Webdocu Actu: Stigmatisés (M. Rigaux, JB. Renaud)

Le Blog Documentaire poursuit ses analyses désormais régulières de webdocumentaires en s’intéressant aujourd’hui à Stigmatisés, de Marianne Rigaux et Jean-Baptiste Renaud. Très présents sur la toile et dans le petit monde des nouveaux médias, les deux comparses signent un film sobre, qui vaut surtout par son mode de production. Ils ont à ce jour séduit 10.000 personnes en 3 semaines.

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Toute nouvelle création dans l’univers du webdocumentaire s’apparente à une expérimentation, un défrichage. En la matière, Paroles de roumains est un exemple d’une utilisation intelligente et particulièrement efficace des réseaux sociaux pour sa promotion. Devenu, à sa sortie, Stigmatisés, le projet lancé par Marianne Rigaux à la fin de ses études à l’ESJ de Lille, part à la rencontre de plusieurs personnages roumains pour dénoncer la stigmatisation dont ils feraient l’objet.

Le film de 29 minutes, développé par Coogan Production (déjà producteur du webdoc Pekin Underground), peut se lire de manière linéaire ou, en naviguant par personnages ou par chapitres, par portions. Des éclairages, liens vers des articles dans la presse, permettent de donner davantage de précisions sur les sujets abordés (notamment la thématique du travail, chez Bouygues, ou lorsqu’un médecin roumain pallie la désertification médicale dans les régions oubliées de France).

La sortie du webdocumentaire a eu lieu après plusieurs mois d’intense et régulière communication autour du projet : cette constance a ceci de remarquable qu’elle permet au film d’apparaître comme l’un des exemples-phare des projets produits grâce à l’apport initial d’une plateforme de crowdfunding (KissKissBankBank, en l’occurrence). Étonnant car l’interface web ne favorise ni l’interactivité ni la non-linéarité : de ce point de vue, le webdoc est davantage un film diffusé sur le web qu’un film fait avec le web, même si la question des moyens financiers doit nécessairement être prise en compte pour expliquer cette simplicité du programme.

La forme du film fait penser aux reportages que l’on trouve parfois à la télévision, notamment sur 13h15 le samedi sur France 2 : une esthétique léchée, des cartons qui découpent le film en chapitres, de la musique d’ambiance… Et, fait troublant (produit de la formation reçue à l’ESJ ?), une voix masculine, très journalistique, qui ressemble à s’y méprendre, dans le ton, à celles que l’on entend dans ce type de reportages.

Cet habillage, pour conventionnel qu’il soit, ne gênerait pas autant cependant, si le fond n’était pas aussi unilatéralement partisan. Difficile en effet de s’opposer au discours, qui convoque des exemples irréfutables, et veut nous convaincre combien l’Etat français, sous l’ère Sarkozy/Guéant était malveillant à l’égard de la population roumaine. Difficile car le nier ressemblerait à approuver le discours effectivement inique des responsables mettant en cause telle ou telle minorité (pas seulement roumaine). Mais en adoptant un tel point de vue, Stigmatisés agit comme une chambre d’enregistrement de témoignages, sans réel regard critique, porté vers le seul but de prouver ce que le titre du programme lui-même proclame. Dommage, car si la question de la mise au ban de minorités vaut véritablement d’être posée (et ce, avec les roumains, mais aussi, pêle-mêle chez certains politiques, les jeunes ou les chômeurs), elle aurait gagné à l’être, dans la perspective journalistique qu’adopte Stigmatisés, dans l’explication de ce systématisme. Faute de ce regard, les auteurs épousent fait et cause la vision de ceux qu’ils filment, et courent ainsi le risque de prêcher des convertis.

Nicolas Bole