Le Blog documentaire soutien la sortie en salles de On est là !, le nouveau film de Luc Descater. Le cinéaste a suivi pendant 39 jours la lutte des salariés sans papiers d’une entreprise de nettoyage menacés de licenciement en région parisienne. Un film fort, et sans concession. Rencontre avec un cinéaste engagé, sur le fond comme sur la forme… C’était vendredi 11 mai 2012 au café Wepler, à Paris.
Le Blog documentaire : Quelle est l’origine de ce documentaire ? Qu’est-ce qui a déclenché l’idée, et surtout l’envie de réaliser ce film ?
Luc Decaster : Cela fait maintenant 15 ans que je fais partie d’un collectif de soutien aux sans papiers à Argenteuil (Val d’Oise). Chaque vendredi, on reçoit du public dans une permanence, mais je suis les dossiers d’assez loin. Au départ, je n’étais pas parti pour faire ce film… mais une demande de soutien de travailleurs sans papiers est apparue. Ils sont venus nous solliciter avec un syndicaliste – que l’on voit dans le film. Je cherchais moi aussi à les appuyer, mais nous repoussions l’échéance pour diverses raisons. En attendant, j’ai terminé le montage du film sur lequel je travaillais ; je leur ai donc proposé de filmer leur lutte (fin juin 2009). Étant présent dans le collectif de soutien, je suis donc à la fois partie prenante du conflit et cinéaste.
J’ai d’abord pensé que cette histoire n’allait durer que quelques jours. Il m’arrive d’ailleurs souvent de filmer des conflits sans pour autant en faire des films. Là, j’ai senti que ça pouvait tenir et que ça pouvait devenir un documentaire quand je me suis rendu compte que ça allait durer. Il y avait un travail sur le temps qui m’intéressait, et qui n’est pas du tout dans l’air du temps. J’essaie de développer cette approche depuis longtemps. Aujourd’hui, on a d’yeux que pour le cinéma dit « d’action », et cette tendance influence d’ailleurs le cinéma documentaire.
C’est donc seulement au bout de quelques jours que vous vous rendez compte qu’il y a un récit en jeu ?
Il y a toujours une incertitude, et c’est un peu l’objet du cinéma documentaire quand il n’est pas « installé ». Personnellement, je vais chercher, je suis quelque chose. C’était sensiblement le même processus avec Rêve d’usine, quelque part. Je ne verrais peut-être pas ce que j’aimerais voir, et ce qui va advenir risque de me surprendre. C’est d’ailleurs souvent plus intéressant que ce qui était prévu. Pour moi, le conflit pouvait se solder en trois jours. Dès lors qu’il dure, des questionnements nouveaux, des interrogations apparaissent, et le mouvement devient intéressant. Il y a des changements de stratégies dans le rapport des salariés avec la direction et les syndicats. Cela renforce la complexité du film qui, avec le travail du temps, nourrit la dramaturgie. Un drame se développe, et nous le travaillons ensuite au montage.
Comment le dispositif s’affine avec les jours, et comment trouver sa place de cinéaste au milieu de ce conflit ?
C’est vraiment quelque chose de complexe pour moi : comment rester indépendant en tant que cinéaste tout en étant partie intégrante du conflit ? Par exemple, la police est intervenue à trois reprises, et ce dès le premier jour. En tant que cinéaste, est-ce que je dois laisser ma caméra tourner pour saisir ces arrestations (émotionnellement fortes) ? Je ne l’ai jamais fait : je préfère être là pour empêcher cette intervention policière. Je négocie même au téléphone devant le patron, et avec les salariés qui me demandent d’intervenir. Là, je ne suis plus cinéaste, et la réalité l’emporte. Mon film reste finalement insignifiant au regard du risque qu’encourent ceux qui pourraient se faire arrêter. Je suis sans doute presque trop mêlé à l’histoire.
