Mise à jour le 29 septembre 2011
10 jours après l’alarme lancée par le Festival « Punto de Vista » que le Blog documentaire relayait, et alors que plus de 5 500 personnes ont signé en ligne l’appel pour soutenir la manifestation, une « solution » a été trouvée, nous annonce le festival menacé.
Une solution qui n’est pas idéale, mais qui constitue tout de même un « moindre mal ». « Punto de Vista » sera désormais une biennale du documentaire. Prochain rendez-vous en 2013, du 19 au 24 février.
Ce mercredi 28 septembre, le gouvernement régional a en effet confirmé son retrait financier de la manifestation. L’édition 2012 est donc bel et bien annulée, mais le Festival prévoit d’ores et déjà une programmation dédiée au cinéma de « non fiction » qui se déroulera du 20 au 26 février 2012 à la Filmothèque de Navarre. Un moindre mal, disions-nous…
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C’est une bouteille à la mer que lance le Festival de cinéma documentaire « Punto de Vista » de Pampelune, en Espagne. Un cri d’alarme en même temps qu’un appel à l’aide émis par le directeur artistique de la manifestation, Josetxo Cerdán, qui dans une lettre ouverte explique que la 8e édition du festival risque fort de ne pas avoir lieu.
En cause : les coupes budgétaires opérées dans la culture par le gouvernement de la région de Navarre, nous indique El Pais. Le quotidien espagnol explique que 8 % de dépenses publiques en moins menacent directement le festival au budget modeste (300.000 euros ; soit trois fois moins que d’autres rendez-vous de ce type en Espagne). « Nous avons essayé d’offrir d’autres alternatives, explique Josetxo Cerdán, faire du festival un rendez-vous bi-annuel; célébrer au moins l’édition 2012 qui était quasiment prête. Mais rien, on m’a indiqué jeudi par téléphone que c’était la fin ».
La décision politique n’est pas tout à fait officielle (elle pourrait le devenir mercredi 28 septembre), mais les responsables du festival ne se font plus guère d’illusion sur la tenue de la manifestation qui doit théoriquement se dérouler du 21 au 26 février 2012. Et la pilule est d’autant plus dure à avaler que cette 8e édition était quasiment prête : plus de 500 films avaient été reçus, 90 % de la programmation était arrêtée. C’est 4 mois de travail réalisé par une équipe très mobilisée qui pourrait ainsi s’écrouler – un substantiel gâchis d’argent à l’heure où il semble se raréfier dans la culture espagnole.
Josetxo Cerdán défend dans sa lettre ouverte un festival « non élitiste, mais assurément intelligent » tout en soulignant ses apports pour l’économie locale et sa grandissante renommée à l’étranger. Nos confrères de Blogs&Docs ajoutent que « Punto de Vista » a attiré plus de 6 000 spectateurs, près de 200 journalistes et 80 professionnels en 2011.
L’affaire présente évidemment une dimension politique, et polémique. D’une part, car il s’agit (encore) de faire payer à la culture les errances des banques et les conséquences d’un trop fort endettement public. D’autre part, car le parti au pouvoir en Navarre (l’UPN, l’Union du Peuple de Navarre) avait promis, lors de la dernière campagne électorale, d’accroître les moyens de ce « programme de référence » que constituait alors à leurs yeux « Punto de Vista ».
Blogs&Docs relaie sur son site les prises de position de nombreux professionnels du cinéma (espagnols et étrangers). La cinéaste américaine Barbara Hammer, par exemple, parle d’un « coup terrible pour les artistes et pour le public ». Le réalisateur philippin Raya Martin explique de son côté : « C’est une atrocité de tailler un si bel arbre ». Le FID Marseille et son délégué général Jean-Pierre Rehm soutiennent également « Punto de Vista ».
L’élan de solidarité s’étend jusqu’au Mexique où la Cinémathèque de la ville de Mexico a d’ores et déjà proposé d’accueillir tout ou partie de la 8e édition du Festival « Punto de Vista ». C’est ce que rapporte El Diario de Navarra.
En attendant, la mobilisation s’accélère sur Facebook et sur Twitter (#apoyoapuntodevista). Une pétition est également disponible en ligne.
Ci-dessous, la traduction française de l’appel en question…
En réponse à la triste nouvelle concernant l’imminente suspension du Festival du cinéma documentaire « Punta de Vista » de Pampelune, rendue publique le 19 septembre 2011, nous, réalisateurs/trices, programmateurs/trices, critiques et institutions cinématographiques souhaitons manifester notre soutien inconditionnel aux équipes qui, durant sept ans, ont fait de ce festival un espace de référence au sein du paysage cinématographique espagnol et mondial.
« Punto de Vista » est, pour celles et ceux qui envisagent le cinéma comme une valeur culturelle nécessaire et comme un mode de vie, un lieu unique de rencontre, d’échange et d’apprentissage. Pas seulement du cinéma, mais également de la vie. Nous sommes conscients de nous trouver dans un moment convulsif de changements, en pleine crise économique. Mais c’est précisément pour cela qu’une initiative comme « Punto de Vista » est aujourd’hui plus nécessaire que jamais. En voici quelques unes des raisons:
1. Ce festival prend un soin impeccable et exceptionnel de sa programmation, du public, des cinéastes, des films et des propositions qui, autrement, ne trouveraient pas leur place dans notre pays.
2. Il soutient toute une génération de réalisateurs/trices qui ont trouvé dans le festival un point de référence et une plate-forme pour présenter leurs travaux.
3. Il contribue à forger la sensibilité et le regard critique de ses spectateurs, revitalisant la citoyenneté et promouvant un certain sens de l’engagement.
Pour toutes ces raisons, nous revendiquons plus que jamais la valeur de « Punto de Vista » comme point de rencontre vital et nécessaire. Nous demandons aux autorités dont dépend le festival de réfléchir sérieusement à leur responsabilité vis-à-vis de la culture et de la citoyenneté pour lesquelles elles travaillent. Nous sommes convaincus que la signification profonde de ce projet n’a pas été prise en compte et attendons un changement d’attitude qui rectifie cette décision.
Nous commençons dès à présent à recueillir des signatures en soutien au Festival. Merci à vous pour votre contribution. Nous sommes de tout cœur aux côtés de l’équipe du Festival « Punto de Vista ».
C. M.
Les précisions du Blog documentaire
1. Vous pouvez retrouver sur Indieroom.net le palmarès complet de la dernière édition du festival « Punto de Vista » qui avait consacré Foreign Parts, deVerena Paravel et J.P. Sniadecki.
2. Foreign Parts est une plongée dans une zone industrielle du Queens, à New York. Un lieu voué à la démolition, mais où la vie des dépôts de voitures et des petits revendeurs perdure. Le quartier fourmille de personnages vifs et inventifs qui luttent contre leur expulsion programmée. Voyez cet extrait (d’autres sont disponibles sur Viméo) :