La 5ème édition du Festival « Ânûû-rû âboro«  se tient du 21 au 29 octobre 2011 à Poindimié, en Nouvelle-Calédonie. Manifestation atypique, et non moins nécessaire, elle connaît un succès grandissant. L’édition 2011 de ce Festival international du cinéma des peuples ne devrait pas déroger à la règle étant donnée la richesse et la variété des films sélectionnés parmi les 1 288 œuvres reçues. Présentation du festival par son Délégué général, Jean-François Corral.

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Le festival ânûû-rû âboro en est à sa 5e édition. Il n’est pas impensable que nous soyons le plus petit festival de la planète. La Kanaky-Nouvelle-Calédonie ne compte que deux cent cinquante mille habitants et Pwêêdi Wiimîâ (Poindimié), le village où nous organisons le festival n’en a que 5 000 répartis en dix huit tribus. Ajoutons à ce paysage qu’il n’y a pas de salle de cinéma et que nos projections, la nuit, se font en plein air, assis sur une natte, dans les tribus, sur grand écran. Petits, nous espérons bien le rester. Dans le monde kanak,  « rester petit » est une vertu cardinale qui porte un nom : l’humilité. Dans cette prétention à la petitesse, l’éloignement est un allié précieux. La France, pays colonisateur, est à 20 000 km.

Dans l’espace insulaire du Pacifique sud, nous essayons de faire vivre un festival de cinéma documentaire. Un de plus dans la constellation infinie des festivals. Au-delà de l’aspect exotique, je ne sais pas si notre festival est très original. Pas facile de se distinguer dans le foisonnement des festivals de qualité, grands ou petits, qui, chaque année, clament leur amour du cinéma.

Anûû-rû âboro veut dire « l’ombre de l’homme » dans la langue paicî, autrement dit « cinéma ». Nous aimons cette définition poétique qui laisse une part d’ombre dans la recréation du réel que pose l’acte cinématographique documentaire.  Nous aimons aussi cette présence de l’homme dans la définition kanak du cinéma. A tout choisir, nous préférons filmer l’homme à hauteur d’homme que la terre vue du ciel. L’homme, c’est-à-dire celui qui s’inscrit dans un processus de vérité pour reprendre une thèse d’Alain Badiou.  Nous inscrivons notre festival dans un processus d’émancipation : celui que le peuple kanak et les citoyens de notre pays ont engagé depuis des décennies. Nous considérons que. L’image est devenue un enjeu de pouvoir planétaire. Dans notre Pays, il n’y avait encore que deux chaînes de télévision il y a dix ans à peine. Aujourd’hui, le bouquet satellitaire donne à voir une cinquantaine de chaîne et la TNT s’annonce. Nous sommes submergés d’images et pressés d’en consommer. Notre voix et notre image – notre identité – sont inaudible et invisible. Les grandes chaînes d’informations, y compris celles qui diffusent en continu, sont interchangeables : les sujets sont les mêmes, ils sont traités de la même façon : du point de vue du centre, celui du capital financier, jamais du point de vue de la périphérie, celui de l’immense majorité des hommes et des femmes qui, dans leur diversité, peuplent la planète.

Dans le domaine cinématographique, la remise en cause de la domination des puissances d’argent serait imparfaite, voire inefficace, si elle ne s’accompagnait pas d’une remise en cause tout aussi radicale des formes de cette domination. L’ordre établi, ce n’est pas seulement celui du capital financier qui met le monde en coupe réglée, qui affame la moitié de la planète, qui contraint des milliers de gens à émigrer au risque de leur vie dans l’espoir d’une vie meilleure. L’ordre établi c’est aussi celui d’une idéologie dominante largement intériorisée qui, en matière d’images et d’esthétique, tend à imposer des formes établies, calibrées par la télévision, soumises dans leur conception et leurs conditions de production à la dictature marchande de l’audimat.

Notre festival essaie de donner un espace, la tribu,  et un temps, extensible à l’année,  à ces films documentaires qui ne sont pas seulement des témoignages plus ou moins bien « habillés » qui documentent le réel mais qui se veulent des œuvres cinématographiques dotées de leur propre langage, de leur propre narration et d’une forme qui leur est propre.

En un sens, comme toute œuvre d’art, ils incarnent le désordre face à l’ordre.

