Pixii, c’est depuis l’édition 2017 du Sunny Side of the Doc, l’espace consacré aux créations numériques. Y faire un détour cette année, c’est apercevoir, de fragments en anticipations, ce à quoi pourraient ressembler les narrations du futur. Un excellent complément à notre livre sur « les nouveaux territoires de la création documentaire » !… 

Les narrations du futur portent un nom, même si leur promesse demeure pour beaucoup à accomplir : ce sont les « narrations de présence ». Celles-ci impliquent votre téléportation dans un lieu lointain, inédit, inhospitalier, imaginaire (on vient de parler de la réalité virtuelle). Ou alors exactement l’inverse : l’apparition dans votre salon de personnages que vous ne songeriez pas nécessairement à inviter prendre l’apéro (vous avez reconnu la réalité augmentée). Pixii en donne cette année un bel aperçu.

Côté VR, Pixii met en scène une belle sélection de films à 360°,  issus de France Télévision, d’ARTE360 ou rassemblés au stand du Canada. La téléportation n’est pas sans péril dans Wild Immersion. Cette expérience, également présentée actuellement au Forum des images jusqu’au mois de juillet, se présente comme la première réserve naturelle en réalité virtuelle : on s’y frotte à des lions, des serpents et des girafes, et on n’est pas toujours tranquille.

La téléportation est radicale dans les deux « space opéras » que sont Dans la peau de Thomas Pesquet (25e heure/ France TV) et le très beau Space explorers de Félix & Paul Studio. Dans ce dernier, Félix Lejeunesse et Paul Raphaël, à la réalisation, démontrent une maîtrise quasiment sans égal de la captation 360 et du récit immersif. Filmé pour l’essentiel sur terre, dans les lieux d’entrainement des astronautes, ici une piscine, là un désert glacé, le projet communique la puissante sensation de participer à une aventure spatiale, gravitation comprise.

Real Things (Artline films / DV group/ Arte) propose de son côté une expérience de déplacement fort différente, mais tout aussi réussie, sur le plan du rythme et de la narration documentaire. Ici, la téléportation est à double détente : l’on se retrouve à Paris, Venise et Londres, telles qu’elles ont été recrées dans la banlieue de Shanghai. Et c’est finalement une mise en abîme de la VR qui s’esquisse : de l’art d’habiter des simulacres d’une réalité lointaine.

La visite virtuelle de l’atelier Bourdelle, un prototype VR co-produit par les Musées de Paris et la start-up Art of Corner, vaut elle aussi d’être mentionnée. Pas seulement par sa performance technologique – soit une recréation en captation volumétrique d’un atelier d’artiste qui permet à l’utilisateur de tourner autour des sculptures. Mais aussi parce qu’elle illustre à merveille la réalité économique des narrations de présence. Celles-ci se situent au croisement de la production audiovisuelle et de l’industrie du jeu vidéo, d’un côté, et des musées de la culture et du patrimoine, de l’autre. Ce n’est pas un hasard si les décideurs  invités au Sunny Side of the Doc ne sont plus seulement des représentants de chaînes, mais également des émissaires du Château de Versailles, des Monuments Nationaux ou du Musée du Louvre. Les musées explorent eux aussi avec beaucoup de gourmandise les narrations immersives.

A ce sujet, avez-vous songé à boire le thé avec Clémenceau ? Pas vraiment ? Vous devriez car c’est aujourd’hui à votre portée. La start-up SkyBoy, spécialisée dans les apps de réalité augmentée (ou de « réalité superposée », selon leur définition), a conçu avec les Musées nationaux, une visite de la maison de Clémenceau à Saint-Vincent-sur-Jard, qui fait apparaître le président du Conseil dans l’écran de votre smartphone. Une technologie que SkyBoy a également mise en œuvre pour faire vivre des scènes du débarquement sur le site d’Ouistreham, en Normandie.

La réalité augmentée n’est cependant pas toujours une affaire de start-up. Actrices historiques du webdocumentaire, les fondatrices de narrative, Laurence Bagot et Cécile Cros-Couder, explorent depuis quelques années déjà un genre bien à elle : la réalité augmentée en son binaural ; soit une visite agrémentée d’une expérience sonore en 3D, qui fait surgir autour de vous un aréopage de personnages et de souvenirs, vivants et vivaces.  Bref, si vous avez le loisir de vous téléporter à La Rochelle, n’hésitez pas : Pixii vaut le déplacement.

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