Le Blog documentaire vous souhaite tout d’abord une excellente nouvelle année ! Que celle-ci puisse vous apporter le meilleur. De notre côté, nous ferons tout pour vous offrir ici le maximum de réjouissances (web)documentaires, avec de nombreuses surprises encore dans les mois qui viennent.

Et on commence donc 2014 en revenant sur l’appel à films documentaires courts lancé par l’unité documentaire de France 2, fin septembre 2013. L’enjeu du concours, pour rappel : une diffusion sur la chaîne publique dans la case « Infrarouge » dotée de 3.000 euros, ainsi qu’un Grand prix sous la forme d’un contrat d’aide à l’écriture d’un montant de 10.000 euros. Le résultat des courses était attendu ce 6 janvier 2014 (résultats ici). Et avant de vous révéler en exclusivité le thème du deuxième concours, voici une rapide revue des propositions soumises au vote du public…

Image 2La première édition d’« Infracourts » est d’abord un succès quantitatif. Les organisateurs ne s’en cachent pas : ils n’avaient guère idée de l’ampleur que l’opération allait prendre. Résultat : pas moins de 468 films reçus, dont 435 rentraient effectivement dans les critères du règlement.

Parmi ces propositions : des clips bricolés à la maison, des prouesses techniques dénuées de fond, des œuvres d’auteur en devenir… Toutes ont été soumises à des comités de pré-sélection qui en ont retenu 30, soumises ensuite au vote des internautes sur Dailymotion (et à la sagacité du jury). Il n’en reste aujourd’hui que 28 : deux vidéos ont été retirées ; soit parce qu’un personnage a finalement refusé de voir son image diffusée sur Internet, soit parce qu’un film avait manifestement été tourné avant le concours, et en dehors de ce contexte précis.

D’un point de vue qualitatif, la sélection de ces documentaires courts s’avère très diverse, comme s’en réjouissent les organisateurs. Les écritures mobilisées ne se ressemblent pas, et ne « collent » pas non plus aux canons usuels de l’esthétique télévisuelle – ce qui est plutôt une bonne nouvelle…

Notons tout de suite que la quasi totalité des propositions ont utilisé les 3 minutes 15 qui leur étaient imparties, à quelques secondes près. Aucune proposition en-deça de 2 minutes, par exemple… Reconnaissons aussi qu’il n’est pas évident de construire une narration en un temps si ramassé (c’est sans doute plus simple de bâtir un long-métrage documentaire), ce qui explique aussi sans doute en partie l’abondance des propositions sous forme de portraits.

Unité de lieu, de temps, et de personnage : l’équation est plus facile à résoudre ainsi. Mais cette apparente simplicité structurelle permet aussi de réaliser de réjouissants courts-métrages, comme La tente suspendue (Olivier Barthélémy) qui s’attache à un sans domicile fixe des plus loquaces. Cela étant, rares sont les films de ce type à présenter des failles, ou des aspérités à même de creuser un peu de place pour que s’immisce l’imaginaire du spectateur dans la représentation. Même si certaines propositions ménagent de petits suspens dans la narration (voir par exemple Comme sur des roulettes, de Sabrina Mondelice), d’autres tendent plutôt vers la « somme », voire l’exhaustivité.

Si l’on observe maintenant les thèmes des documentaires courts proposés au vote du public (rappelons qu’il fallait s’inspirer de la question « Qu’est-ce qu’on attend ? »), force est de constater que le handicap, le grand âge et la fin de vie reviennent très régulièrement. Avec plus ou moins de bonheur, mais très souvent sur un ton plutôt optimiste (voir par exemple le remarquable Transit, de Cyril Mossé).

Un autre trait saillant de cette sélection, c’est l’attention portée aux marges. Les laissés-pour-compte, les démunis, les illégaux absents des représentations audiovisuelles courantes restent l’une des marottes du documentaire (lire à cet égard les très éclairantes « questions documentées » de Gérard Mordillat). Retenons tout de même 52 km (Nicolas Djian) qui présente la particularité de saisir un migrant syrien au cours de son périple. Il y a donc un avant la prise de vue, que l’on imagine grâce à la bande sonore, et un après, un devenir pour ce personnage dont la vie est dans ce film comme « suspendue ».

