« L’Atelier du Réel », c’est notre série de podcasts réalisée en partenariat avec la SCAM, qui vous propose des entretiens avec des créateurs, qu’ils soient auteurs, réalisateurs, monteurs, producteurs, diffuseurs, critiques ou responsables de festivals… qu’ils travaillent pour le cinéma, la télévision, l’internet, le théâtre… A chaque épisode, trente à quarante-cinq minutes de conversation pour tenter de saisir quelques choses de leur manière de travailler avec le réel. Quinzième épisode avec Annick Peigné-Giully, présidente de l’association « Documentaire sur grand écran ».
L’entretien est mené par Benjamin Genissel.

Si 120 films documentaires environ sortent en salle chaque année et que ce chiffre nous paraît aujourd’hui bien normal, et bien mérité, il n’en a pas toujours été ainsi. Au début des années 1990, voir des documentaires sur grand écran n’allait plus de soi. C’est ainsi qu’est née l’association Documentaire sur grand écran, qui fête cette année ses 30 années d’existence.

30 années consacrées à affirmer avec constance, avec passion, que le documentaire a pleinement sa place dans les salles de cinéma, et non pas seulement sur le petit écran. 30 années à programmer, distribuer, primer, coordonner, tout cela dans l’objectif de promouvoir l’idée qu’un « film du réel » peut – et doit – être vu aussi lors de projections collectives où chaque spectateur lève les yeux vers le grand écran et non pas les baissent vers sa télévision ou son ordinateur.

Pour ce nouvel épisode de sa série de podcast L’Atelier du réel, Le Blog documentaire a décidé de participer à l’anniversaire de cette association en s’entretenant avec sa présidente, Annick Peigné-Giuly. Précisons que cette dernière a été longtemps journaliste et est la fondatrice du festival Corsica.doc. Une rencontre pour affirmer encore et encore combien rien ne vaut le cinéma pour découvrir des documentaires.

Par la même occasion, nous en profitons pour rendre à nouveau hommage à l’une des grandes références de ce site, Jean-Louis Comolli, décédé cette année. Le critique et réalisateur, qui fût également membre du comité de rédaction de nos amis de Images documentaires (qui lui consacre son nouveau numéro), avait réalisé en 2015, justement sous l’impulsion de Documentaire sur grand écran, un film intitulé Cinéma documentaire : fragments d’une histoire (à voir sur le site des Films d’ici en intégralité) : ce podcast est constitué en grande partie d’extraits du brillant et profond commentaire écrit et dit par Jean-Louis Comolli.

« L’association Documentaire sur grand écran s’est créée avec des réalisateurs et des producteurs. C’était un petit groupe de 5, 6 personnes. L’idée de départ était de créer une association pour relancer le cinéma documentaire en salles. Ils ne pensaient pas que ça durerait aussi longtemps, par exemple 30 ans ! C’était juste au départ pour aider au franchissement du documentaire jusqu’au grand écran. Y compris aussi de participer à sa distribution. Parce que lorsque cette association s’est créée au début des années 90, ils ont également créé une société de distribution. Parce qu’il n’y avait pas de distributeurs pour distribuer le documentaire en salles. Donc aucune condition n’était réunie pour que ce cinéma-là sorte en salles. L’association était donc assez « gonflée » pour l’époque ! Et qui très vite a été aidée par le CNC, car le manque était évident dans l’économie normale. »

 

« On voulait que le documentaire soit vu en salles, donc il fallait « forcer » les exploitants. Il y a eu des projections organisées par l’association à l’Entrepôt dans le 14ème arrondissement (à Paris). Moi je n’ai pas connu cette période-là. Il y avait un côté militant, évidemment, de la part de l’exploitant. Ensuite ces projections furent organisées au Cinéma des cinéastes, et là j’ai connu cette période-là. Au départ, ça se passait le dimanche matin, et au bout d’un moment ce fût le dimanche toute la journée. Une salle était entièrement dédiée au cinéma documentaire. Il y avait vraiment une sorte de « communauté d’addicts » au documentaire qui venait là. C’était Simone Vannier, la présidente de l’époque, qui faisait la programmation, l’animation. C’était beaucoup de travail pour toute l’équipe tous les dimanches de faire ce type de programmation. Mais comme je vous dis, il y avait un côté militant et un vrai vide à remplir. Donc il y avait beaucoup d’énergie et d’enthousiasme. »


« Au fil des ans, le cinéma documentaire au cinéma a acquis sa légitimité. Le fait que, peu à peu, des réalisateurs de films de fiction se mettent à faire des documentaires a contribué à ce que le documentaire sorte du genre et devienne du cinéma. La contribution d’un film d’animation comme ‘
Valse Avec Bachir’ (2008 – Ari Folman) est très importante mine de rien. Ça permet de comprendre que le documentaire ce n’est pas uniquement ce que l’on peut voir majoritairement à la télévision. Que cela peut être de l’animation, du cinéma, qu’il y a de la mise en scène, un dispositif de mise en scène. »


« On a eu envie, il y a trois ans maintenant, de créer un festival,
Best of doc. Mais un festival qui soit un peu à l’image de celui de Télérama, qui revienne sur les films sortis pendant l’année précédente pour leur donner une seconde vie, comme une deuxième sortie nationale. Là c’est particulièrement utile pour le cinéma documentaire dans la mesure où la plupart des 120 films documentaires qui sortent chaque année ne restent qu’une ou deux semaines à l’affiche. Ils n’ont pas vraiment le temps de vivre leur vie. Ils la vivent généralement en dehors des salles de cinéma, ils sont repris par des festivals, par des associations, dans cette économie « alternative » du cinéma documentaire, et qui existe, mais leur vie en salles reste limitée. Donc on se disait qu’un festival qui refasse une deuxième sortie nationale pour les documentaires était vraiment utile. »

Merci à Hugo Masson et Sabine Costa de Documentaire sur grand écran.

 

Autres extraits utilisés dans ce podcast :

– Emission présentée par Audrey Pulvar : « Quelle place pour le documentaire au cinéma ? » – © E-Cinema.com

– Bande-annonce de Vous ne désirez que moi de Claire Simon – © 2022 – Dulac Distribution

– Extrait de l’épisode 1 « La caméra impossible » de la série L’Inde fantôme : réflexions sur un voyage de Louis Malle (1969) – © Gaumont classique

– « La salle de cinéma au cinéma » de Luc Lagier sur Blow up – © Arte

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