C’est un film que vous ne verrez nulle part ailleurs ! Pour le moment, en tout cas… Après une avant-première à Paris le 18 avril dernier, voici en exclusivité pendant 10 jours « L’année du robot », un film d’Yves Gellie produit en marge des canons traditionnels par Upian. Dans cette oeuvre de 28 minutes, le réalisateur cherche à établir des relations entre le robot NAO et des humains, patients ou résidents d’hôpitaux et de centres spécialisés prenant en charge des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer ou de démence ainsi que de jeunes autistes. Une expérience unique, fascinante par endroits, émouvante par d’autres. Le projet se base sur plusieurs études scientifiques expérimentales. Il a nécessité deux ans de travail. En voici une première restitution. D’autres pourraient suivre… Bon film !

Ce travail se situe au croisement de deux univers, celui de l’art et de celui de la science. Il traite de l’être humain et de son double artificiel, le robot. Il étudie le phénomène de la dissonance cognitive, infime et mystérieux espace relationnel qui se déploie entre ces deux acteurs (le premier a beau savoir qu’il est face à une machine, il ne peut pas s’empêcher de croire qu’elle ressent des émotions et tente de développer une relation affective).

Ainsi, les robots modifient la psychologie humaine comme les progrès de l’alimentation et de la médecine en ont modifié la corporéité. Déjà des dispositifs comme les smartphones, les écrans tactiles, les drones, les « agents conversationnels », les outils de géolocalisation, internet… ont profondément transformé notre rapport à la solitude, notre tolérance à l’attente, notre relation à l’espace, notre mémoire.

Dans le futur, l’informatique émotionnelle repérera les émotions qui se mettent en place lors d’échanges entre l’humain et la machine. La machine douée d’une empathie artificielle sera capable de détecter des intonations de voix ou un sourire sur le visage de son interlocuteur. Dès lors, elle pourra s’adresser à l’humain en imitant ses émotions. Enfin, un jour, après avoir mimé les mécanismes cognitifs, puis intégré des éléments affectifs, l’intelligence artificielle (IA) se dotera d’une dimension éthique.

D’ici là, tout un espace relationnel fictionnel, mais révélateur, peut être exploré. Même si, actuellement, des robots comme NAO (humanoïde) ou PARO (qui prend la forme d’un phoque en peluche) ne peuvent que simuler cet affect numérique. Ils sont utilisés dans certains EHPAD ou dans des institutions recevant des enfants autistes ou des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. L’autonomie de leur IA est restreinte et leurs interactions sommaires au regard de la complexité du psychisme humain. Ils sont strictement dépendants de l’opérateur qui les pilote.

Ainsi ce film puise dans la fiction en s’ancrant dans la réalité. Les scènes qui le composent, nous racontent un futur tour à tour désiré, imaginé, et parfois rejeté par nos sociétés.

En poussant NAO, le petit robot, vers une autonomie rêvée, idéalisée, presque à portée de main, Yves Gellie nous montre la fascination et, parfois, l’envie irrésistible qu’ont les humains de communiquer avec ces machines. Ces rapports idéalisés leur apparaissent plus simples, apaisés par rapport à ceux qu’ils peuvent avoir avec leurs semblables. Bien que l’avènement de l’humanoïde robotique se heurte à la dure réalité économique, scientifique et technique, le rêve d’un compagnon artificiel reste, cependant, bien ancré dans notre imaginaire.

« Inspiré par le rêve d’une patiente, le robot danse sur un air de musique qu’elle joue au piano ». La forme audiovisuelle permet d’enregistrer et de partager la progression et l’évolution des réactions humaines. Les hommes et les femmes, comme les lieux, sont montrés avec nuance et attention afin que chacun puisse interroger ses propres préjugés. Dans toutes les situations abordées, le processus est expliqué au patient ou au résident, qui est conscient du degré d’autonomie limité du robot et de la présence d’une équipe pour le faire fonctionner. Ce processus appartient à l’éthique du projet.

