Petit festival, grande ambition ! Pour la deuxième année consécutive, « Seytou Africa » s’installe pour quelques jours à Paris. Au programme, des films africains, contemporains et patrimoniaux. L’occasion de (re)découvrir un pan trop méconnu de la création documentaire…

Edito

Le festival « Seytou Africa » vise à mettre en lumière des documentaires africains, champ trop peu présent sur nos écrans. « Seytou Africa » en wolof signifie « regards d’Afrique », regard au sens de l’œil mais aussi de la pensée qui en découle.

Ce festival cherche à croiser les regards des filmeurs, des filmés et des spectateurs afin d’aiguiser notre réflexion, de permettre des rencontres et des échanges où la pensée circule. Regards qui se croisent à travers le temps grâce à une programmation composée à la fois de films réalisés par des jeunes cinéastes émergents, mais aussi de films de patrimoine. Il nous tient en effet à cœur de montrer que les documentaires africains ont une actualité vivace mais aussi une histoire riche, composée de figures pionnières et incontournables. Ce festival se veut un lieu de rendez-vous festif et convivial proposant projections, débats avec des professionnels, concerts et cocktails.

Cette année, nous avons décidé de rendre hommage à Samba Félix Ndiaye, grand cinéaste sénégalais (1945-2009), étoile sous laquelle nous avons placé cet édito. Tout au long de sa vie, il s’est consacré uniquement au champ du documentaire, animé par un regard singulier, une écoute, une liberté, apportant une rupture formelle, se positionnant contre l’héritage (des images, des clichés et de la société) colonialiste et capitaliste, dans une volonté de résistance qui ne s’essoufflera jamais chez le cinéaste. Le souci de la rencontre, de l’échange et de la transmission fait partie intégrante de la personnalité de SFN, dans ses films (par le sujet comme par la forme) mais aussi dans sa vie, ayant dédié ses dernières années à former des jeunes au cinéma documentaire.

Une jeunesse chez qui on retrouve aujourd’hui son esprit précurseur et visionnaire. La preuve, les films contemporains programmés à ses côtés lui font écho, par leur regard porté sur le travail, ses gestes mais aussi par un goût de la rencontre, de l’écoute, qualités chères à SFN et inhérentes au documentaire. Elles traversent chacun des films programmés. Les films d’ouverture et de clôture, Chez jolie coiffure de Rosine Mbakam et Nofinofy de Michaël Andrianaly, nous permettent de rencontrer deux personnages dans leur combat, Sabine et Roméo, recueillant leurs paroles et celles de ceux qui se confient à eux. Ces coiffeurs se penchent sur les têtes mais tendent aussi l’oreille. Le salon de coiffure semble être le lieu propice au documentaire, captant des multiples paroles, épanchements, témoignages, débats, bribes radiophoniques, où quotidien et politique s’entremêlent.
« Film après film, mon travail devient une manière pour moi de m’engager. C’est ma façon de résister », déclare Andrianaly.

On retrouve aussi chez eux la même résistance de SFN, cette même volonté de se démarquer de la mainmise occidentale, de se libérer du joug capitaliste. Les inventeurs d’un artisanat basé sur la récupération de Trésors des poubelles, réagissant à la surconsommation et au chômage par l’intelligence et l’invention, recréant des métiers et des ateliers collectifs, répondent au Célestin du court métrage Trafic de Sandy Kouame qui se fait agent de circulation pour contrer le chômage, aux artisans malgaches recycleurs d’Ady Gasy de Lova Nantenaina, défiant la crise avec débrouille et inventivité ou aux tisseurs burkinabés se rassemblant en coopérative suite à la fermeture de leur usine dans La sirène de Faso Fani réalisé par Michel K. Zongo. Les films même deviennent objets de lutte. Le premier en adoptant une forme propre à la tradition et culture malgaches, trouvant sa modernité cinématographique dans une identité affirmée, loin des modèles occidentaux. Le second en étant l’élément déclencheur de la décision engagée des anciens ouvriers, prouvant encore le miracle documentaire, son pouvoir de changer la vie de ceux qu’il rencontre, découvre, dévoile.

Une autre forme de lutte surgit dans notre programmation, croisant la lutte politique : la pratique sportive. Le cinéaste nigérien Moustapha Alassane, figure de proue des cinémas d’Afrique et premier cinéaste d’animation du continent, y puise son inspiration pour son court-métrage Kokoa. Nous l’avons placé comme un clin d’œil avant le long métrage Boxing Libreville où l’on part à la rencontre du jeune boxeur Christ. C’est son visage tendu, son regard concentré que nous avons choisis pour incarner notre festival à travers notre affiche. Le combat ne se joue pas que sur le ring mais aussi dans la rue où résonnent les discours électoraux à la radio et les clameurs des manifestations qui traversent sa vie et le film.

On pense à Walkover de Jerzy Skolimowski : « Je vais monter sur le ring. – Tu vas te battre? – Non, je vais lutter ».

Hommage à Samba Félix Ndiaye

Dakar Bamako, 52′
Ngor, l’esprit des lieux, 90′

3 courts métrages issus de la série “Trésor des poubelles”

Diplomates à la tomate, 14’
Les malles, 14’
Aqua, 12’

Longs métrages contemporains

Chez Jolie Coiffure, de Rosine Mbakam, 71′
Boxing Librevilled’Amédée Pacôme Nkoulou, 54′
(précédé du court-métrage Kokoa de Moustapha Alassane 13’)
Ady Gasy, de Lova Nantenaina, 84′
La sirène de Faso Fani, de Michel K. Zongo, 90′
Nofinofy, de Michaël Andrianaly, 73′

Séance de courts métrages “Trafic”

Trafic, de Sandy Kouame, 2’
Taxi Sister, de Theresa Traore Dahlberg, 30′
Ouagadougou, ouaga deux roues, d’Idrissa Ouedraogo, 16’
Mbi na Mo (Toi et moi), de Rafiki Fariala, 27’

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