En lice mais non primé aux Oscars et aux César, Ours d’or du festival de Berlin l’an passé, le film de Gianfranco Rosi reste l’un des documentaires marquants de ces derniers mois. « Fuocoammare, par-delà Lampedusa » sort aujourd’hui en DVD et Blu-ray aux éditions Blaq out, et alimente une partie des réflexions du nouveau numéro de la revue IMAGES documentaires consacrée aux « Exils ». Cinq exemplaires du film sont à gagner par tirage au sort en envoyant vos coordonnées à : leblogdocumentaire@gmail.com. (préciser le format souhaité). A noter également, une projection du film en présence du réalisateur ce 6 mars à Paris, au Columbia Global Centers.
La revue IMAGES documentaires consacre donc son nouveau numéro, intitulé « Exils », à une problématique qui parcourt de nombreux films récemment sortis en salles ou vus en festivals. Catherine Blangonnet écrit ainsi dans son éditorial :
Dans les films qui ont inspiré ce numéro sur le drame contemporain de l’exil – Fuocoammare, par-delà Lampedusa de Gianfranco Rosi, Ta’ang de Wang Bing et Qu’ils reposent en révolte de Sylvain George –, il s’agit bien davantage que de donner la parole à « l’autre » – le réfugié – ou de donner à voir ce qu’il vit : comme l’œil gauche du jeune Samuele dans le film de Rosi, il s’agit de déparesser notre regard de spectateur quotidiennement assailli d’images insoutenables auxquelles nous finissons par ne plus réagir. Ces films nous mettent en situation d’éveil. Par leur cohérence morale, politique et esthétique, ils représentent face à l’intolérable « une certaine idée des droits et des devoirs du cinéma », selon l’expression de Nicole Brenez.
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« Déparesser notre regard de spectateur », c’est l’hypothèse développée par Charlotte Garson dans son article Gianfranco Rosi : brûler la mer, brûler le regard qui commence ainsi :
« What is your poistion ? » répète au début de Fuocoammare, en off, un patrouilleur de Lampedusa en conversation avec un canot chargé de migrants en train de sombrer. Impossible de savoir si l’absence de réponse est due au manque d’instruments de mesure marins, à l’accent anglais difficilement compréhensible du policier sicilien ou au seul choix de Gianfranco Rosi de couper à ce moment-là. « Quelle est votre position ? » – On ne peut qu’entendre ces mots comme une adresse au spectateur européen, qui ne saurait détourner le regard sur ce qui se passe à ses frontières. Mais répétée avec uns insistance stérile, cette question relève peut-être aussi d’une prise de distance quant à l’exigence faite à maint documentariste de se situer dès lors qu’il aborde un sujet politique. Quelle est votre position, Gianfranco Rosi ? La séquence suivante constituerait une réponse : un discret DJ de la radio (cette fois au sens de média) fredonne la chanson qu’il est en train de passer tandis qu’une femme âgée l’écoute dans sa cuisine, face aux informations télévisées qui annoncent de nouveaux décès de migrants en mer. Comme les ondes qui pénètrent l’espace domestique, la « position » de Rosi se diffracte, s’égaye, non pas évanescente mais pulvérisée, interstitielle.
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