C’est un projet dont vous n’avez pas fini d’entendre parler. Gordon et Andrés Jarach ont imaginé avec Chloé Jarry, productrice chez Camera Lucida, une création immersive sur la mémoire d’évènements comme le 11 septembre, telle que la restitue les algorithmes du web. Une version Bêta de « Replay Memories » était présentée pour la première fois au sein de Pixii, l’espace des créations numériques du Sunny Side. Et là encore, un projet qui trouvera de multiples résonances dans notre nouveau livre sur « les nouveaux territoires de la création documentaire »… Présentation en trois questions.
Le Blog documentaire : Quelle expérience proposez-vous avec Replay Memories ?
Chloé Jarry : Replay Memories est une plongée dans la memoire du web et dans la façon dont les gens peuvent avoir accès à la narration d’un événement historique récent. Nous sommes partis d’un prototype sur le 11 septembre. Les attentats de New York sont évidemment un événement à répercussion mondiale : à l’époque, tout le monde l’a vu en direct. En revanche, les gens qui ont 20 ans aujourd’hui ne l’ont vu qu’à travers le filtre de ce qui se trouve sur le web. Nous nous sommes intérressés à cette narration singulière que propose le web, avec les algorithmiques des moteurs de recherche. Comment cette accumulation d’archives créé-t-elle une narration ? Comment a-t-elle évolué entre 2001 et aujourd’hui ? Dans quelle mesure est-elle affectée par la géolocalisation ?
Pourquoi avez-vous opté pour la VR pour aborder ces questions ?
Nous souhaitions offrir une représentation graphique du web, ce que permet justement la VR. Nous avions une seconde motivation : proposer aux utilisateurs d’entrer en rapport avec les archives avec leur corps. La VR permet aux utilisateurs d’agrandir les archives avec les mains, de les prendre, de les repositionner. Enfin, nous souhaitions immerger physiquement l’utilisateur dans une bulle, laquelle figure la bulle que le web, et la multitude d’images qu’il véhicule, crée autour de nous. Une bulle qui est déterminée par les algorithmes, comme cela a été beaucoup été souligné à l’occasion de scrutins électoraux récents. Dans Replay Memories, vous êtes enveloppé dans une sphère qui se mappe d’archives, une sorte de membrane familière qui vous coupe de la réalité extérieure. Selon les retours que nous avons eu lors des bêta-tests de Replay Memories, les utilisateurs ressentent cet enfermement dans une bulle d’images. A nous de travailler sur l’ »expérience utilisateur » pour renforcer cette impression.
Développé en webVR, Replay Memories est sans doute la première expérience de réalité virtuelle dans laquelle les contenus sont issus du flux continu du web. Comment en êtes-vous arrivés à un tel dispositif ?
Tout simplement parce que le web, c’est cela. Cela a été un choix intéressant sur le plan créatif, mais lourd de défis technologiques que notre partenaire Novelab a dû surmonter. Ce choix a un impact sur le type de dispositif proposé par Replay Memories. Il s’agit d’un côté d’une œuvre, éditorialisée, qui propose une libre exploration de la mémoire de certains évènements (comme le 11 septembre, Fukushima, ou la chute du mur de Berlin), et de l’autre côté, d’une expérience sensible de ces mêmes évènements. Mais Replay Memories est aussi une machine à explorer le web en réalité virtuelle, qui pourrait être mise à profit dans des projets les plus divers. Cela pose également des questions pour la diffusion d’une telle œuvre. Si nous concevions au départ de la développer en partenariat avec un diffuseur, nous imaginons aujourd’hui de toutes autres modalités, comme l’organisation d’une exposition autour de cette œuvre numérique.
Propos recueillis par Xavier de la Vega
Plus loin…