Troisième et dernier épisode du carnet de production de « Sarcellopolis » sur Le Blog documentaire. Le programme lauréat cette année du Visa d’Or du webdocumentaire est diffusé sur les sites de Libération et de France 3 Ile-de-France à partir de ce jeudi 1er octobre. Retour ici en images et en mots sur la réalisation de cette immersion à Sarcelles.
Quand on est réalisateur et qu’on a le projet de faire un film sur Sarcelles et ses habitants, on s’interroge toujours sur la manière dont s’est construite l’image de cette ville dans l’esprit des gens. En effet, au début du projet, la seule image que j’avais de cette ville, c’était des barres d’immeubles insalubres, mal fréquentées, et dangereuses.
Ce cliché terrifiant n’est autre que celui que nous imposent les médias depuis plusieurs décennies, l’image de Sarcelles et de ses habitants a été sacrifiée sans avoir eu le temps de faire ses preuves. C’est pourquoi, nous voulions montrer avec Sébastien un autre visage de cette cité si particulière ainsi que des gens qui la peuplent.
Cela passe par un traitement de l’image différent qu’on a volontairement voulu plus esthétique. Cette ville a une architecture fascinante pour peu qu’on attende le bon moment, la bonne lumière pour la filmer. Ainsi, on a choisi de filmer la ville par beau temps, avec des lumières souvent rasantes le soir ou le matin afin d’en montrer sa puissance esthétique.
Quand vous filmez la place des Flanades au coucher du soleil avec notre ami Michel (rencontrez-le dans notre webdocumentaire), marchant paisiblement sur une esplanade immense avec, en arrière plan, un alignement parfaitement rythmé de 4 tours identiques, vous vous dites « Whaou ! Mais où suis-je ? » – Aux Etats-Unis ou en banlieue parisienne ? C’est un sentiment très troublant car Sarcelles est une ville où l’on se sent réellement dépaysé, alors qu’on est à 20 minutes de Paris.
Quand le lendemain, nous sommes allés filmer dans une église chaldéenne à quelques kilomètres du centre, nous avons eu encore l’impression d’être totalement ailleurs. Nous avons assisté à une messe avec plus de 600 personnes chantant des cantiques en araméens. C’était vraiment impressionnant ! On était en Turquie.
Notre expérience à Sarcelles a donc été un vrai voyage et c’est pour cela qu’on voulait faire partager cette sensation au spectateur en le plongeant dans une expérience immersive en prise directe avec les citoyens.
Ainsi, l’utilisation du steadycam qui donne cette sensation de flottement participe à nous mettre dans cette situation de voyageur. Dans Sarcellopolis, nous voyageons dans la ville à travers les histoires des différents personnages du webdocumentaire.
L’idée était à la fois de rendre hommage à la ville mais aussi à ses habitants. Dans le choix du casting, nous avons voulu montrer la vraie diversité de cette ville qui compte 90 communautés. Ainsi, vous rencontrerez dans le webdocumentaire aussi bien des rapatriés d’Algérie des années 60, que des Juifs, des Musulmans, des Chaldéens, des lycéens en devenir, un animateur de quartier afro-caribéen. Ces gens vivent des réalités très différentes et certains n’ont pas des vies faciles mais ce qui m’a vraiment marqué, c’est l’attachement qu’ils ont pour leur ville.
Malgré les attaques permanentes, malgré les difficultés sociales, ils restent profondément attachés à Sarcelles. Ce regard bienveillant, nous avons voulu le partager avec eux et le retranscrire dans les images, dans le ton, dans la musique de notre documentaire, afin que ce voyage soit pour le spectateur une expérience positive et enrichissante.
Bertrand Dévé