Deux ans de tournage, cinq lieux, des dizaines de personnes rencontrées, patients, médecins, personnel médical, animateurs, psychologues… Le projet est riche de situations diverses. : une personne autiste sort de son mutisme face au robot qui chante ; un patient, grand séducteur dans la vie, lui fait la cour ; une dame déclare à plusieurs reprises qu’elle aimerait vivre avec lui ; une autre souhaite se promener avec le robot dans le parc pour aller observer des oiseaux ou veut en faire son coach de psychomotricité. Ou encore : un animateur dialogue avec le robot à la fin d’un atelier pour commenter ses performances, des chercheurs évoquent avec lui ses capacités à provoquer de l’empathie chez les patients…

Enfin Laurent, qui souffre de troubles psychiatriques, est d’accord pour simuler une partie de dames avec le robot. Au bout de quelques minutes, il tombe, sous l’effet de son traitement, dans un sommeil profond. Quand il en sort au bout de 45 minutes, interpellé par NAO qui lui propose de poursuivre la partie, il répond naturellement aux questions du robot sur son sommeil et sur ses rêves.

Ce projet a nécessité un long temps de préparation, de réalisation et de post-production. L’approche des personnes choisies parmi une population souvent fragilisée peut prendre des semaines, voire des mois. Yves Gellie a pris le temps de suivre les activités des centres avant d’introduire le robot au sein des ateliers de psychomotricité, de musique ou de poésie afin de trouver les personnes les plus réactives et susceptibles d’interagir avec le robot.

Les repérages, en France et en Belgique, ont été essentiels, comme la préparation des personnes impliquées à qui l’on a expliqué le bien fondé du projet. Les familles sont toujours associées au processus et leur assentiment est essentiel. Ce travail a été réalisé en coordination avec le personnel soignant qui doit, bien sûr, être en phase avec notre démarche.

Le réalisateur

Après des études de médecine à l’université de Bordeaux II, Yves Gellie pratique la médecine tropicale pendant deux ans au Gabon avant de décider de se consacrer à la photographie. En 1981, il débute sa nouvelle carrière de photographe avec une première série sur la filière de la cocaïne en Colombie, suivie d’une histoire sur la guerre de l’Ogaden en Somalie. Il obtient un World Press pour un travail sur Oman en 1988. Son travail sur l’Arabie Saoudite lui vaut le prix de la Society of Publication designer’s et le Merit Award Winner en 2003.

Depuis une quinzaine d’années, il développe un travail plasticien qui le positionne entre documentaire et art contemporain. Il explore les rapports ambigus qu’entretient une photographie avec le réel et expérimente le pouvoir fictionnel des images. A travers ses photographies, il nous fait découvrir le lien qui peut unir le monde réel et le pouvoir frictionnel des images. Il participe de manière régulière à des expositions se tenant en France ou bien à l’étranger.

Yves Gellie documente également depuis plusieurs années les recherches en robotique.

Depuis 2017, il suit les travaux de l’équipe du laboratoire LUSAGE à Paris pour un nouveau projet artistique qui explore l’évolution du relationnel entre l’homme et la machine. Son film L’année du robot (2019) explore ainsi les frontières du réel avec notre imaginaire, et rend compte des prémices d’une véritable révolution à venir avec les robots qui seront de plus en plus présents dans nos vies.

Crédits du film

Auteur – Réalisateur : Yves Gellie
Assistant – Collaborateur : Maxime Jacobs
Image : Yves Gellie
Assistant lumière : Alan Hajo
Prise de son : Maxime Jacobs
Montage : Thomas Lallier
Graphisme/VFX : Thomas Deyriès, Jérôme Gonçalvès, Maxime Jacobs et Nightshift
Affiche : Marion Lavedeau
Sound designer : Eric Lesachet
Etalonnage : Davis Bouhsira
Production exécutive : Camille Lacharmoise, Alexandre Brachet – Upian
Avec le soutien de : Malakoff Médéric Humanis

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