Nouveu zoom autour de « Re: faire école » sur Le Blog documentaire. Un an après sa mise en ligne, ce webdocumentaire indépendant est devenu « réalité » au 58ème salon de Montrouge, lors de l’événement « So School », le 12 juin dernier. Comme une « nouvelle lecture de notre webdoc pour le projeter vers d’autres dimensions », nous expliquent les auteurs… Récit.
Une personne, porte-voix dans une main, cigare dans l’autre, nous harangue sur le perron. « Tu rentres ou tu sors, mais tu fais pas les deux en même temps ! ». Il nous apostrophe sur un ton emprunt de gravité, un peu violent, tout cela a l’air sérieux. À l’intérieur du bâtiment, deux guitaristes énervés, électriques, dos-à-dos, les visages tendus, qui s’invectivent en se lançant sans cesse les mêmes sentences : « L’art n’est pas sans enseignement, mais l’enseignement reste sans art ! », « L’étudiant en art n’apprend pas, il désapprend ! ». Leurs phrases sont hachées, aspirées, comme déchiquetées, interrompues brutalement par des riffs de guitare électrique au son distordu. À fort volume. L’ambiance est tendue, les passants se sentent agressés.
Dans un coin du rez-de-chaussée, à même le sol, un performeur, sans jamais reprendre son souffle, plie du papier pour en faire une chaise, tente de s’y asseoir. Tout s’écroule, l’obligeant à tout recommencer, moderne Sisyphe… Silencieusement. Avec application. Indifférent aux gens qui passent et le regardent en silence.
Tous ces espaces sont délimités par de la rubalise jaune et noire, utilisée pour délimiter les zones dangereuses… De quel danger s’agit-il ici ? Des jeunes qui expérimentent ? Qui crient ? Le bruit fait peur… Ne s’agirait-il pas tout simplement d’un chantier. Celui de l’école ? Le chantier perpétuel de l’école, de l’école d’art en particulier. Jamais terminé. Toujours ouvert.
Une sirène stridente et assourdissante retentit soudain. Deux jeunes filles nous interpellent en nous posant des questions. Des questions toujours restées sans réponse, « Qu’est-ce que l’art ? », « Peut-on enseigner l’art ? ». Les réponses sont ensuite hurlées sans ménagement aucun dans un mégaphone, aux oreilles de tous, comme un écho vide de sens.
Des avions en papier provenant de l’étage, traversent par instant le grand hall. Deux performeurs, dans un silence assourdissant, inlassablement plient une rame de feuilles format A4, imprimées recto-verso de leur CV, inutiles cocottes qui viendront s’écraser dans les escaliers qui conduisent dans le grand hall de l’ancien beffroi de Montrouge.
Voici un florilège des actions réalisées à partir de « Re: faire école ». Un site web en live en quelque sorte. À l’aide des acteurs mêmes de ce webdoc, nos étudiants en école d’art, nous avons voulu tenter de montrer un site hors de son espace de diffusion dédié : le réseau.
À travers cet ensemble de performances, notre désir de décliner la thématique mise en œuvre dans notre webdoc, et non pas seulement d’en reproduire certains chapitres. Cette mise en espace correspond aussi à la volonté de créer un événement volontairement éphémère, à la différence de la permanence d’un site web. Il s’agissait aussi de déplacer le propos dans un lieu public, de s’approprier ce lieu, de s’adapter à ses contraintes et au fait que des performeurs d’autres écoles étaient également présents . C’est ainsi que nous avons ainsi choisi d’occuper les lieux de passage, de circulation à l’intérieur de l’édifice, rendant encore plus prégnante la notion de chantier permanent qui nous semble être la situation de l’enseignement en art aujourd’hui.
Pour notre travail d’enseignant, ce fut aussi l’occasion de pousser nos étudiants à revenir au geste artistique simple et direct, diamétralement opposé au mode de communication web beaucoup plus lourd : cahier des charges technique et fonctionnel, charte et design graphique, développement web, etc. De les responsabiliser aussi vis-à-vis de leurs propositions, car le spectateur est là, bien visible, à la différence de l’internaute, qu’on ne connaît pas, qui reste un inconnu désincarné…
Finalement, il nous a semblé intéressant que cette performance intervienne une année après la mise en ligne du webdocumentaire, ce qui renforce l’idée d’une nouvelle composante, plutôt que d’en avoir fait, de manière très classique, un événement lors du lancement du projet. Comme une nouvelle lecture de notre webdoc pour le projeter vers d’autres dimensions.
Ainsi se termine l’aventure de Re: faire école. Du site en ligne à la performance – en passant par l’édition d’un livre – nous avons le sentiment d’avoir réussi notre pari : conduire un projet transmédia jusqu’à son terme et rencontrer un public attentif et intéressé.
Mais il reste encore bien d’autres pistes à explorer dans ce domaine. Par exemple l’interaction et la confrontation en temps réel entre une performance dans l’espace physique, et le site web (en nul lieu, partout et tout le temps). On pourrait aussi imaginer le webdocumentaire comme une partition autorisant toutes sortes de lectures performatives, allant du simple remake à l’improvisation la plus débridée.
Gageons que d’autres artistes s’emparent de ce médium pour sans cesse interroger notre rapport aux mondes virtuels.
Pascal Mieszala, Armèle Portelli et Jacques Vannet
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Contactez les trois créateurs du projet : contact@refairecole.com
Plus loin…
– « Re : faire école », un webdoc réalisé (quasi) sans un sou
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