Jean-François Corral

Les précisions du Blog documentaire

1. Voici la sélection de la compétition internationale du festival :

– Ceux que j’aurai pu être et que peut-être je suis
Pays-Bas : 2010, 53’ , Boris Gerrets

– Cheikh Ibrahim, Frère Jihad
Allemagne : 2010, 83’, Andres Rump

– Del poder
Espagne: 2011,73’, Zavan

– Dubaï en moi
Allemagne: 2010, 78’, Christian von Borries

– Good buy Roma
Italie: 2011, 50’, Gaetano Crivaro, Margherita Pisano

– L’Homme sans nom
France, Chine: 2009, 92’, Wang Bing

– Il nous faut du bonheur
France : 2010, 52’, Alexandre Sokurov, Alexei Jankowski

– Méridien bleu
Belgique: 2010, 82’, Sofie Benoot

– Palazzo delle Aquile
France, Italie : 2011, 124’, Stefano Savona, Alessia Porto, Ester Sparatore

– Pièces détachées
États-Unis : 2010, 80’, Verena Paravel, J.P. Sniadecki

– Qu’ils reposent en révolte (Des figures de guerres)
France : 2010, 153’, Sylvain George

– Le quattro volte
Italie : 2010, 88’, Michelangelo Frammartino

– Lost Land
France, Belgique : 2011, 75’, Pierre-Yves Vandeweerd

– Totó
Autriche : 2009, 128’ 2009, Peter Schreiner

– Yatasto
Argentine: 2011, 95’, Hermes Paralluelo

2. Le 5ème Festival Ânûû-rû âboro propose également une large sélection de cinémas indonésiens, un panorama argentin, un important programme de courts métrages ainsi que deux films hors compétition (Alamar de Pedro  González-Rubio et La vénus Noire d’Abdellatif Kechiche).

3. A noter enfin la sélection de films du Pacfique et du Pays que voici :

7 regards croisés
Kanaky-Nouvelle-Calédonie : 2011,7’, Eric Albiero

– Affaire réglée
Kanaky-Nouvelle-Calédonie : 2010, 3’30, Monique Goudet

– Bb lecture : les mots, ces beaux arbres qui poussent
Kanaky-Nouvelle-Calédonie : 2011, 23 mn, Désiré Kabwa Menrempon

– Bikpela Bagarap / Gros dégâts
Australie, Grande-Bretagne : 2011, 53, David Fedele

– Bran nue dae
Australie : 2009, 88’, Rachel Perkins

– Le destin commun de Bébé Leroi
Kanaky-Nouvelle-Calédonie : 2010, 52’, Olivier Jonemann

– L’échange entre Koro le Maori et Amman le Kanak

Kanaky-Nouvelle-Calédonie : 2010, 22’, Alain Tarsiguel

– L’igname
Kanaky-Nouvelle-Calédonie : 2011, 8’47, Lynda mayat

– Liberty, equality, Kanaky / Liberté, égalité, Kanaky
Australie: 1987, 52’, Martin Butler

– Le lien: quatre femmes artistes kanak
Kanaky-Nouvelle-Calédonie : 2011, 25’, Colette Watipan

– Mate mo Kanaky / Mourir pour toi, Kanaky
Kanaky-Nouvelle-Calédonie : 2011, 45’, Désiré Kabwa Menrempon

– La monnaie Kanak
Kanaky-Nouvelle-Calédonie : 2009, 8’47, Lynda mayat

– Pain ou coco, Moorea et les deux traditions
Polynésie : 2010, 64’, Y. Fer et G. Malogne-Fer

– Petites nouvelles de Calédonie
France, Kanaky-Nouvelle-Calédonie : 2010
Amborella 7’, Karine Gama
Bao  7’09, Mai Le Flochmoen
Barbara 7’40, Erwin Lee
Bùrù tara paa 6’23, Désiré Kabwa menrempon
Good bye lucky man  11’, Vincent Khalifa
Le piano  6’, Benjamin Dos Santos
Secrets de l’anse vata  7’, Teddy Albert

– Pick-Up et Coup de Chasse en Nouvelle Calédonie
Kanaky-Nouvelle-Calédonie : 2010, 53’, Jacques‐Olivier Trompas

– Le Retour de Marius
Kanaky-Nouvelle-Calédonie : 2011, 52’, Brigitte Whaap

– La SIC : Société injuste de consommation
Kanaky – Nouvelle-Calédonie: 2011, 17’, Christophe Soeroastro

– There once was an island / Il y avait une fois une île
Nouvelle-Zélande:  2009, 80’, Briar March

– Un Kanak à Paris
Kanaky-Nouvelle-Calédonie : 2011, 46’, Jimmy Janet

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