Les Monteurs Associés investissent cette année le cinéma Luminor, du 14 au 18 mars à Paris, pour ce festival singulier qui met en lumière des artisans de l’ombre. Huit films au programme, une soirée dédiée au court-métrage, une carte blanche dédiée aux monteurs allemands, une table ronde autour de la place du montage dans la conception des effets spéciaux, et une avant-première : « Coby ». A noter que les actes de la première édition du festival sont toujours en vente !

L’édito

« À contre-courant ! » Tel pourrait être le sous-titre du festival Les Monteurs s’affichent. Le courant, c’est celui d’un fleuve à gros débit, dont les eaux ne cessent de gonfler, charriant le flot des films qui chaque semaine sortent dans les salles de cinéma.

En surface, quelques uns sont visibles, bien exposés, mais dans les profondeurs le courant est beaucoup plus violent. En quelques jours, quelques séances parfois, des films de qualité sont emportés sans ménagement, privés de la possibilité de trouver leur public.

Le festival Les Monteurs s’affichent a été créé en 2015 par Les Monteurs Associés pour rendre à nouveau visibles quelques pépites repêchées dans les profondeurs, parmi les films montés par des adhérents de l’association. La question de l’exposition des films en salles a été posée, dès la première édition, lors d’une table ronde consacrée au secteur de la distribution, un rouage insuffisamment connu de la chaîne de programmation.

Si le cinéma est à la fois un art et une industrie, c’est son aspect industriel qui l’emporte désormais. Ce n’est pas le fruit d’un hasard, c’est un système où la loi du marché s’est imposée.

Dans un rapport publié en juin 2016 [1], Pierre Kopp, avocat spécialisé dans le droit de la concurrence, constate une situation d’abus de position dominante analogue à ce qui se pratique dans le secteur de la grande distribution. Il note : « L’accélération du taux de rotation des films tient plus à une stratégie de programmation qu’à un déséquilibre structurel entre l’offre et la demande. C’est la répartition de l’offre sur les écrans qui pose problème et non la quantité d’écrans disponibles face à l’offre de films. »

Les études du CNC mettent des chiffres sur ce phénomène :

  • en 2000, 532 films inédits sont sortis en salle. En 2016, il y en a eu 716 ;
  • en 2000, un film réalisait 53,2 % de ses entrées en deux semaines. En 2016, c’est 62 %. En ce qui concerne les films Art et Essai, en 2000 (306 films labellisés) un film faisait 43 % de ses entrées en deux semaines. En 2016 (370 films), 57,2 %.

Il faut donc attirer un maximum de public en un minimum de temps, ce qui favorise bien évidemment les films qui ont les moyens de faire une grosse promotion et de sortir simultanément sur de nombreux écrans.

 

Ce mouvement semble inexorable en l’absence de fortes mesures de régulation du marché. Il a également de graves conséquences sur le financement des films en amont, comme le note Pierre Kopp dans son rapport : « (…) La dégradation des conditions d’exposition des films en salles conduit les chaînes de télévision à minimiser leur risque sur les films préachetés, en privilégiant les films produits ou distribués par un groupe d’exploitation, à même de garantir un niveau d’exposition. En effet, ces derniers sont à même de garantir, à minima au sein de leur réseau, un niveau minimal d’exposition de l’oeuvre, indépendamment de la qualité artistique de l’œuvre achevée. Ainsi, la dégradation des conditions d’exposition des films en salles de cinéma renforce également le pouvoir économique des groupes d’exploitation sur le secteur de la production et de la distribution, entraînant un phénomène de concentration verticale. »

Ceux qui participent à la fabrication des films peuvent se sentir démunis face à la froideur de ces données économiques. En créant ce festival, Les Monteurs Associés ont voulu agir concrètement et faire partager leur plaisir et leur amour des films.

Un festival à contre courant donc, pour mettre en valeur des films qui ont été emportés par le « fleuve du marché » ou qui n’ont tout simplement pas trouvé de salles pour les accueillir.

[1] Le Cinéma à l’épreuve des phénomènes de concentration – Menaces sur la filière indépendante du cinéma français, rapport destiné à l’ACID, la DIRE, le GNCR, la Guilde des scénaristes français, l’ARP, le SDI, le SDI, le SPI, la SRF et l’UPC.

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La programmation

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