Direction Marseille, où Le Blog documentaire profite du Marseille Web Fest pour explorer la production web et transmédia en Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Rencontre ici avec deux acteurs de la région : Sylvia Andriantsimahavandy, déléguée générale de PRIMI, et Antoine Disle, producteur et délégué général du Marseille Web Fest. Entretiens réalisés par l’irremplaçable Sacha Bollet !
Le Marseille Web Fest s’intéresse d’abord aux web-séries (de fiction), mais affiche aussi quelques projets documentaires. L’événement est d’autant plus intéressant dans son approche de la création web qu’il concentre en deux jours de nombreuses conférences et, ce samedi 13 octobre, la manifestation accueille une séance de pitchs devant un panel de professionnels présidé par Boris Razon, directeur des Nouvelles Ecritures et du Transmédia chez France Télévisions. 9 projets sont sélectionnés ; le meilleur recevra une dotation de 5.000 euros, et tous seront accompagnés dans leur développement par le Marseille Web Fest et par le PRIMI.
Le PRIMI ?
Le PRIMI, ou « Pôle Transmédia Méditerranée », a été créé fin 2010 et mis en route fin 2011. Il regroupe environ 80 entreprises du cinéma, de l’audiovisuel, d’internet et du jeu vidéo. L’ambition de départ de cette structure financée par l’Etat et par la région PACA : réunir, dans une optique transmédia, des professionnels de la région qui travaillent désormais sur plusieurs écrans et plusieurs supports ; le but étant bien sûr de soutenir l’émergence de projets transmédias et crossmédias en PACA.
Sur ces 80 sociétés, on compte aujourd’hui une quarantaine de producteurs audiovisuels, des entreprises spécialisées dans le web, les jeux vidéos, le multimédia… L’enjeu consiste à favoriser la rencontre de ces différents métiers. La directrice générale de PRIMI, Sylvia Andriantsimahavandy, explique : « On se rend compte que de plus en plus de producteurs ont envie de faire des documentaires interactifs ou des narrations non-linéaires, mais ils ne connaissent pas les réseaux. (…) Entre faire un documentaire et vouloir en faire ensuite une stratégie d’audience web, un jeu, une continuation de l’histoire sur internet… ça demande des compétences créatives supplémentaires ». Entretien.
Le Blog documentaire : Est-ce que des projets transmédias ont déjà vu le jour en région PACA ?
Sylvia Andriantsimahavandy : Dans notre réseau, nous comptons par exemple Lexis Numérique, qui fait partie des pionniers du transmédia, avec son jeu In Memoriam par exemple, ou avec les productions réalisées autour de la série Braquo de Canal +. Le dernier né, Alt-Minds, doit sortir en octobre. Mais c’est vrai que, pour l’heure, les autres projets sont encore au stade du développement.
Parviennent-ils à trouver des financements ?
Il faut savoir qu’Arte, par exemple, demande aux documentaires de développer une stratégie web. Aujourd’hui, les chaînes de télévision disposent toutes d’un directeur des contenus transmédia ou interactifs. Eux sont très demandeurs pour venir aux séances de pitch que nous organisons afin de repérer des projets (dans le cadre du Marseille Web Fest, par exemple). Ils sont très disponibles. Il y a une demande de la part des chaines… donc il y a des fiancements.
La région PACA va aussi lancer un fond d’aide en 2013. Elle réfléchit encore aux critères de soutien, ainsi qu’aux bénéficiaires (auteurs ou producteurs). L’annonce devrait intervenir très bientôt.
J’ajoute que nous lançons aussi une programmation, baptisée « L’automne transmédia 2.012« , qui est un programme d’accompagnement de projets, avec des workshops, et des rencontres avec des diffuseurs importants. Il n’y a pas de sélection, l’initiative est ouverte à tous les adhérents de PRIMI. En fonction des projets, nous identifions les besoins (accompagnement juridique, en écriture, en technologie, etc.) et, selon le constat, nous monterons des actions d’accompagnement avec des producteurs, des professionnels plus aguerris qui auront un regard critique sur les projets et offriront de nouvelles pistes de travail.
