Nouveau zoom autour du crowdfunding sur Le Blog documentaire, chiffres à l’appui. L’occasion aussi de rendre compte de la soirée que nous avons co-organisée ce 10 avril à la SCAM. L’enjeu consistait à répondre à toutes les questions que pouvaient se poser les auteurs, les producteurs et autres curieux. Trois plateformes étaient représentées ce soir-là : Touscoprod (avec Julie Barnay), KissKissBankBank (Charlotte Richard) et Ulule (Mathieu Maire du Poset). Alors, « le crowdfunding s’empare du documentaire »… Enjeux et perspectives.
Le crowdfunding a donc son Oscar. C’était en février 2013 à Los Angeles : Inocente remportait la statuette du meilleur court-métrage documentaire. L’histoire d’une jeune fille de 15 ans, sans papier et sans domicile fixe pendant plusieurs années à San Diego, qui refuse d’abdiquer pour autant devant son rêve : devenir artiste.
Pour mener à bien leur projet, les réalisateurs Andrea et Sean Fine ont effectué une campagne sur le site de financement collaboratif américain Kickstarter. Opération réussie : ils ont pu récolter 52.527 dollars en un mois, grâce à 294 donateurs. Une jolie somme qui est intervenue au terme du processus de fabrication du film, sur la post-production, la promotion et la création d’un site web pour le documentaire.
Et ce n’est pas la première fois que l’Académie des Oscars s’intéresse aux oeuvres nées pour partie grâce au crowdfunding. Ainsi cette année, le documentaire court Kings Point et le court-métrage de fiction Buzkashi Boys étaient également en compétition après avoir respectivement trouvé plus de 10.000 et 27.000 dollars grâce au financement participatif. Trois autres films passés par le crowdfunding avaient également fait l’objet d’une nomination lors des années passées.
Phénomène similaire en France où Le Sommeil d’Or, de Davy Chou, était en lice pour le César du meilleur documentaire cette année, après avoir récolté plus de 11.000 euros sur un site de crowdfunding. Ajoutez à cela que 10% des films sélectionnés au dernier festival indépendant de Sundance sont également passés par ce type de financement, et vous aurez une petite idée de l’ampleur du phénomène et de la reconnaissance institutionnelle (si l’on peut dire) qu’il acquiert petit à petit...
Autre élément d’appréciation de l’engouement pour le crowdfunding : une récente étude (certes réalisée certes par une structure qui a intérêt à l’essor de ce mode de financement) selon laquelle 2,7 milliards de dollars ont été investis de la sorte en 2012, soit une augmentation de 81% par rapport à 2011. Surtout, près de 12% de cette somme a concerné les films et les arts de la scène (devant la musique, à 7,5%).
Pour l’Europe seule, ce sont 945 millions d’euros qui ont été comptabilisés par cette étude. Les prévisions pour 2013 tablent sur 5 milliards d’euros dans le monde. Le magazine Forbes, de son côté, estime que le potentiel de financement du crowdfunding s’élèvera à 1.000 milliards de dollars en 2020.
Qu’en est-il précisément pour le cinéma et l’audiovisuel ?
Retournons d’abord aux Etats-Unis, chez Kickstarter. Depuis sa création en 2008, la plateforme américaine a permis la concrétisation de plus de 39.000 projets, pour la très grande majorité en dessous de 10.000 dollars. Les films et la vidéo occupent la deuxième place des catégories les plus prolifiques, juste derrière la musique. Pour la seule année 2012, selon les statistiques fournies par le géant du crowdfunding, 2.241.475 personnes (venant de 177 pays différents) ont voulu aider 18.109 projets pour un montant total de dons 319.786.629 dollars (soit plus de 600 dollars par minute). 274.391.721 dollars ont effectivement été reversés à des créateurs.
Derrière ces statistiques vertigineuses se cachent de belles histoires et des échecs cuisants. Du côté des aventures à succès, il y a par exemple cette série, Veronica Mars, qui a trouvé plus d’un million de dollars de dons en moins de 4 heures. A la fin de la collecte, la campagne avoisinait les 6 millions de dollars. La rançon du succès ? Ici, une large communauté de fans déjà constituée, des vidéos amusantes et des contreparties intéressantes. Pour la petite histoire, la Warner Bros s’était engagée a distribuer le film si le cap des 2 millions de dollars était franchi… Joli pied de nez à l’industrie traditionnelle, donc.
Si 26 projets ont recueilli plus d’un million de dollars sur Kickstarter (majoritairement des jeux vidéo), certains projets échouent avec fracas. Bjork, par exemple, a annulé une campagne 10 jours après son lancement, faute de succès. Seulement 4% de l’objectif (375.000 livres) avait été atteint. L’idée consistait à financer de nouvelles applications autour de l’album de la chanteuse, Biophilia. Les raisons de cet échec : des contreparties insignifiantes, un attrait très relatif, et sans doute aussi la sensation que la chanteuse islandaise n’avait pas besoin d’un tel coup de pouce.
Kickstarter ou Indiegogo aux Etats-Unis… Mais aussi Verkami en Espagne, Eppela en Italie, Wefund en Grande Bretagne… Il existe une multitude de plateformes de financement participatif en Europe. En France, on estime qu’une trentaine de structures ont vu le jour en 4 ans. Elles ont fédéré depuis leur naissance plusieurs dizaines de milliers d’internautes sur 60.000 projets, soit un financement de près de 40 millions d’euros.