Dans cette sélection, rares sont les documentaires courts à présenter de tels enjeux dramatiques. Dans un autre registre, Qu’est-ce qu’on attend un soir de première ? (Anne-Sophie Reinhardt, voir ci-dessus) se démarque en amorçant sa narration par un « élément perturbateur » : les plombs ont sauté, et la représentation théâtrale annoncée est ainsi menacée. Si le film est techniquement imparfait, il n’en demeure pas moins tendu par cet événement qui maintient l’intérêt tout au long des 3 minutes 15, le tout étant agrémenté par la présence d’une savoureuse comédienne…

Cette première édition du concours « Infracourts » a également accouché de deux gestes filmiques audacieux. Le premier, motivé par l’urgence de dire et de faire, suit une étudiante en cinéma au profil singulier. « J’ai choisi de faire des films pour montrer à tous ceux qui n’ont pas cru en moi qu’ils ont eu tort », écrit-elle dans A Coeur ouvert. Son regard, son sourire captivent, sans un mot. La jeune femme finit par « crier » : « Je veux qu’on m’écoute. Je ne peux plus attendre ». La forme est subtile, le discours est fort. A voir, ci-dessus.

Et puis, Entre elle et moi (Yann Belguet) propose un film dénué de dialogue. Des plans d’une femme assise, contemplative et mutique, se succèdent. On devine un fauteuil au bord d’un cadre, aucun autre élément explicatif. On ne sait ni qui elle est, ni ce qu’elle fait. La question de base du concours, « Qu’est-ce qu’on attend ? », est ainsi retournée, adressée au spectateur. Face à ces images et ces silences, celui-ci s’interroge sur ce que ce personnage attend, mais il est aussi et surtout subtilement invité à se pencher sur ses propres attentes. Le visage du personnage s’illumine quand celui que l’on devine être son frère entre dans le champ. Ils s’en iront ensuite tous les deux dans la profondeur de champ, nous laissant seuls face à nos émotions. A voir, ci-dessous.

Finalement, ce concours est aussi une belle opportunité pour tous les curieux d’apprécier les films documentaires courts qui resteront disponibles sur Dailymotion. Dans l’attente des résultats des suffrages du public et des décisions du jury le 6 janvier, il vous reste un week-end pour accorder votre vote à l’une des 28 vidéos proposées. Les 10 gagnants verront leur programme acheté 3.000 euros par France 2 pour une diffusion à l’antenne. Le premier film sera visible le 21 janvier 2014 ; les 9 autres suivront au rythme d’un documentaire par semaine, programmé au milieu de la case « Infrarouge ».

Last but not least : un deuxième concours est d’ores et déjà lancé ! Le thème ? « Les monstres ». Ce choix est sans doute moins « ouvert » que le précédent, mais il devrait permettre des prises de position (politiques ?) et l’affirmation de points de vue forts. Une nouvelle page dédiée au concours sera prochainement mise en ligne par France 2 pour les inscriptions. Le réglement du concours pourrait être amendé à la marge, et un nouveau jury devrait voir le jour… En attendant, à vos stylos, à vos caméras !

C. M.

Plus loin

-> A noter également, cet autre concours de courts-métrages, organisé par KissKissBankBank, MK2 et La Banque Postale, en partenariat avec Vodkaster. Le thème : « Il était une fois la révolution« . La durée : entre 30 secondes et 2 minutes. En jeu, notamment : 1.000 diffusions en salles, et un prix de 5.000 euros. Vous avez jusqu’au 31 mars 2014 pour vous inscrire… Bonne chance aux candidat(e)s !

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  1. La sélection est assez étrange, car il y avait de très beaux docus de création, sur la forme et le fond, avec un propos Qui questionne de manière subtile le spectateur sur la société, la vie, la politique au sens premier du terme. Du cinéma du réel, avec un point de vue, et ils n’ont pas été retenus (je ne parle pas de ma réalisation, mais d’autres films vus au hasard). Quasiment aucun film ne questionne librement. Le choix ne dépend-il pas de la chaîne qui ne diffuse malheureusement que trop peu de tels films ? (Paradoxalement au règlement qui semblait attendre cela).

  2. Pingback: Et le thème du deuxième concours ...

  3. je suis tout à fait d’accord avec votre commentaire Butterfly

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