Encore un peu de sport sur Le Blog documentaire… avec un film qui, après une longue route en festival, arrive enfin sur vos écrans de télévision. « Ladies’ Turn », réalisé par Hélène Harder, plonge dans le milieu du football féminin au Sénégal en brossant le portrait d’une société riche, complexe et en pleine mutation. L’occasion, aussi, de braver tabous et préjugés. Le documentaire est diffusé sur ARTE ce 16 mai. Présentation par Vincent Gazaigne, membre du collectif Sport et Films.

ladies turn« Dans la vie comme sur le terrain, sois offensive et aies confiance en toi ». Ce conseil, on peut l’entendre souvent dans la bouche des entraîneurs de football du documentaire Ladies’ Turn, et il résume assez bien le message et l’énergie qu’inspire ce film réalisé par Hélène Harder, et qui sera diffusé le vendredi 16 mai à 15h30 sur ARTE.

Un mois après avoir diffusé un documentaire sur le Rwanda à travers l’angle du football (Rwanda, la surface de réparation), la chaîne franco-allemande nous donne ici une nouvelle occasion de découvrir une société en mouvement (le Sénégal) par le biais du sport, des valeurs égalitaires qu’il symbolise et donc des lignes qu’il fait bouger.


Ladies’ Turn est le nom d’une association qui organise un tournoi de football féminin, regroupant 19 équipes de tout le pays avec l’objectif de décloisonner cette pratique sportive. En effet, si le football joué par les hommes est très populaire au Sénégal, le foot féminin, apparu au milieu des années 70, s’est trop longtemps cantonné à l’anonymat des grands stades, loin de la campagne et des quartiers populaires où beaucoup de filles aimeraient imiter leurs grands frères. Ces derniers d’ailleurs ne comprennent pas toujours leurs sœurs quand elles expriment cette envie et certains voient même d’un mauvais œil une telle liberté. Car au-delà du partage et des émotions sportives recherchés par ces femmes, c’est bien leur émancipation d’un environnement patriarcal qu’elles provoquent et qui fait débat.

Photo de tournage
Photo de tournage

Les frères de Seyni, eux, n’ont pas semblé trop gênés à l’idée que leur sœur tape dans un ballon quand elle était toute jeune. Ils ont joué avec elle et surtout la surnommaient « Platoch’ » ou Platini, avant que tout son quartier ne s’y mette également. Malgré l’opposition de ses parents, Seyni a su faire honneur à ce surnom en devenant par la suite capitaine de l’équipe nationale. Elle organise aujourd’hui avec force et talent le tournoi Ladies’ Turn qui constitue la trame du film. L’équipe de prédilection de Seyni est l’équipe de Yoff, basée dans la banlieue de Dakar qui, avec celles de Saint Louis et de Koumbal (en campagne reculée), sont les trois équipes choisies par la réalisatrice pour nous faire vivre de l’intérieur ce tournoi, avec toutes les vicissitudes et les résistances que peuvent rencontrer ces femmes pour jouer au football. Ce qui est réussi dans ce film, c’est qu’il n’est pas caricatural dans ce qu’il veut montrer. Même quand elles doivent affronter les préjugés issus d’une culture machiste dominante, le film a l’intelligence de le montrer subtilement, par petites touches. On s’amusera du journaliste sportif qui émet de profonds doutes sur l’avenir du football féminin mais qui montre dans le même temps une curiosité non feinte, comme du ministre des Sports qui, même s’il coupe sans cesse la parole à nos joueuses, témoigne d’un vrai soutien à la cause.

Ladies' Turn
Ladies’ Turn

Ce film est un hymne à ces femmes, lumineuses comme les couleurs du monde dans lequel elles évoluent, joyeuses d’être ensemble ; il est aussi une expérience visuelle pour le téléspectateur car la réalisatrice n’oublie pas, derrière le combat de ces femmes, de nous monter le sport tel qu’il est, avec ses joies et ses déceptions, et de mettre en valeur la beauté de certains gestes sportifs là où d’autres films n’osent pas nous offrir ces parenthèses enchantées.

Depuis 2012, ce film, produit par la société Wendigo, fait le bonheur du public de nombreux festivals consacrés aux femmes et au sport, et y a remporté des prix.

Vincent Gazaigne

Plus loin

– « Rwanda, la surface de réparation », vu par ‘Sport & films’

Hélène Harder : « Au Sénégal, le foot féminin reste quelque chose d’incongru » (So Foot)

Le collectif « Sport et films«  :

Voir dans le sport une possible grille de lecture de notre monde, de son histoire et de ses mutations, c’est une des raisons d’exister du collectif Sport et Films, qui regroupe depuis 2012 des réalisateurs et des producteurs. Ce collectif souhaite promouvoir le documentaire sur le sport, ou, utilisant l’angle du sport, mettre en avant les enjeux qu’il convoque et le potentiel qu’il représente pour les années à venir. A l’heure où le sport est une dimension incontournable et grandissante de notre société, l’envisager dans un traitement documentaire et d’analyse nous semble une belle voie à défricher.

 

 

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