Comme Le Blog documentaire vous l’annonçait dès le début de la semaine sur les réseaux sociaux, le festival de Cannes se dote d’un nouveau prix, dédié au documentaire. Baptisé « L’Oeil d’or », il devrait permettre une meilleure reconnaissance et une meilleure visibilité du genre sur la Croisette, et bien au-delà…
Les relations entre Cannes et le documentaire ont été pour le moins fluctuantes tout au long de l’histoire du festival. Entre le premier film du genre auréolé d’une Palme d’Or en 1956 (Le Monde du silence, Louis Malle, Jacques-Yves Cousteau – oscarisé l’année suivante) et le dernier documentaire distingué par la plus haute récompense de la manifestation en 2004 (Fahrenheit 9/11, Michael Moore), la présence des œuvres documentaires sur la Croisette a été plutôt… intermittente, notamment au sein de la sélection officielle.
Il y a eu bien sûr quelques coups d’éclat. Reconnaissons par exemple à Thierry Frémeaux, délégué général du festival, d’avoir hissé les films de Nicolas Philibert (Être et avoir, sélection officielle hors compétition 2002) ou encore de Jonathan Nossiter (Mondovino, sélection officielle 2004) en haut des marches, et du box-office – les deux films ayant ensuite connu une belle carrière en salles.
Plus loin dans l’histoire, on remarque plusieurs « curiosités », comme le « Prix du documentaire romanesque » décerné en 1957 à Erik Balling pour Qivitoq, ou encore quelques récompenses accordées dans les années 50 aux courts-métrages documentaires. Plus récemment, un « doc corner » s’est ouvert au marché du film, où la part des documentaires représentait 16% des titres en 2013, contre 7% cinq ans auparavant.
Toujours est-il que les films de cinéma dit « documentaires » peinent manifestement à s’imposer à Cannes, même si une dizaine d’œuvres parviennent chaque année à se faire une place dans les sections parallèles (citons par exemple L’escale, à la Quinzaine des réalisateurs 2013), ou sont valorisées grâce au salutaire travail de l’ACID…
De nombreux professionnels s’en sont émus, et grâce notamment à la persévérance de Julie Bertuccelli, ils sont parvenus à cette victoire : un prix spécifique dédié au documentaire sera attribué cette année selon des modalités proches de la Caméra d’Or ; c’est-à-dire qu’il pourra se porter sur un film présent dans toutes les sections du festival (sélection officielle, en et hors compétition, Un Certain Regard, Quinzaine des Réalisateurs, Semaine de la Critique).
« L’Oeil d’or » sera décerné par un jury présidé par Rithy Panh, composé de la productrice syrienne Diane El Jeiroubi, de la comédienne Irène Jacob, du cinéaste Nicolas Philibert et du critique de Variety Scott Foundas. La récompense sera dotée d’une somme de 5.000 euros, grâce à la SCAM. Elle sera remise le 23 mai, à la veille de la clôture du festival.
Pourquoi pas une sélection entièrement consacrée aux documentaires ?, penseront les plus gourmands. L’initiative est séduisante, mais elle n’est pas d’actualité, notamment en raison de son coût. Elle implique en effet des moyens financiers conséquents, et une administration dédiée pour gérer plusieurs milliers de propositions qui afflueraient chaque année. Sans parler d’une nouvelle « ghéttoïsation » du genre, qui n’est pas souhaitable…
Ce nouveau prix devrait donc porter une lumière nouvelle sur les documentaires présents à Cannes. Espérons aussi qu’il ouvrira l’appétit des sélectionneurs pour le genre, et que les différents films retenus cette année sauront éblouir le jury de ce nouvel « Oeil d’or ».