On entend même votre voix intervenir dans le film. Le cinéaste est manifestement engagé dans la narration…
Effectivement. D’une part, dans une situation très particulière, j’ai eu peur qu’une porte se referme sur nous – et pour avoir déjà participé à des actions de ce type, j’y suis habitué. Nous n’avons pas conservé ce moment au montage. A un autre moment, une salariée prend le parti de son patron – et c’est d’ailleurs une composante de la complexité de la situation. J’interviens oralement pour expliquer que chacun peut se positionner, dans le respect de l’autre. Je suis même étonné par sa prise de position… et elle croit vraiment en sa solidarité avec le patron. On aurait pu craindre une petite bagarre, mais tout le monde est resté à sa place, et a conservé ses distances. J’ai cru que ça pouvait dégénérer, et c’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles je suis intervenu… mais finalement, ils n’avaient sans doute pas besoin de moi.
Comment, quand le cinéaste fait ainsi partie intégrante du conflit, la caméra trouve sa place et sa distance par rapport aux personnes filmées ?
Je suis avec ces salariés depuis le premier jour, je suis dans la voiture avec eux. Si je parviens à conserver ma distance, c’est notamment grâce au montage. Nous y avons travaillé pendant 4 mois avec Claire Atherton, ce qui était fondamental pour moi.
La distance se manifeste aussi dans le fait que nous conservons ce qui ne me convient pas forcément. La complexité et le travail du temps comptent aussi, et il m’intéressent énormément. Et puis, je m’attache au quotidien, je reste à ma place car je ne vais pas chercher le « spectacle » raccoleur ou l’observation ethnologique.
L’action se déroule dans un lieu clos, dans une cour, et je suis toujours présent physiquement parmi les personnages du film. La distance, c’est quelque chose qui se travaille surtout au montage. C’est presque une éthique personnelle : je garde ce qui ne me convient pas. A certains endroits, j’aurais personnellement préféré que les personnages disent autre chose, ou fassent autre chose. La salariée qui reste solidaire avec son patron intervient en ce sens. Il y a toujours de la complexité, de la subtilité dans les conflits sociaux. Ma seule barrière, finalement, c’est la beauté esthétique…
De même, je ne fais jamais de contre-plongée sur le patron. J’aurais pu le montrer sous un jour très maléfique, mais je me suis abstenu. On ne le voit quasiment jamais d’ailleurs, car le vrai pouvoir reste invisible. Comme dans Rêve d’usine, nous sommes confrontés à des hommes de paille, le plus souvent ignorants des ficelles de leur propre métier. Les véritables décideurs sont ailleurs. Quand l’inspecteur du travail intervient, il rencontre un personnage qui ne connaît aucune subtilité juridique.
Quand j’y pense, je me dis que j’aurais d’ailleurs presque pu faire un travail plus long dans les silences, les moments d’attente. Au début, je pensais que c’était un film simple à monter, chronologique. Ça s’est avéré beaucoup plus complexe. Avec la traduction exacte et précise (je n’avais que de simples comptes-rendus pendant le tournage), on découvre des décalages, des complexités entre ce qu’on attend et ce qui se passe réellement. Il apparaît des différences, des subtilités quand on observe l’intégralité des propos tenus.
Montrer que les syndicalistes peuvent se tromper est aussi une manière de conserver mon indépendance. Je ne raconte pas tout non plus, et ne donne pas d’explications. Je suis très attaché à la liberté d’interpréter le film. Je suis très heureux quand trois spectateurs côte à côte dans la salle ne pensent pas la même chose du film.
Le documentaire a été écrit au montage, finalement. Il n’y avait rien d’écrit avant, aucune préparation ?
Aucun texte préétabli. J’avais écrit pour Rêve d’usine, j’avais même repéré, mais ce n’était pas possible dans cette situtation. Je filme régulièrement des conflits sociaux, sans pour autant monter des documentaires ensuite. J’avais par exemple suivi une autre lutte dans une grosse entreprise de nettoyage d’Argenteuil. Le résultat était intéressant pour constituer des archives, mais il n’y avait pas de film. Il n’y avait pas cette longueur présente dans On est là !, ce temps au travail. Ni la même complexité.
Le fait de filmer l’écoutant plutôt que celui qui parle, c’est un choix esthétique, une contrainte technique, ou les deux à la fois ?
