Depuis cinq ans, la sélection compétitive des « Écrans documentaires », dont nous sommes partenaires, présente des premiers et deuxièmes films de toutes durées, issus d’écoles, de formations, produits ou autoproduits. Onze documentaires se disputeront cette année les prix du festival, qui met également à l’honneur deux « valeurs montantes » de la création : Vincent Pouplard et Clément Cogitore. Rendez-vous donc à Arcueil du 8 au 14 novembre.
Edito
Il y a un an, nous évoquions la grande inquiétude qui planait sur l’avenir de notre festival. La tenue de l’édition 2016 et sa réussite, que nous devons à notre détermination, aux cinéastes et partenaires qui nous ont accompagnés, et bien entendu, à la présence du public, nous a assurément donné le souffle de poursuivre notre chemin. Or, si notre détermination et notre envie sont intactes, notre inquiétude l’est toute autant et nous la savons partagée aujourd’hui par l’ensemble des acteurs culturels.
Certaines évidences, aussi effrayantes soient-elles, s’invitent parfois entre les lignes d’une programmation. Cette édition 2017 se fait l’écho, en beaucoup d’endroits, d’un monde voué aux conflits de tous ordres.
Conflits armés, sans âge, dans Les Éternels de Pierre-Yves Vandeweerd, et Meteors de Gürcan Keltek – présentés respectivement en ouverture et en clôture du festival – où la question cruciale du territoire défendu s’efface et où l’ennemi se mue en démiurge du temps ou en colère céleste. Des spectres hantent l’Europe et L’Usine de rien, présentés aussi en avant-premières, sont les terrains d’affrontements d’une autre nature. Dans le camp de réfugiés que filment Maria Kourkouta et Niki Giannari, les corps soumis à l’attente incessante et à une mobilité sous contrôle prennent voix et s’opposent à l’ordre imposé. Chez Pedro Pinho, le conflit naissant est éludé par la fuite des patrons face à leurs responsabilités, amenant une partie des ouvriers de l’usine à tenter l’expérience périlleuse de l’autogestion. Ou comment le rien peut devenir quelque chose.
Les films de la Sélection 2017, s’ils résistent, pour une partie d’entre eux aux étaux des réalités qu’ils sondent et s’attachent aux échanges naissants, au partage d’expérience dans le groupe, ou au lien social urbain menacé, s’inscrivent aussi dans des climats d’insurrection latente.
D’autres formes de résistances parsèment « Kling Klang, la musique c’est du cinéma », suite ouverte de la programmation consacrée au champ vaste et éclectique du couple Musique et Cinéma entamée lors de notre dernière édition. Enrichi cette année d’un partenariat avec La CLEF à Saint-Germain-en-Laye, ce nouvel opus revient sur les parcours ou instants scéniques, rares et singuliers, d’artistes en marge et sans concession face à la norme et à ses produits industrialisés.
Vincent Pouplard et Clément Cogitore, jeunes cinéastes dont Les Écrans Documentaires suivent le trajet avec attention, sont les invités de nos deux journées « rencontres», intitulées « D’autres réalités ». Deux temps précieux d’échanges prolongés associés à la projection de leurs films, pour aborder leurs travaux passés et en cours, et ce qui alimente dans des registres différents pour l’un et l’autre leur approche décadrée du réel.
En 1997, Manoel de Oliveira et Jean Rouch, tournaient ensemble à Porto En une poignée de mains amies. La programmation « My Country is Cinema» les rassemble à nouveau cette année. Dans Jean Rouch, premier film : 1947-1991, Dominique Dubosc rend hommage au « griot africain » en lui permettant de se réapproprier, 44 ans après, Au pays des mages noirs dont il n’avait pu signer le commentaire. Autre hommage appuyé, celui de João Botelho à Manoel de Oliveira dans O Cinema, Manoel de Oliveira e Eu. Laissant une large place aux œuvres du grand maître portugais, le film de Botelho est un geste profond d’admiration dans lequel il adapte à l’écran une idée originale qu’Oliveira n’a jamais pu tourner.
Cette section évoque aussi la dématérialisation des supports qui représente un bouleversement pour le cinéma, la préservation de sa mémoire et son avenir. Autant de questions au cœur de Cinema Futures de Michael Palm.
Pour la première année, nos propositions à destination des jeunes publics s’enrichissent d’un Prix Lycéens des Écrans Documentaires et du développement de séances pour les établissements du secondaire à partir de cinq programmes (courts et longs métrages, patrimoine, œuvres contemporaines, etc.) qui seront également présentés aux classes de collège, de primaire et des centres de loisirs. Enfin, l’élargissement des séances « Hors les Murs » organisées avec nos différents partenaires prolongent les Écrans Documentaires jusqu’au 12 décembre 2017, dans de nombreux lieux, avec le souhait de continuer à faire partager les films au plus grand nombre.
Manuel Briot,
Pour l’équipe du festival
Programmation
Sept pays et quatre continents sont représentés dans la sélection « Premiers films » qui regroupe 11 propositions (voir la liste ci-dessous) parmi les quelques 300 qui ont été reçues par les Écrans documentaires.
Parmi les autres temps forts du festival, la programmation axée autour de la musique « Kling Klang : la musique c’est du cinéma » ainsi que la présence de Vincent Pouplard et Clément Cogitore qui viendront commenter leurs travaux passés, présents et futurs. Comme l’écrit le premier :
Nous pourrions réfléchir la pratique du cinéma documentaire à partir de cette phrase de Georges Didi-Huberman : « Rendre sensible voudrait dire, à strictement parler, rendre sensibles les failles, les lieux ou les moments à travers lesquels, les peuples affirment à la fois ce qui leur manque et ce qu’ils désirent. » Nous pourrions aussi y réfléchir au regard d’un tableau de Gustave Courbe t: « Un enterrement à Ornans ». Nous pourrions convoquer des moments fondateurs, des rushes éclairés, des films anciens et des films à venir. Il pourrait être question des recherches et des rencontres qui nous mettent en mouvement, du geste de filmer qui dévisage espace et temps, des moteurs qui nous entraînent, du plaisir et de la rage au cœur de nos actes.
Saluons également la qualité de la sélection pensée pour les jeunes publics des écoles primaires, collèges, lycées et centres de loisirs. On y trouve des œuvres aussi diverses que Cocorico ! Monsieur Poulet (Jean Rouch, 1977), Retour à Genoa City (Benoît Grimalt, 2017), L’instinct de conservation (Pauline Horovitz, 2009), Laetitia (Julie Talon, 2016), Ennemis intimes (Werner Herzog, 1999), Ernesto « Che » Guevara, journal de Bolivie (Richard Dindo, 1994) ou encore Atelier de conversation (Bernhard Braunstein, 2017).
La compétition :