Terre a été entièrement explorée ; le monde est cartographié, numérisé. A la découverte des espèces s’est substituée leur préservation ; à la curiosité, les évidences« . Avant d’ajouter : « La cryptozoologie et les recherches de Michel travaillent les registres de la croyance, de la vérité et de la vraisemblance. Le champ des possibles devient immense, raison et imagination s’alimentent l’une l’autre dans une tentative d’inventaire des murmures du monde, de ses récits, de ses croyances. Le film n’apporte aucune réponse sur l’existence ou non de la bête ; ce sont les questions qu’elle soulève qui m’intéressent avant tout. Peut-on croire en l’existence de cet improbable Mokélé-Mbembé ? Peut-on faire confiance aux images ? Aux histoires ? »
Le film, et sa dramaturgie, procèdent largement de l’entente qui s’est naturellement instaurée entre l’auteure et son personnage. Marie Voignier explique : « Dès notre première rencontre, une confiance mutuelle s’est installée : [Michel] s’est montré très ouvert, très coopératif et s’est mis entièrement à ma disposition, me confiant son journal de bord vidéo filmé lors de ses expéditions précédentes ».
Michel Ballot, en voyant le film, m’a dit que j’avais fait un film sur l’humain plus que sur la bête.
Alors, dans ces conditions, comment a pu se dérouler le tournage, ramassé sur une dizaine de jours ? Il a d’abord fallu composer avec le terrain particulier de l’expédition (absence de téléphones portables, humidité problématique pour le matériel de tournage, etc.). « Je tenais d’abord à le regarder travailler, en lui laissant toute la liberté nécessaire à sa recherche. C’est lui qui mène l’expédition. La plupart du temps, ses interventions étaient donc spontanées : il posait des questions aux Pygmées, comme à son habitude. Cependant, j’ai aussi voulu remettre en scène certaines situations que Michel m’avait racontées, organiser des rencontres ou des discussions qui nous semblaient importantes« .
Le film, vous l’aurez compris, doit beaucoup à la personnalité de Michel Ballot : « C’est un personnage complexe dont j’ai choisi de ne pas saisir toutes les dimensions : je ne voulais pas faire de « biopic », sa vie de famille ou son passé ne m’intéressaient pas pour le film. Je ne voulais – et ne pouvais – pas donner d’explication psychologique facile et rassurante à sa quête, je préférais que le spectateur y soit confronté avec tous les doutes que cela génère ».
Plus loin : « Nous tournions un film et la mise en scène est parfois plus proche de la vérité de ses expéditions que les situations de cinéma direct, où la caméra ne se fait jamais oublier. Dans son journal filmé dont on voit quelques extraits dans mon film, il se met lui-même en scène, il est habitué à la caméra et à la représentation de soi, et nous avons vraiment travaillé cet aspect des choses. Il ne s’est jamais plaint des exigences du tournage très éprouvantes. Il s’est au contraire totalement impliqué dans l’organisation du film ».
Un film, assurément, à découvrir en salles !…
C. M.
Plus loin…
– Fiche technique :
Scénario, réalisation et montage : Marie Voignier
Assistante réalisation : Stefanie Baumann
Son, montage son, mixage : Thomas Fourel
Etalonnage : Julien Bisschop
Durée : 78 minutes
Production : Capricci Films, 2011.
Coproduction : L’âge d’or et Espace croisé, centre d’art contemporain.
Distribution : L’âge d’or.