C’est un peu les deux à la fois. Ce type de plans m’intéresse toujours. Je pense qu’au cinéma, celui qui écoute est tout aussi intéressant que celui qui parle. Techniquement, j’étais seul, ne disposant que d’un micro additif fixé sur la caméra. Je suis donc contraint de rester près de celui qui parle, même s’il n’est pas à l’image. J’essaie toujours de me rapprocher de celui qui parle pour fixer celui qui écoute. C’est une gymnastique assez complexe.
En vous rapprochant de celui qui parle, vous adoptez aussi sa position… Mais ce qui est frappant, c’est qu’on a vraiment l’impression que vous vous confrontez à un collectif, à un bloc…
Exactement. Et nous ne voulions pas non plus couper une partie des intrigues pour faire un film plus court, ou plus dynamique. Nous tenions absolument à inscrire l’ensemble du déroulement du confit dans le film ; ce qui implique de travailler sur le temps et de porter une attention particulière aux dialogues, aux échanges. Nous ne voulions pas non plus faire un film obligatoirement positif – même si finalement des personnages apparaissent plus positifs que d’autres. Je filme un collectif, je ne distingue pas des individus. Je représente quelque chose de groupé, de commun. C’est ce qui est beau à voir et à filmer : ces échanges entre les salariés dans différentes langues, comme une espèce de palabre. D’ailleurs, la présence de plusieurs langues oblige un moment de réflexion pendant l’échange. On apprend beaucoup de ce point de vue. J’ajoute il n’y a pas eu de querelles entre eux, pas de disputes… C’est rare dans les conflits sociaux, et c’est remarquable.
Si rien n’est écrit en amont, on en déduit que ce film s’est construit sans l’aide du CNC ? Comment avez-vous produit ce documentaire ?
Le CNC n’a pas mis un centime avant le tournage. C’est un film quasiment autoproduit. J’ai mis à la disposition de la production mon propre banc de montage. Nous avons essentiellement payé les personnes qui sont intervenues sur la post-production.
On espérait l’avance sur recettes… mais nous ne l’avons pas obtenue. Pourquoi ? J’ai entendu dire que nous ne rentrions pas assez rapidement dans le sujet, ce qui m’a très étonné : il n’y a justement pas de « sujet » de mon point de vue, ou en tout cas, ce n’est pas ce qui est intéressant dans ce film. On ne cherche pas à cerner un sujet, on découvre des choses. C’est ce qui me plaît dans cette démarche. Certains appellent cela le « cinéma direct », mais je n’aime pas trop ce terme car il laisse penser qu’il s’agit de « cinéma brut ».
J’en profite pour formuler une critique, qui ne vaut pas uniquement pour le CNC : il y a comme un cinéma du consensus qui émerge et qui domine, et je n’y rentre évidemment pas. Je sais comment faire, je pourrais très bien insérer de la musique, des tromblons et des violons dans mes documentaires, mais cela ne m’intéresse pas. Nous sommes en plein accord sur ce point avec Claire Atherton. Nous essayons de garder ce qui est le plus beau dans le mouvement de la lutte et du film.
Nous avons tout de même bénéficié d’une aide du CNC pour la diffusion. 10.000 euros, ce qui est peu après 4 mois de montage et 39 jours de tournage. C’est pourtant le type de film qu’il faut accompagner en salles… Le producteur (Zeugma Films) est d’ailleurs très courageux puisqu’il distribue aussi le documentaire. C’est un volontarisme assez rare.
Je pensais que ce film devait vraiment bénéficier d’une sortie en salles, mais je n’ai jamais fait un film avec aussi peu d’argent. Même Rêve d’usine a bénéficié de davantage d’argent pour la production.
Cela dit, je n’arrive pas à m’ôter de l’idée qu’il est un peu scandaleux que nous n’ayions pas bénéficié d’aides pour On est là !. J’ai vraiment l’impression que nous nous inscrivons dans une époque très consensuelle. Il sort chaque semaine de nombreux films « moyens ». Il y a certes un problème sur le nombre de films à l’affiche tous les mercredis, mais beaucoup sortent avec beaucoup d’argent. Je pense que les œuvres plus courageuses ne sont vraiment pas aidées – et je ne parle pas spécialement pour moi.