Le futur dispositif régional d’aide à la création que vous évoquez existe déjà en Rhône-Alpes. Nous ne sommes pas pas franchement en avance sur le sujet…
C’est sûr, Lyon dispose d’un pôle de compétitivité qui s’appelle Imaginov – l’équivalent de PRIMI, mais avec une dimension nettement plus large. Ils ont aussi la chance d’accueillir des entreprises très importantes, comme Ubisoft.
Quand va t-on découvrir un « Upian » marseillais alors ?
Certainement en 2013 ! Pour l’instant, les maisons de production font appel à des compétences externes, à des personnes qui savent écrire un scénario transmédia par exemple… Je ne sais pas si elles intégreront un professionnel dédié au transmédia dans leurs équipes… peut-être pas… Mais est-ce que ces compétences doivent être réunies dans une personne spécifique ou est-ce que ce sont les autres métiers qui devront développer leurs compétences dans ce sens là ? C’est un peu comme le développement durable ! Est-ce qu’il doit y avoir un « Monsieur écologie » dans une entreprise ou est-ce que tout le monde doit faire évoluer son métier pour intégrer ces questions ? Nous verrons bien…
Avec le transmédia en tout cas, des narrations et des modèles économiques nouveaux se déploient. La recherche financière n’est plus tout à fait la même, les budgets ne sont pas montés exactement de la même façon… Les diffuseurs, aussi, sont différents… Les métiers vont évoluer, c’est sûr.
Est-ce qu’il n’y a pas une forme de jeunisme dans le transmédia ?
Naturellement. J’ai assisté à une conférence en début d’année 2012 à ce sujet : les écoles et les producteurs se rendaient alors compte qu’en proposant des formations transmédia, les enseignants apprenaient finalement beaucoup de leurs étudiants et de leurs pratiques parce que eux sont des digital natives !… Un jeune de 20 ans qui se forme aujourd’hui à la production n’intègrera t-il pas naturellement le transmédia dans sa façon d’approcher l’écriture d’un scénario ou d’un documentaire ?
Suite de notre exploration de la scène transmédia marseillaise, avec Antoine Disle, producteur et délégué général du Marseille Web Fest.
le Blog documentaire : Quels sont les écueils habituels à éviter dans les projets transmédia ?
Antoine Disle : Le problème réside justement dans la « jeunesse » du transmédia. Comme tous les projets novateurs, la technologie prend parfois le dessus sur l’éditorial. Il en résulte souvent une débauche d’effets induits par les avancées technologiques (arborescence compliquée, etc..) prenant parfois à contre-pied les véritables usages du public. Certains effets sont appréciés pour leur côté novateur, mais les spectateurs se lassent vite et attendent un univers complexe, mais intuitif. La technologie ne doit pas être une débauche d’effets, elle doit être pensée pour faciliter le parcours de l’utilisateur et être au service de l’univers dans lequel on souhaite le faire voyager.
Quels sont les points de présentation sur lesquels insister, lors d’un picth par exemple ?
Il faut penser avant tout au public, donc à l’éditorial, pour rendre évidente la complémentarité des contenus et les différentes expériences de lecture des différents supports. Il faut rendre une histoire globale cohérente et, en même temps, chaque contenu doit pouvoir avoir son existence à part entière, sur des supports différents. La présentation doit être compréhensible par tout le monde, et surtout par des gens extérieurs au milieu.
Peut-on « transformer » un projet documentaire ou de fiction classique en projet transmédia ? Et les projets qui naissent directement en transmédia sont-ils toujours plus réussis ?
Il est évidemment bien plus facile de penser un projet transmédia en amont puisqu’il marque forcément l’ADN du programme classique. Mais cela n’empêche absolument pas de décliner un programme classique dans un univers transmédia.
Faut-il être une équipe pour mieux défendre ce genre de projets, même au stade du pitch ?
Il n’y a pas de règles spécifiques ; tout dépend de celui qui défend le projet. Une réunion de compétences au sein d’une équipe sera toujours, par essence, plus forte.
Propos recueillis par Sacha Bollet
Plus loin…
– Quel modèle économique pour le financement d’un dispositif transmédia ? (sur The Rabbit Hole)
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