C’était l’évenement phare du Mois du webdoc 2013, co-organisé par Le Blog documentaire… Un après-midi entier de découvertes et d’expérimentations autour de 7 webdocumentaires à la Gaité Lyrique, le 23 novembre dernier à Paris. Cette « déambulation » imaginée en partenariat avec Images en bibliothèques et en collaboration avec Courrier International a réuni jusqu’à 100 personnes. Compte-rendu.
Alors que certains profitent des ordinateurs en libre accès pour regarder un des webdocumentaires proposés (parmi eux No es una crisis, Sout el Shabab, L’Autre élection, Iranorama, Broken Hopes…), d’autres écoutent les intervenants venus présenter leurs productions. « Déambulation » : le terme n’aurait pas pu être mieux trouvé. A l’image de cet enfant qui s’amuse à courir entre les jambes du public et des participants, les gens passent, s’arrêtent, écoutent, s’en vont, reviennent. C’est dans cette ambiance à la fois studieuse et bruyante qu’Igal Kohen (producteur, réalisateur et fondateur de la société Piw !) et Wilfrid Estève (fondateur de la société de production Hans Lucas) ont soulevé des débats de fond sur la réalisation et la production de webdocumentaires. Tous d’eux s’accordent par exemple pour dire que le sujet prime sur les questions d’interactivité ou de format. Un webdocumentaire part avant tout d’une idée, bien (trop ?) souvent liée à une actualité politique, sociale ou économique.
La discussion dérive alors sur la question des pratiques. Les internautes sont-ils toujours prêts à interagir avec un contenu documentaire sur le web ? Ces nouveaux usages sont-ils répandus ou touchent-ils une niche de technophiles avertis ? Avec enthousiasme, Igal Kohen et Wilfrid Estève évoquent les nouvelles solutions technologiques (notamment HTML5) qui facilitent l’appréhension des « objets web », et ouvriront les contenus à des publics plus larges. Dans ce champ, les potentialités sont en effet immenses ; et on évoque alors le succès rencontré par le projet de David Dufresne, Fort McMoney, qui a dépassé le million de pages vues lors de la première phase du jeu qui s’est achevée le 20 décembre.
Elodie Polo-Ackermann, productrice chez Doc en Stock, présente ensuite Pékin sans transition. Une autre vision des rapports entre fond et forme se dessine… On apprend ainsi que la narration passé/présent s’est très vite imposée ; les photos d’inconnus récupérés dans les poubelles par un collectionneur offrant une vision nouvelle et intime des changements urbanistiques que Pékin a connu depuis 1985. A noter qu’il aura fallu un an et demi pour que ce voyage dans l’Histoire et la culture d’une ville en constante mutation voie le jour.
Puis, Nicolas Bole, en maître de cérémonie, soulève ce problème de sémantique : le terme « webdocumentaire » n’est-il pas trop restrictif par rapport aux créations narratives qui s’en revendiquent ? Le mot, en effet, est désormais courant, mais il tend à réduire le champs des possibles. Radio France et France Télévisions l’ont d’ailleurs bien compris puisqu’ils n’utilisent pas ce terme, mais « nouvelles écritures » ou « nouveaux médias » pour désigner les entités créées au sein des différents pôles de production pour le web.
Alors que le fils de 3 ans de la productrice de Pékin sans transition continue à déambuler entre les visiteurs, l’intérêt de l’assemblée se fait de plus en plus manifeste. Les langues se délient. Un jeune développeur se lève avec ferveur pour demander quels sont les liens entre les métiers techniques des développeurs et ceux, plus littéraires, des auteurs et des réalisateurs. C’est justement là tout l’intérêt de ce genre d’événement : mettre en relation les compétences des différents métiers qui interviennent dans la création web. Lieu d’échanges, de rencontres, peut-être de futures collaborations, la salle de projection devient alors un vaste espace pour « réseauter » et pour imaginer de futurs projets. Une étincelle apparaît alors dans les yeux d’Igal Kohen, qui en profite pour inviter tous les développeurs à s’approprier les problématiques des nouvelles écritures… et à venir rencontrer d’autres porteurs de projets intéressés par le webdocumentaire lors de ses fameux « apéros webdoc » (guettez la fin du mois de janvier pour le prochain !).
Il ajoute, toujours aussi enthousiaste, qu’un boulevard est libre pour toutes les audaces technologiques et les créations innovantes, que la porte est grande ouverte pour les développeurs dans ce milieu qui manque encore de regards « purement web ». Ce sont en effet souvent les mêmes directeurs artistiques qui travaillent sur les projets les plus remarqués. Certains commencent à affirmer leur « griffe », comme Sébastien Brothier chez Upian qui a notamment travaillé sur Prison Valley, Manipulations, l’expérience web ou Alma. Cependant, ces profils sont encore trop rares ; et c’est pourquoi chaque apéro, chaque projection, chaque débat peut donner aux différents talents une chance de se rencontrer, de se révéler, et de créer ensemble les futurs contenus interactifs de demain.
Sibel Ceylan
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