Le mois de novembre est traditionnellement celui du documentaire, et de nombreux festivals viennent compléter la foisonnante offre du Mois du Doc. Deux manifestations quasiment simultanées vous invitent dans les salles pour apprécier de nombreux films, en compétition ou pas. Nous sommes fiers d’être partenaires de ces deux événements, les « Escales documentaires » à La Rochelle et les « Ecrans documentaires » à Arcueil. Présentation avec les éditos des deux festivals.

 

Un Festival pour prendre la route d’un autre monde possible !

Alors que cette année 2018 touche à sa fin, comment ne pas ouvrir ce festival sur cet évènement majeur que fut l’année 68, et avec un sujet ouvrant la réflexion sur la coexistence du travail manuel et intellectuel ou comment se construire une nouvelle vie. À l’heure où l’obscurantisme et le populisme se conjuguent au risque de formidables régressions sociales, le documentaire doit poursuivre cet objectif de laisser une grande liberté d’expression et de création aux artistes et aux acteurs culturels contre toute instrumentalisation politique ou religieuse et tout asservissement à une économie totalement marchande.

La démocratie culturelle à laquelle nous aspirons invite à un autre partage des savoirs et des imaginaires comme de la création, à de nouvelles conditions de rencontre et d’échange. Elle impose de combattre résolument les inégalités, ségrégations et inhibitions qui éloignent tant de monde de la vie artistique, notamment au sein des classes populaires. Pour atteindre cet objectif, il faut patiemment et avec constance agir sur plusieurs leviers. À l’heure des prochaines échéances électorales, l’Europe en est un. Nous devons voir la mondialisation culturelle comme une opportunité d’ouverture, non dans sa version libérale favorisant la standardisation et des échanges culturels déséquilibrés. Il nous faut mener combat pour l’exception et la diversité culturelle, pour doter l’Union européenne d’une authentique politique culturelle avec une France ouverte sur le monde.

À rebours des traités actuels, les principes de financements publics de la culture doivent devenir des axes fondamentaux de la construction européenne: il ne doit pas être possible de contester aux états leurs choix d’investissement et de soutien à la culture, de quelque manière que ce soit. Bien au contraire, nous devons attendre de l’Union européenne qu’elle se dote d’une politique culturelle proprement dite avec des budgets correspondants pour le développement d’outils publics de création, de diffusion et d’action artistique.

À l’heure où de trop nombreux gouvernements en Europe comme dans le Monde s’enferment dans des murs pour en faire une forteresse, nous prônons l’ouverture, la solidarité, la facilitation d’une véritable circulation des artistes et des œuvres afin de faire de la culture un axe majeur de la réorientation de la construction européenne. Notre travail en direction des lycéen-ne-s, comme des jeunes publics, a pour objectif de les aider à reprendre possession de leur culture, de la culture, et lutter contre la misère sociale et psychique, l’assignation identitaire, raciste et discriminatoire ambiante. Nous le savons, il n’y a pas d’émancipation de l’individu sans émancipation culturelle. Dimension transversale des rapports sociaux, la culture comme le féminisme, l’antiracisme ou l’écologie, nécessite la mobilisation de toutes et tous pour résister et construire un autre monde que celui glacé et égoïste que l’on veut nous imposer et qui baigne dans les eaux glauques de la Haine de l’autre.

Notre Festival veut participer à ce mouvement et proposer d’autres représentations du réel que ces produits destinés à formater les esprits.

Nous continuons à rechercher les moyens de poursuivre, dans cette banlieue qui est la nôtre, la reconquête des mots, des images et des récits qui nous aident à apprécier notre monde et le transcender. L’émergence dans les territoires de forts mouvements artistiques et culturels, dans lesquels des collectivités continuent à s’engager, donnent espoir et permettent d’organiser des résistances qui aboutissent parfois comme celles des intermittents du spectacle.