Pour revenir à la question, accompagner ce type de film est une nécessité – et c’est devenu une habitude. Nous comptons aussi beaucoup sur les réseaux en marge du cinéma commercial qui s’intéressent et appuient ce type de film. Je ne parle pas spécialement des réseaux militants politiques. D’ailleurs, je participe avec beaucoup d’intérêt aux débats quand nous parlons précisément de cinéma. S’il s’agit de discuter du thème du film, d’autres personnes plus qualifiées peuvent se substituer à moi, notamment à RESF. Il m’arrive bien sûr de parler des deux aspects de ma démarche…
J’ai par exemple accompagné une avant-première à Montpellier. Il y avait des militants, mais aussi des habitués de ce cinéma (le Diagonal). Finalement, de nombreux spectateurs ont été étonnés de se voir confrontés à ce type de film. Ils se disent souvent à tord documentaire = reportage = information.
Ce film aurait aussi pu bénéficier d’une distribution « alternative », mais la sortie en salles reste essentielle ?
Ce film pourrait avoir une histoire en DVD plus tard, mais ce qui m’intéresse, c’est le rapport que je peux avoir avec les spectateurs. J’inclus d’ailleurs la télévision dans cette réflexion. J’ai fait quelques films avec Arte ou France 3, mais la rencontre physique, visuelle, est irremplaçable. Les films sont vus par davantage de téléspectateurs sur le petit écran, mais il me manque personnellement le contact avec les gens. Je m’inscris clairement dans un rapport artisanal au cinéma. Il existe d’ailleurs une vraie demande sur ce terrain.
Alors bien sûr, l’idée de la cinquantième projection peut paraître lassante, mais cela reste une formidable expérience. Je ne refuse jamais les invitations. De la même manière, je ne fais jamais faux bond à une petite salle quand un lieu plus important me sollicite. Nous devons beaucoup au milieu associatif. Regardez le succès des films de Stefano Savona. Ce sont les petits réseaux qui ont fait les entrées. Les grandes affiches ne lui ont servi à rien.
On est là ! a été vu en festivals ?
Je crois qu’il a été refusé à Lussas l’an dernier. Je n’ai d’ailleurs jamais eu de film en sélection aux états généraux du film documentaire, ni au Cinéma du Réel, et ce n’est que mon premier film qui a été diffusé au FID (Le rêve usurpé, diffusé ensuite sur Arte). A Poitiers, On est là ! sort en salles, et le festival Filmer le travail avait demandé Etat d’élue.
Finalement, par son mode de production et par sa forme, On est là ! constitue un geste politique ?
Oui, c’est un acte politique. Un acte de militant politique, et un acte cinématographiquement politique. C’est ce qui me paraît intéressant. Les films « coups de poing », par exemple, ne sont pas très difficiles à fabriquer. Je n’aurais même pas besoin d’un monteur pour réaliser ce type d’objets. Il n’y a pas plus simple (et plus simpliste). Ce qui m’intéresse, c’est de travailler la complexité sur le plan artistique. Claire Atherton m’y aide beaucoup depuis Rêve d’usine et Dieu nous a pas fait naître avec des papiers.
Quelle relation cultivez-vous justement avec votre monteuse ? En quoi nourrit-elle votre réflexion, et le film ?
Difficile de répondre à cette question ! Je pense que cela se situe dans la rigueur de nos échanges sur le plan artistique. Nous regardons plusieurs fois toutes les images, nous communiquons beaucoup sur tous les plans. Claire Atherton travaille de la même manière avec Chantal Akerman, je crois. C’est vraiment la co-auteure du film.
Aussi, nous ne faisons jamais d’ours ou de chemin de fer – je ne comprends d’ailleurs toujours pas le sens de ces termes. Nous commençons par un début, et nous avançons petit à petit. Nous revenons en arrière, puis progressons à nouveau. Nous prenons le temps, surtout, de regarder les images. Nous travaillons sur le temps, y compris dans notre pratique du montage. On ne dit jamais « ça fonctionne » car il n’y a rien de mécanique dans notre appréhension du documentaire.