Trois plateformes sont plus précisément spécialisées dans l’audiovisuel : Touscoprod, KissKissBankBank et Ulule. Elles étaient toutes représentées ce mercredi 10 avril lors d’une rencontre très pratique qui s’est tenue à la SCAM. Tour d’horizon ici, notamment appuyé sur le Guide du crowdfunding, de Nicolas Dehorter.
Touscoprod
Depuis sa création en 2006, le site a aidé plus de 115 films, soit au total plus d’1.6 million d’euros collectés. Exclusivement réservée aux oeuvres audiovisuelles, Touscoprod présente une contribution moyenne de 80 euros par internaute, une cagnotte moyenne de plus de 8.000 euros par film, et un taux de réussite de 45% en 2012. Deux productions passées par ce site ont eu les honneurs du Festival de Cannes. A noter également la jolie performance de Entre leurs mains, documentaire de Céline Darmayan, qui a atteint 227% de son objectif de départ avec une cagnotte de 27.197 euros l’année dernière.
La commission sur ce site s’élève à 10% HT du total, frais bancaires inclus. Touscoprod présente aussi la particularité de diffuser les films terminés, pour 6 passages en 2 ans. Le délai de collecte peut varier de 1 à 3 mois.
La plateforme a par ailleurs lancé un appel à projets de courts-métrages d’animation, en partenariat avec le festival d’Annecy.
KissKissBankBank
Lancé en mars 2010, le site a d’ores et déjà collecté plus de 4,5 millions d’euros sur un peu plus de 2.500 projets. On dénombre environ 200 films documentaires et la présence de nombreux webdocumentaires (une centaine) ; par exemple : La Nuit oubliée ou Paroles de conflit, et plus récemment Le mystère de Grimouville ou A life like mine. Le taux de réussite moyen est de 62%, le don moyen de 55 euros et la collecte moyenne de 3900 euros.
La plateforme a également reçu 42 projets pour le concours Première Caméra, organisé avec Capa et Toute l’Histoire, Escales et Encyclo (il se termine le 25 mai).
La commission due à KissKissBankBank par les porteurs de projets s’élève à 8% TTC, frais bancaires inclus. La plateforme compte 100.000 membres et 78 mentors. Le délai de collecte peut varier de 1 à 90 jours.
Ulule
La plateforme, déclinée en 6 langues, a aidé 2.000 projets depuis sa création il y a deux ans, pour un montant total de 4,9 millions d’euros effectivement reversées aux créateurs (sur 6 millions collectés, soit 85% de reversement). Plus de 700 « films et vidéos » ont été aidés par Ulule, avec un taux de succès de plus de 62% (en moyenne, 68% sur la rubrique ciné). La contribution moyenne est de 50 euros, et les collectes atteignent en moyenne 3.500 euros. Ulule entend par ailleurs se lancer dans le financement d’entreprises et vient d’acquérir Peopleforcinema.
La commission s’élève à 5% du total, auxquels il faut ajouter les coûts liés à l’intermédiation bancaire (3%). La plateforme compte 150.000 membres et 91 mentors. Le délai de collecte peut varier de 1 à 90 jours.
Cédric Mal
Plus loin…
– Le guide du crowdfunding, de Nicolas Dehorter
– The dynamics of crowdfunding : Determinants of sucess and failure, de Ethan Mollick
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Un article très intéressant ! En effet le crowdfounding acquiert un role de plus en plus incontournable dans tous les domaines liées à la création. Et comme vous le mentionnez, à l’instar du social networking, cette pratique est en passe de se professionnaliser… Chaque plateforme n’est pas adaptée à n’importe quel projet ; il est important de mettre en ligne son projet sur la bonne plateforme ; et de disposer au préalable d’une communauté de fans bien etablie et fondée via les réseaux sociaux.
Bonjour à toutes et à tous!
Je suis étudiante en école de commerce et je m’intéresse au financement participatif dans le cadre de mes cours. Si vous avez déjà participé au financement d’un projet en crowdfunding pourriez-vous m’aider en remplissant ce court sondage (5min) s’il vous plaît? Les réponses sont anonymes bien entendu et elles m’aideraient énormément dans mon travail !
https://fr.surveymonkey.com/s/etudeHEC
Merci beaucoup!
Bonjour,
Petit message pour vous transmettre un reportage qui explique bien ce qu’est concrètement le crowdfunding :
http://www.ecoplus.tv/2013/06/25/argent-crowdfunding-financement-participatif/
J’espère que le film vous plaira! N’hésitez pas à le partager sur les réseaux sociaux ou sur votre site! 🙂
A très bientôt,
Solene
Bonjour à tous. Si cela vous intéresse, voici notre projet :
« Ils l’ont fait » est un long métrage (comédie) dont le scénario et la réalisation sont fait par des jeunes de Mantes La Jolie. Les acteurs sont issus de la région parisienne et sont tous avec ou sans expérience. L’objectif de ce projet est de mettre en avant tous les talents issus de la banlieue aussi bien dans le domaine artistique, culturel et musical mais aussi de leur permettre de se faire connaitre du grand public.
http://fr.ulule.com/ilslont-fait/