En salles, ce mois-ci… Politique, justice, musique, enquêtes familiales et chronique égyptienne…
Mais avant cela, une mention du palmarès de trois festivals : Sotchi 255 (de Jean-Claude Taki) a été primé à la Documenta 2011 de Madrid ; The Ballad of Genesis and Lady Jane (de Marie Losier) a remporté le Grand prix de l’Indie Lisboa 2011 ; et Khodorkovsky (de Cyril Tuschi) s’est distingué au Dokfest de Munich.
A noter, également : l’excellente rétrospective autour de Cinéastes, de notre temps qui se poursuit au Centre Pompidou, à Paris. « L’histoire du cinéma filmée par les cinéastes » défile encore tout au long de ce mois de juin, avec de belles rencontres en marge des projections. Un ouvrage exceptionnel d’André S. Labarthe paraît aussi à cette occasion. Il est édité par Capricci.
En salles le 1er juin :
Après la gauche, de Jérémy Forni.
La « génération Mitterrand », celle dont est issu le réalisateur de ce film, s’interroge sur ce que signifie être de gauche aujourd’hui. Sujet épineux, brûlant, sur lequel se penche une vingtaine de « figures de la pensée contemporaine ». Robert Castel, Armand Mattelard, Susan Sontag, Albert Jacquart, Bernard Stiegler ou encore… Lionel Jospin dressent un état des lieux de cette philosophie politique en revenant sur les événements ou sur les luttes sociales de ces 20 dernières années, et redisent tous la nécessité de « penser l’Utopie ».
Le décor des entretiens pourrait résumer l’intention du cinéaste déjà auteur de Traces de luttes en 2006 : une usine désaffectée où les mots et la sublime musique de François-Eudes Chanfrault résonnent avec intensité et gravité. La vision du film peut s’appuyer sur une fiche pédagogique établie dans le cadre du Mois du film documentaire 2010. Médiapart, partenaire du film, en propose 12 extraits sur son site.
Le 8 juin :
Prud’hommes, de Stéphane Goël.
Un autre monde en crise, celui du travail, est au cœur de l’immersion que propose Stéphane Goël au sein d’un tribunal des Prud’hommes de Lausanne qui, chaque année, étudie pas moins de 800 dossiers. A la manière d’un Raymond Depardon (10éme chambre, instants d’audience), le réalisateur suisse observe les conflits se nouer et se dénouer avec une rigueur formelle imposée par l’institution elle-même. Il a d’ailleurs été difficile d’obtenir l’autorisation de faire entrer deux caméras dans la salle d’audience. Le film suit en fil rouge deux conflits particuliers tout en s’autorisant des digressions sur d’autres luttes sociales. La question reste de savoir comment répare t-on un préjudice professionnel. Avec quelle somme d’argent ? Pas sûr qu’un chèque suffise, et la thérapie peut être bien plus longue que le procès…
Acqua in Bocca, de Pascale Thirode.
Avoir de l’eau dans la bouche, comme le signifie littéralement le titre du film en langue corse, c’est une invitation au silence. La suite de l’expression, « e fichi maturi » (quand les figues sont mûres) incite à parler, mais au moment opportun. Ce temps propice pour l’expression, et pour l’exploration de ses racines familiales, est advenu en 2003 pour Pascale Thirode. Son documentaire, réalisé quelques années après, nous mène sur les routes de Corse – sa terre natale – qu’elle ne connaît pas puisque sa mère est toujours restée mutique sur le sujet. Silence de plomb, aussi, sur les circonstances mystérieuses de la mort du grand-père de la cinéaste, en juillet 1944. Les photos de l’album familial ont été méticuleusement décollées, les portes se ferment sur l’île et la tombe ne porte pas de nom. Le documentaire prend à la fois les traits d’une enquête policière, d’un film de famille et d’une métaphore sur la transmission. Avec ses filles dans leur voiture-cocon refuge de leur intimité, Pascale Thirode nous parle aussi de la difficulté de (se) raconter et de transmettre une histoire. A Voir. Et pour ceux qui ont manqué la séance au cinéma, le DVD du film est en vente sur Docnet.
Le 15 juin :
Mafrouza, d’Emmanuelle Desmoris.
Voici un projet pharaonique sur un bidonville d’Alexandrie détruit en 2007. Mafrouza, c’était son nom, a été édifié par ses habitants sur les ruines d’une nécropole gréco-romaine pendant trente ans. Le film d’Emmanuelle Demoris en dresse une impressionnante chronique polyphonique en 5 parties complémentaires et autonomes, qui peuvent se voir de manière chronologique, ou non. Cette vaste fresque nous rapproche de personnages au fort pouvoir romanesque et à l’insubmersible force de vivre heureux en dépit de conditions matérielles parfois misérables.
