Nouvelle initiative sur Le Blog documentaire, qui repose sur un principe simple : 4 questions un peu « décalées » que nous posons aux nouveaux réalisateurs de webdocumentaires. Comment perçoivent-ils leur attachement à cette nouvelle forme d’expression ? Propositions narratives, financement, querelles autour de l’appellation même des programmes… Première « interro » avec l’équipe de « I Goth my world« , webdoc réalisé par Brice Lambert et Guillaume Clere.

Le Blog documentaire : Un producteur lit votre projet de webdoc et vous dit « je vous le produis, mais en version linéaire ». Que lui répondez-vous ?

I Goth my world : « C’est dommage ! ». Il devrait dire : « Je vous produis aussi en version linéaire !». Au passage, rien n’interdit de proposer un webdoc linéaire… Le documentaire télé et le webdocumentaire ne s’opposent pas ; ils se complètent. Par exemple, les téléspectateurs peuvent voir un documentaire et se dire : « J’aimerais en savoir plus ». Ils ont alors la possibilité d’aller voir le webdocumentaire et d’apprendre d’autres choses sur le même sujet. L’inverse est vrai aussi !

Aujourd’hui, les diffuseurs demandent aux auteurs de décliner un même sujet sur plusieurs supports, avec des modes de narrations différents qui prennent en compte les différents temps de l’information. Ça fait tendance de dire tout cela, mais il faut s’adapter aux nouvelles manières de s’informer. Pour autant, Il ne faut pas laisser de côté les récits linéaires ! C’est quand même bien agréable de se poser dans son canapé et de se laisser guider dans une histoire pendant 26 ou 52 minutes.

Le webdoc permet des formes de narrations différentes, une grande liberté de traitement, l’interactivité, le côté participatif, etc. Mais tout cela n’a d’intérêt que si c’est pour servir l’information, l’angle choisi, le débat…  Faire un webdoc n’est pas une fin en soi, il ne faut pas oublier que ce qui est le plus important c’est l’information. De ce point de vue là, les règles n’ont pas changé.

Demain, on vous donne carte blanche au niveau du budget pour réaliser à nouveau votre projet : que changez-vous ? Où investissez-vous ? Avec qui travaillez-vous ?

Haha ! Le problème aujourd’hui, c’est que le Qatar ne s’intéresse pas encore à l’industrie du webdoc… D’accord, nous sommes dans une fiction : l’idéal, lorsqu’on fait un webdoc, c’est d’écrire dès le début avec des graphistes/webdesigners et des développeurs. Un webdoc est le fruit d’une collaboration étroite entre plusieurs savoir-faire. Nous avons intégré une graphiste dans l’équipe dès le départ, mais nous étions étudiants alors on ne cherchait pas à se payer, et heureusement ! Il est difficile, voire impossible, de payer tout le monde dans une phase d’écriture (et souvent de production). Dans le webdoc, les dépenses peuvent être colossales et  les budgets sont très restreints. On sollicite des gens qui ne travaillent pas d’habitude avec le milieu journalistique et qui sont habitués à des niveaux de rémunérations bien plus élevés. Alors, il faut faire preuve d’inventivité pour trouver des financements et boucler un budget. Ça demande autant voire plus d’énergie que pour la réalisation à proprement parler ! On a réussi, mais on aurait pu être encore plus malins. Autre dépense que nous aurions aimé muscler : le matos ! On dit souvent que ce n’est pas l’appareil qui fait le bon photographe, mais bon quand même, parfois ça aide !

Votre producteur est atteint d’une étrange maladie : il ne peut plus entendre les mots « interactivité », « gaming » ou encore « délinéarisation ». Comment lui présentez-vous votre prochain projet ?

Si on n’arrive pas à expliquer son projet avec des mots simples, c’est qu’il y a un problème. Nous n’avons pas trop l’habitude d’employer ce jargon. Pour paraphraser le grand Charles, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant : « Délinéarisation  ! Gaming ! Interactivité ! », mais encore une fois, ce n’est pas une fin en soi. Il faut que cela ait un sens. Chaque clic doit correspondre à une nouvelle information, une nouvelle histoire, qui s’enchaîne avec les précédentes, quel que soit le chemin emprunté par l’internaute. Pour citer notre bien-aimé producteur, « rien n’est gratuit ».

Le ministère de la Culture vous charge de trouver un nouveau mot pour désigner la création documentaire sur le web, car le mot webdocumentaire a perdu de sa superbe, à force d’avoir été utilisé. Quel est ce nouveau nom et que contiendra-t-il, en termes de spécifications ?      

Nous avons souvent du mal à expliquer ce qu’est un « webdocumentaire ». « Documentaire interactif » ou « documentaire multimédia », ça commence à devenir plus clair. Mais on entend déjà grincer des dents. Le terme documentaire est tellement discuté : documentaire vs. reportage vs. long format vs… Quoi qu’il en soit, le contenu de cette définition doit rester ouvert. Le champ des possibles évolue en permanence, des expériences sont menées et c’est très stimulant. Mais on le répète, il ne faut jamais perdre de vue l’objectif essentiel : informer. Il faut aussi rester accessible à tous, les geeks et les journalistes ne doivent plus être le seul public du webdocumentaire !

Propos recueillis par Sibel Ceylan

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