Le documentaire est particulièrement en fête cette semaine. Après la sortie de « Dernières nouvelles du Cosmos » de Julie Bertuccelli, de « Graine de champion » ou encore de « La sociale », ARTE diffuse un film inédit de Stan Neumann, qui se déguste comme un bonbon. « 120 ans d’inventions au cinéma » retrace l’histoire des boîtes Edison, des Scopitone et autres procédés Odarama comme de l’invention du gros plan ou du travelling. Un documentaire de télévision de facture classique qui réenchante l’imaginaire du cinéma, concentré d’inventions artistiques et d’innovations technologiques. A voir sur ARTE +7 jusqu’au 16 novembre 2016.
C’est un petit film par l’ambition cinématographique mais qui ouvre grand les portes de l’imaginaire. En 52 minutes, 120 ans d’inventions au cinéma bâtit un récit passionnant des expérimentations techniques menées au nom du cinéma, rendant au Septième Art la fragilité de son apparition. Beaucoup de cinéphiles retrouveront dans la chronologie studieuse de Stan Neumann les référents incontournables du cinéma, comme l’invention du montage chez Méliès ou la boîte pensée par Edison qui imagine le cinéma comme une expérience de visionnage individuel alors que les frères Lumière envisagent un dispositif 3 en 1 qui permettra de filmer, développer et projeter à partir du même outil. Mais avec le concours du conservateur de la Cinémathèque, d’autres premières fois moins évidentes viennent jalonner cette histoire technique du cinéma, jamais distincte de l’histoire de la narration. Curieuse est ainsi l’apparition de l’un des premiers gros plans jamais tournés au cinéma, que le réalisateur Edwin Porter ne sait pas encore trop où mettre dans la linéarité du récit de son film, Le vol du grand rapide. Ou Cabiria, ce film italien de Giovanni Pastrone (1913) dans lequel le réalisateur pense à faire bouger sa caméra au cœur de l’action, sans que ce mouvement ne soit nécessaire au regard du déplacement des comédiens – ou l’invention d’un outillage technique de la caméra, le travelling, soulignant par là même l’expression d’un regard distancié sur l’action. Ou encore La chatte des montagnes, un des films de jeunesse d’Ernst Lubitsch réalisé en 1921 qui essaie, avec des masques sur l’image, de penser le cadre de l’écran non comme une fenêtre mais comme un élément de la narration.
Ce sont de ces changements, qui ne sont pas tant des innovations que des contournements à des formes de doxa cinématographique, qui ont fait évoluer le genre. Incroyable est ainsi l’archive montrant comment les studios d’Hollywood, au mitan des années 1930, publient une notice sur la « bonne » manière d’éclairer des visages. De la règle des trois sources de lumière sur le visage permettant de dégager l’acteur du fond, Orson Wells en déconstruira les conventions en laissant volontairement le personnage de Citizen Kane en contre-jour. On réalise aussi combien le plan-séquence, popularisé à cette époque, était tout sauf une coquetterie : il permettait au réalisateur de s’affranchir du final cut du producteur en abolissant le montage…
Il y a bien sûr dans cette forme académique du récit quelque chose d’une leçon un peu trop sage de cinéma : on pense parfois à la narration, autant savante que personnelle, qu’aurait pu tresser un Chris Marker sur ce genre de film de commande. 120 ans d’inventions au cinéma satisfait donc un attrait pour la connaissance davantage qu’une émotion cinématographique… dommage pour un film sur le cinéma ! Le temps passe cependant trop vite pour bouder son plaisir sincère. Peu avare en exemples, le récit aborde aussi les inventions bientôt incontournables – le son, réclamé après un premier film à succès, Le chanteur de jazz, sorti en 1927 – ou la grue, qu’Hollywood adopte en 1929 sur ses tournages. A l’inverse, le cimetière des bonnes idées du cinéma est copieusement rempli, de l’invention trop précoce de la couleur en 1912 (longtemps perçue, de manière cocasse, comme plus frivole et moins réaliste que le noir et blanc par les réalisateurs « sérieux ») au Scopitone, sorte de jukebox de films en pellicule en passant par l’Odorama ou le relief, « révolution » régulièrement annoncée et toujours avortée. Le film se referme d’ailleurs sur une réflexion autour de cette autre révolution, véritable celle-ci, celle de l’image numérique non plus captée mais entièrement recréée par ordinateur. Dans ce « cinéma qui n’a pas encore de nom », où l’on n’est plus devant l’image mais dedans, on reconnaît sans peine les dernières modes de la réalité virtuelle. Mais comme le dit Stan Neumann, c’est sûrement une autre histoire que celle du cinéma qui débute sous nos yeux chaussés d’un casque…
Je n’ai pas l’habitude de réagir aux critiques de mes films. Mais quand même ! Quand je lis « on peut rêver à la narration…qu’aurait pu tresser un Chris Marker » je me dis qu’on peut également rêver à des critiques qui sauraient écrire aussi bien que lui (ce « tresser » est bien curieux. C’est panier ou natte?) et penser un peu au lieu de se contenter de paraphraser les contenus du film (jusqu’à la référence à Marker qui vient de ce que je choisis de raconter)
L’art est l’ensemble des productions humaine qui aide à transformer le rapport d’immédiateté que nous avons à la réalité en tant qu’etre naturel.
Si l’homme est considéré comme un « homo faber », un être de travail et si la technique constitue un moyen clé de son rapport au monde; avec la création artistique s’ouvre la dimension non plus de l’utile mais bien celle du jeu, de la liberté créatrice, de l’imagination et de l’affectivité.
Un tres beau documentaire, enfin un film sur l’histoire technique du cinéma à l’occasion de l’expo de la cinemathèque : machine cinéma.
Il n’existait presque rien à voir sur l’histoire technique des appareils cinéma, cameras, projecteurs. Depuis 120 ans à part quelques docus trop confidentiels de J.D. Lajoux et R.G. Sanson 1923 invisibles
il faudrait une edition dvd ou arte video on demande
dommage pas trop evoqué nos mécaniciens de génie Français Mery ; Continsouza ; Debrie ; et encore vivant le constructeur des fabuleuses AAton JB Beauviala qui a tenu le haut du pavé, avec une vingtaine de collaborateurs passionnés, aux géants allemand Arri et americain Panavision.
Les plus belles et perfectionnées caméras au monde furent françaises depuis 1 siècle : Pathe Continsouza; Eclair ; Debrie et le génial visionnaire AATON : JP Beauviala de Grenoble
avec le meilleur enregisteur de son multipiste au monde le Cantar aaton.
Idem pour Angénieux
Tous ces inventeurs opiniâtres ingénieurs français sont presque oubliés injustement et très peu documentés.
Bravo pour ce docu unique ou presque à compléter…