Deuxième épisode du partenariat entre Le Blog documentaire et le Master pro DEMC de l’université Paris VII – Denis Diderot, à l’occasion du FIPA 2013. Les étudiants de cette formation ont été chargés d’écrire des analyses critiques de films vus pendant le festival, et nous vous proposons ici les meilleurs textes. Deuxième exemple avec Maxence Voiseux qui s’attaque au dernier film de Wang Bing, « Seules dans les montagne du Yunnan ». Un documentaire que vous pourrez voir sur ARTE ce lundi 18 février 00h30. Une version de 153 minutes sortira au cinéma sous le titre « Les Trois sœurs du Yunnan ».
Il vente sur la berge de Biarritz. Une brise violente et humide s’abat sur les visages des petits cinéphiles qui s’entassent copieusement devant l’auditorium Bellevue. Les programmes s’envolent. Les professionnels fument nerveusement une dernière cigarette avant la projection. Les premiers privilégiés pénètrent avec chance dans une salle chaude et rassurante. Dehors les impatients s’impatientent, les plus jeunes s’agitent, quelques journalistes captent les élucubrations de tout ce beau monde remuant. Seul dans la tempête biarrote.
A l’intérieur, l’espace est confiné et sombre. Comme la plupart des films de Wang Bing. Les derniers retardataires s’installent pendant que les fanatiques du premier rang discutent discrètement sur leurs expectatives. Les lumières s’éteignent, la montagne de Yunnan apparaît. Encore ici le vent souffle. Comme si l’extérieur avait investi la salle de cinéma. Comme si Wang Bing nous racontait une partie de notre réel.
Dans son nouveau documentaire, le réalisateur chinois brosse l’histoire de trois soeurs vivant seules dans un petit hameau des montagnes du Yunnan. Le père, lui, travaille à la ville. La mère, absente, a disparu depuis bien longtemps. Dans les maisons voisines, la tante nourrit comme elle peut les trois petites gamines, le grand-père soutient cette situation familiale chaotique et douloureuse.
Wang Bing dépeint un environnement de vie poussiéreux. La terre battue en guise de sol. Un gourbi imprégné d’une humidité épaisse avec comme seul coin de chaleur un maigre feu comme foyer. Le documentariste dresse le portrait d’une famille fracassée par les conditions de vie extrêmes d’une campagne chinoise oubliée. En creux, il nous esquisse ce que la Chine actuelle produit de pire. De ceux qu’elle a délaissés dans son développement économique mené à toute berzingue. Au milieu de cette détresse, les trois petites filles cohabitent à travers des gestes qui tiennent presque de la science fiction du réel. Le réel du XXIe siècle. Seules dans les montagnes du Yunnan est un tableau où les questions historiques et politiques sont souterraines et complexes.
L’environnement est triste. Il est habité par la gestuelle du travail. Celle des filles qui mènent inexorablement une enfance sans enfance. Les personnages des soeurs sont plus rassurants, plus stables que le père. La mère absente, seule la figure paternelle entrecoupe la solitude des jeunes filles par des passages furtifs. Le personnage du père existe véritablement hors-champ. Au loin dans un espace industriel où l’on devine la longue destruction de son corps sous les lourdes charges qu’il porte quotidiennement.
La mise en en scène de Wang Bing construit une dramaturgie spatiale autour de l’intérieur dramatique de la maison, des espaces de travail du village et de l’immensité du paysage montagneux qui dépasse les personnages. La couleur noire prédomine continuellement le film. Elle se juxtapose à la rudesse des conditions de vie. Elle dessine des corps maltraités et déformés par le quotidien qu’ils endurent.
Le construction narrative fabrique une atmosphère atemporelle contaminée par les quelques motifs contenportains de la ville qui s’invitent dans les montagnes. Coup après coup, la télévision, le téléphone portable puis les chaussures flambant neuves rappellent que la vie tourne autrement à la ville. Que le présent y est différent.
La tante s’épuise, elle ne peut plus subvenir aux besoins des filles. Le père décide alors de quitter le Yunnan pour la ville. D’abandonner le lourd combat contre l’environnement qui l’a finalement toujours dominé. Seules les deux plus jeunes partent avec le père à la conquête de la ville. L’aînée reste dans les montagnes pour veiller sur son grand-père. Elle découvre la sauvagerie d’une solitude profonde et marginale. Celle que la Chine refuse de regarder en face.
Maxence Voiseux
Plus loin…
– Wang Bing : entretien sur « Le Fossé » et « Fengming »
– L’homme sans nom (Wang Bing)
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J,espère que ce documentaire’ seules dans les montagnes du Yunnan’ et le film’ Three sisters’, vont changé la vie de ces pauvres gens.Si on peut appeler ça ‘Une Vie’!!!
Je pense que le réalisateur les à indemnisé en tant que figurantes,et que peut-être une association se créera.
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Bonjour
comment puis je avoir l’adresse de l’ecole primaire de xiyangtan ?
et comment faire et ou envoyer un colis a ses trois soeurs sans passé par une association?
Merci beaucoup en esperant que mon message sera passé…
Bisous
Que sont devenues ces trois sœurs ? A t’on des nouvelles de cette famille ?
Merci