C’est une belle surprise qui vient de sortir des cartons de Cinétévé. « Emma » est une nouvelle de science-fiction poétique. Au centre de l’histoire, Elliot, face à un dilemme : rejoindre, ou non, Emma. Des doutes qu’il expose un soir à un inconnu. Que va-t-il décider ? Cette expérience narrative immersive s’inspire des « visual novels » japonais, et se déroule au rythme de l’utilisateur.

C’est l’histoire d’une rencontre, un moment suspendu au milieu de nulle part. Un abribus dans la nuit, sous la pluie. Deux personnages sous un néon capricieux.

C’est un point de bascule, un embranchement dans la vie d’Elliot… mais le spectateur n’a rien à décider pour lui. L’interactivité dans Emma repose simplement sur la vitesse de lecture. C’est vous qui faites avancer l’histoire sous la pression de votre doigt. A vous de décider : contempler les images très cinématographiques qui composent le récit, ou suivre de manière plus frénétique l’enchaînement des dialogues – l’un n’excluant pas l’autre.

C’est un huis clos en plein air, une scène exiguë à partir de laquelle on se projette – ou pas – dans l’espace. Le temps semble figé, un téléphone crépite, ça s’agite dans le hors-champ. Elliot est attendu.

Capsule de bière.

Les bus passent, le dernier ne vas pas tarder.

« Renonce pas à tes rêves un soir de pluie. »

 

Emma a été pensé par ses concepteurs comme un « visual novel », un genre (interactif) entre le livre et le jeu vidéo qui fait fureur au Japon mais qui reste peu développé en France. Le projet initié par Frédéric Jamain et Nicolas Pelloille (Hiver Prod) a été coécrit avec Benjamin Charbit ; la musique originale (excellente !) composée par Gregoire Pastre. Avec cette problématique en tête : comment mêler un genre aussi spécifique que la science-fiction avec des histoires intimes ?

Les images ont été fabriquées grâce à la rotoscopie ; c’est-à-dire qu’on dessine sur des prises de vue réelles (réalisées ici sur fond vert). Le rendu, vous le constaterez, est « très cinématographique ». « La photographie reprend le dessus en termes de cadre », constate le producteur David Bigiaoui.

Le projet, qui n’a pas reçu d’aide du CNC ni ne bénéficie de l’appui d’un diffuseur, a été entièrement autofinancé par Cinétévé. Son budget s’élève à 40.000 euros. Une « économie de moyens » qui induit l’enthousiasme des créateurs, et qui permet aussi de publier des contenus un peu moins « lourds » à produire que des films interactifs.

Ce processus de fabrication fait inévitablement penser à celui de L’Infiltré de David Dufresne ; soit : un nouveau format créé avec l’énergie des convaincus, sans beaucoup de moyens… et la promesse que celui-ci puisse être dupliqué, en accueillant d’autres histoires. La difficulté se concentre alors sur la « mise en marché » des projets sans l’appui d’un diffuseur. Comment faire exister l’application sur les « stores » ? En l’espèce, Cinétévé Expérience a monté un partenariat avec Plug in Digital, un éditeur traditionnel de jeux vidéo. L’application coûte 99 centimes (« pas pour espérer un retour sur investissement, mais pour signifier que ‘ça vaut quelque chose' », précise David Bigiaoui) ; une version est également disponible sur Steam pour les PC.

Quoi qu’il en soit, après Phallaina ou Moi, j’attends, Emma est une bonne nouvelle pour l’avenir des récits graphiques pensés pour et avec internet…

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