Pour le 35ème anniversaire de l’événement, Le Blog documentaire a remis les pieds au Sunny Side of the Doc de La Rochelle, qui poursuit son travail d’exploration et d’accompagnement des tendances émergentes de la création documentaire. Avec le travail de Max Laulom, réalisateur de documentaires sur les réseaux sociaux, la campagne des législatives a fait irruption au sein de ce grand marché du documentaire.

Il n’est pas rare que l’actualité politique percute celle du documentaire. Le line up d’ARTE, jeudi 27 juin, pendant le Sunny Side of the Doc 2024, a été l’un des grands moments du genre, lorsque que Bruno Patino, président d’une chaîne “binationale”, a en substance promis que, en ces temps troublés, ses équipes n’entendaient pas dévier de leur orientation éditoriale. Un autre télescopage s’était cependant produit un peu plus tôt, lors d’une table-ronde consacrée au documentaire sur les réseaux sociaux. 

La discussion était déjà bien engagée entre les producteurs de Galaxie et le jeune réalisateur Max Laulom lorsque celui-ci a dégainé son projet du moment. Lorsque le président Emmanuel Macron a annoncé son intention de dissoudre l’assemblée, Max Laulom a interrompu tous ses projets en cours pour répondre à l’urgence. En l’espace de quelques jours, il a invité quatre jeunes de moins de 26 ans au sein d’un groupe WhatsApp, en leur proposant de commenter au jour le jour la campagne des législatives. Il a ensuite monté ces messages vocaux dans une série de vidéos qu’il poste sur son compte TikTok (@maxlaulom). Publié depuis le 13 juin, Quatre jeunes qui votent différemment confronte ainsi les paroles d’Athénaïs (électrice Nouveau Front Populaire), Celtina (électrice RN), Damien (vote blanc) et Henri (électeur de centre droit, indécis). Ils livrent dans la cordialité leurs états d’âmes, espoirs et enthousiasmes, doutes et rejets. La série comporte déjà dix épisodes, bénéficiant d’une audience appréciable (entre 2000 et 20 000 like par post).

A l’écoute de ces paroles brutes et contrastées, on ne peut que songer au petit miracle accompli par Max Laulom. Au cœur des réseaux sociaux, ces plateformes régulièrement mises en cause pour leur impact sur la fragmentation du débat public en une série de bulles d’opinion étanches, le réalisateur a niché une espace de conversation et de confrontation des points de vue, aux antipodes de la polarisation et de la culture du clash. 

 

Max Laulom était invité au Sunny Side pour montrer ses réalisations autoproduites – dont un travail sur la jeunesse ukrainienne en temps de guerre (Kiev est une fête). Un documentaire remarqué (15 000 vues en deux mois) qui lui a valu quelques attentions dans la presse. Il partageait la parole avec les producteurs de Galaxie, Eric Quintin et Paolo Sense, venus présenter Le grand procès (Galaxie / Arte), un travail consacré à « V13 », le procès des attentats du 13 novembre.

Voulant monter un documentaire qui saurait amener le jeune public à s’intéresser aux enjeux de cette procédure historique, les producteurs ont repéré les posts de Bahareh Akrami, une jeune partie civile, qui publiait des dessins sur Instagram pendant les audiences. Ils lui ont proposé de raconter le procès de son point de vue et avec ses images. Réalisé par Camille Duvelleroy (déjà derrière Eté, Biggerthanfiction / Arte et Panama All Brown, Bachibouzouk / Arte), Le grand procès sera bientôt une série documentaire à suivre sur Instagram.  

Les diffuseurs historiques scrutent les réseaux sociaux 

Cela fait plusieurs années que les grands médias investissent les réseaux sociaux, en quête d’une visibilité auprès des plus jeunes ; un public qui, comme on le sait, se détourne des antennes hertziennes et accède à la presse écrite à partir des contenus partagés sur les réseaux. Du côté de la production audiovisuelle, ARTE est l’un des diffuseurs les plus actifs dans ce domaine. Nombre de séries, documentaires ou fiction, sont pensées en premier lieu pour une diffusion sur ses chaînes YouTube, Instagram ou Tic toc. Le grand procès en est une nouvelle illustration. La chaîne mène par ailleurs un véritable travail de “scouting” pour repérer les réalisateurs qui s’expriment déjà sur les réseaux, en dehors de tout soutien institutionnel. 

De ce point de vue, la table-ronde “Comment le documentaire social existe sur les réseaux sociaux ?” donnait à voir, en quelque sorte, la structure atomique de cette production pour les plateformes sociales. D’un côté, de frêles électrons libres comme Max Laulom, dotés d’une agilité et d’une puissance d’impact remarquables ; de l’autre, le noyau de la production audiovisuelle classique, exerçant, de par sa masse, une puissance d’attraction sur les premiers. En marge de la table-ronde, Max Laulom disait craindre de se glisser dans le moule télévisuel, lui qui met en évidence toute la fragilité et les ratés de ses tournages, manière d’entretenir la proximité avec son audience. Sa prestation au Sunny Side, captivante, lui a valu des marques d’intérêt appuyées de la part de producteurs. A suivre, donc… 

Xavier de la Vega

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