A mesure que nous avançons, nous éliminons des plans, des séquences, et nous parvenons petit à petit à tisser une dramaturgie. Je pense que le film s’impose dans ce travail sur la durée, en fonction bien sûr de nos propres quêtes esthétiques. Nous doutons, nous nous remettons en question.
Le monteur aide aussi à faire le deuil de certains plans auxquels je suis très attaché. Par exemple, dans On est là !, il y a des scènes de prières collectives que nous avons retirées. C’était beau, impressionnant – un ethnologue aurait été ravi, mais je sentais qu’on flirtait avec le folklore. Il ne fallait pas isoler ce moment, mais l’inclure dans le mouvement du film et de la réalité qu’il reflète. Ce n’est pas parce qu’un plan est beau qu’il rentre automatiquement dans un film. C’est le récit et l’esthétique générale qui commandent. Je ne veux pas faire d’exotisme – bien que cela plaise dans d’autres films qui ont beaucoup de succès, et qui sont même primés. Je ne cherche pas à sortir du quotidien du conflit par ce type de tape à l’œil.
On en parle en filigrane depuis le début de cet entretien, mais on a envie de reposer cette question : qu’est-ce que On est là ! doit à Rêve d’usine ? Qu’est-ce qui circule entre ces deux films ?
Il y a surtout le travail sur le temps. Rêve d’usine est d’ailleurs mon premier film « personnel ». Mes précédentes réalisations peuvent paraître plus intimes, mais elles ne le sont pas. J’ai vraiment commencé à affirmer ma personnalité au cinéma avec Rêve d’usine, notamment en travaillant sur la durée (y compris à l’intérieur des plans). Je m’aperçois d’ailleurs que nous montons de plus en plus les plans que j’ai tournés jusqu’à épuisement. C’est-à-dire que nous conservons chaque morceau de réel dans sa durée propre, jusqu’au terme de son énergie ou de son unité esthétique. Je m’en rends compte après coup : nous allons souvent jusqu’à un mauvais mouvement de caméra, jusqu’au bout du possible. Ce phénomène, que je travaille avec Claire Atherton, remonte à Rêve d’usine.
Ensuite bien sûr, ces deux films s’enracinent dans le milieu ouvrier. C’est très important pour moi, d’autant plus aujourd’hui d’ailleurs. Le traitement de l’immigration a été particulièrement inique ces dernières années. Or, je considère toujours qu’on n’a pas davantage de droits qu’un autre pour la seule raison d’être né ici, et lui là-bas. Ne soyons pas dupes : les immigrés s’arrachent de leurs pays pour venir dans le nôtre. Finalement, ce sont certains patrons voyous qu’il faudrait mettre en prison, plutôt que les sans papiers en centre de rétention.
Les deux films campent aussi des héros ordinaires, invisibles dans les médias. Certains personnages de On est là ! ont fait des études, et ce qu’ils racontent, ce qu’ils expriment prouve l’étendue de leurs richesses culturelles et intellectuelles. Or, ils sont sous-payés à exercer des « petits » métiers.
Pour Rêve d’usine, un journaliste m’avait dit : « ils sont super vos ouvriers ! ». J’ai été obligé de lui répondre que ce n’étaient pas mes ouvriers, et qu’il saurait qu’ils étaient super s’il prenait le temps d’aller à leur rencontre, et de les écouter. Diffuser trois paroles ou trois pleurs à la sortie d’une usine ne suffira jamais pour comprendre. Dans Rêve d’usine d’ailleurs, je n’ai pas monté un plan qui montrait sept femmes en train de pleurer. Ça ne m’intéresse pas.
Dans les deux cas, j’espère simplement que les spectateurs apprécieront mon travail, mais il faut d’abord qu’ils entrent dans la salle, et ça ne dépend pas que de nous. Il reste un énorme travail à faire sur l’art et la culture en France. La situation est dramatique, et je ne suis pas très optimiste. Je ne sais pas combien de temps durera la résistance…
Propos recueillis par Cédric Mal
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