Oh la nuit !, Coeur, Que faire ?, La main du papillon et Paraboles (Leopard d’or à Locarno) dépeignent les ressources et les contradictions des hommes, et ne cachent rien des relations pour le moins versatiles de la réalisatrice avec ses personnages. Ce monde est révolu, alors même que la Révolution égyptienne a redessiné le paysage politique du pays. Le documentaire n’a donc plus de rapport avec une quelconque réalité tangible, et pourtant il s’approche très justement de l’essence de l’expérience humaine. La durée à l’œuvre dans ce film est telle que celui-ci ne représente déjà plus « l’image de la vie », mais tend à se confondre avec la vie même.
Le 17 juin :
Legends of Flight, de Stephen Low.
Documentaire en 3-D sur les derniers nés de l’aviation civile, ce film feint de nous installer aux commandes des avions légendaires qui ont jalonné l’histoire de la conquête des airs par l’homme. Le spectateur a la sensation que son siège de cinéma se confond avec celui du copilote. Survols sans moteur de montagnes enneigées ou décollage supersonique à bord d’un jet, l’illusion fonctionne. Ce documentaire montre surtout comment la recherche aéronautique, basée sur l’examen du vol des oiseaux, s’est progressivement enrichie des succès et des déboires passés. Il n’y avait d’ailleurs pas eu d’innovation majeure depuis plusieurs dizaines d’années avant la fabrication de l’Airbus A380 et du Boeing 787 Dreamliner. Il nous est ici donné à voir les coulisses de la conception de ces deux « monstres du ciel », et les secrets de leur construction. Mike Carriker, pilote en chef de l’avion américain, nous accompagne tout au long du film à la découverte d’un univers que lui maîtrise totalement.
Le 22 juin :
Lettres et révolutions, de Flavia Castro.
L’engagement révolutionnaire du militant brésilien d’extrême gauche Celso Afonso Gay de Castro s’est brutalement arrêté le 4 octobre 1984, à 41 ans, dans un appartement de Porto Allegre. Meurtre ou suicide?, c’est ce que tente de découvrir sa fille, 25 ans après les faits. Flavia Castro mêle dans son film les voix du passé (celles des lettres de son père et de ses souvenirs intimes) avec celles du présent pour tenter de savoir comment son père a disparu dans la résidence d’un ancien nazi sur lequel il enquêtait peut-être. Ce documentaire, également intitulé Diario de uma busca et multiprimé en festivals, traverse le Brésil, l’Argentine, le Chili et la France – son père ayant été exilé à Paris où il a pu aider la LCR. Il nous replonge aussi dans les luttes politiques qui ont secoué l’Amérique Latine dans les années 70, indissociables du destin de la famille de la cinéaste.
Le 29 juin :
When you’re strange, de Tom DiCillo.
C’est le premier documentaire sur The Doors qui revient en salles un an après sa sortie officielle. Uniquement composé d’images d’archives tournées entre 1966 et 1971, le film dresse le portrait du mythique groupe de rock américain qui, de 1965 à 1973, fit souffler un vent de folie sur la scène musicale internationale en même temps qu’il accompagnait les aspirations de la jeunesse d’une époque notamment marquée par la guerre du Vietnam. Le documentaire de Tom DiCillo, conté par la voix off surplombante de Johnny Depp, ne s’enracine pas totalement autour de la figure christique de Jim Morrison, décédé à Paris à 27 ans, mais montre un groupe soudé par la drogue, l’alcool, le sexe et un rapport viscérale à la musique. Les archives sont entrecoupées d’extraits de HWY : An American Pastoral, une ficton réalisée par Jim Morrison en 1969 (il avait fait l’école de cinéma de UCLA) et dans laquelle il apparaît. C’est aussi l’un des intérêts de ce film.
Le coin des festivals
Du 2 au 4 juin se tient le festival Champ-Contrechamp de Lasalle, dans les Cévennes.
Le Festival international du film de Huesca aura lieu entre le 3 et le 11 juin.
A New York, le Brooklyn Film Festival s’ouvre le 3 juin pour se refermer le 12 juin.
Le 3ème festival de cinéma des foyers se déroule tous les week-ends du 4 au 25 juin à Paris
Le 13ème Festival international du Film étudiant de Tel-Aviv débute le 5 juin pour s’achever le 12.
Le Sheffield Doc Fest a lieu du 8 au 12 juin en Grande-Bretagne.
Le Festival du Film de Sydney, c’est entre le 8 et le 19 juin.
Le Festival du film humanitaire se tient du 8 au 11 juin à Paris et à Créteil.
Du 9 au 26 juin, le Encounters South African Documentary Film Festival se déroule à Johannesbourg et à Cape Town.
Au Brésil, le Festival du film et de la vidéo sur l’environnement, c’est à Goìas du 14 au 19 juin.
Le Marché International du Documentaire Sunny Side of the Docs, a lieu à La Rochelle du 21 au 24 juin.
Le 7ème Festival des nouveaux cinémas se tient à Paris du 17 au 26 juin.
Le Festival Arcipelago, consacré aux films courts et aux nouvelles images, se déroule du 20 au 24 juin à Rome.