Oui, il faut «dégoogliser» le monde et nos consciences, sinon les GAFAM non seulement nous rançonneront, mais ils nous diront comment vivre. Alors oui, nous sommes heureux qu’un festival comme celui des Écrans documentaires permette à de tou(te)s jeunes réalisateurs et réalisatrices de présenter, au travers de leurs films sensibles et politiques, ce qui fait sens dans la cité, cette banlieue en pleine mutation qui se cherche face aux calculs froids des marchands. Nous nous laissons mener à la rencontre de ces habitants qui expriment leur révolte et leur liberté, ici et partout ailleurs dans le monde.

Cette programmation, au travers des films qui cheminent de pays en pays, d’Europe en Amérique latine, d’Afrique en Asie, est aussi une sorte de road-movie écologiste, à la découverte d’un Nouveau Monde, de Nouveaux Modernes, qui trouvent parfois ressource chez celles et ceux qui défendent leur terre ancestrale, tel le peuple Mapuche aux frontières du Chili et de l’Argentine. Ce Festival se veut un vrai bol d’air dans ce monde qui veut nous laisser croire qu’un autre possible n’est pas permis. Alors, il me reste à remercier celles et ceux qui ont permis ce voyage culturel comme celles et ceux qui ont choisi d’en faire parti. Son et Image est bien décidé à poursuivre cette route, et vous invite à nous rejoindre !

Fabien Cohen
Président de Son & Image

> Le programme des Ecrans documentaires 2018

> Notre interview avec Samuel Bigiaoui, réalisateur du film d’ouverture « 68, mon père et les clous »

Et si on discutait politique ?

On suit essentiellement la vie politique via les journaux télévisés ou les flash d’information. Mais le cinéma aussi, que ce soit documentaire ou fiction, s’intéresse depuis longtemps à cette matière très mouvante. Plusieurs angles d’attaque existent. Des films se concentrent par exemple sur les actes qui fondent une société ou la font évoluer. D’autres se tournent vers les citoyens, suivent et décryptent leurs engagements. Certains enfin préfèrent s’attarder sur les dirigeants, ces femmes et ces hommes qui construisent la politique.

C’est ce que firent notamment Richard Leacock et Robert Drew en 1960. Leur documentaire Primary, considéré comme fondateur dans l’histoire du cinéma direct, suit au quotidien la campagne présidentielle de John Fitzgerald Kennedy, et apporte un éclairage nouveau de la machine électorale américaine. Raymond Depardon s’y essaya aussi en 1974, dans les pas de Valéry Giscard d’Estaing, alors candidat à la Présidence de la République. Mais ce dernier ne donna pas son autorisation à la diffusion de Partie de campagne, avant de finalement dire oui en 2002…

Plus récemment, le réalisateur Gilles Perret s’est intéressé à Jean-Luc Mélenchon, lors de ces élections présidentielles 2017 qui ont bouleversé le paysage politique français. Son film, L’Insoumis, ouvrira la 18e édition du Festival international du documentaire de création, et le réalisateur savoyard sera des nôtres toute cette semaine pour débattre avec vous de ces manières diverses et variées de « Filmer le Politique », notre thématique de l’année. Ensemble, nous irons même jusqu’à vous présenter une fiction documentée, ou comment le travail documentaire sert de base à une œuvre de fiction.

Car la richesse du documentaire d’auteur est bien là, dans la diversité de ses formes et la liberté des sujets qu’il peut aborder. Depuis 18 ans, les Escales Documentaires explorent ce monde et essaient d’en extraire ce qu’il se fait de mieux, de plus surprenant, de plus touchant, de choquant parfois… Toutes nos sélections, nos compétitions, ont cette ambition : vous montrer que la découverte de notre planète, de ses sociétés diverses et variées, ne se fait pas seulement de manière uniforme, très formatée. Nous n’avons de cesse de vouloir aiguiser votre curiosité, de vous aider à forger vos opinions. C’est notre acte politique à nous !

Bon Festival à tous !

Eric Pasquier
Président des Escales Documentaires

> Le programme est Escales documentaires 2018

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