A côté d’une ample sélection d’oeuvres de réalité virtuelle, le festival NewImages a mis cette année l’accent sur l’AR (« Augmented Reality » ou réalité augmentée), avec une belle sélection de fictions et de documentaires. Coup de projecteur sur « Fragments », « MOA – My Own Assistant » et « Seven Grams ».
Vous avez revêtu les lunettes de réalité augmentée Magic Leap. Apparemment, rien n’a changé autour de vous. Et pourtant, si. La forme d’un couple apparaît devant vous, avant de se dissiper. Puis celle d’un homme, contours fragiles, traits flous, comme avalés par l’oubli. Une voix de femme, Lisa, vous raconte la perte d’Eric, son mari. Les scènes que vous voyez surgir autour de vous, sculptant de leur présence fugitive l’espace où vous vous tenez, sont des réminiscences de Lisa. Vous êtes envahi de ses souvenirs, souvenirs d’un corps, d’instants heureux, d’un corps malade, perte irrémédiable.
Présenté au festival NewImages, Fragments (Aaron Bradbury, NSC creative, Magic Leap, AtlasV, 2020) est un exemple des narrations qu’on attendait en réalité augmentée. Un réel envahi d’images d’un ailleurs, en l’occurrence ici d’images du passé. Réel infesté des recommandations sanitaires, culinaires ou vestimentaires d’une intelligence artificielle un brin invasive pour MOA – My Own Assistant (RedCorner, France Télévisions, 2020), une fiction dystopique pour smartphone concoctée par Charles Ayats (Prix AR de l’édition). Mise en abîme du smartphone et de ses composants dans Seven Grams, le documentaire imaginé par Karim Ben Khelifa (Lucid Realities, France Televisions, en production), où l’intérieur de votre doudou technologique préféré se déploie devant vous, afin que vous interrogiez les chaînes de production qui l’ont amené jusqu’à vous. [Karim Ben Khelifa avait notamment réalisé en 2017 l’expérience de réalité virtuelle The Enemy].
Ce qui frappe dans chacune de ces oeuvres sélectionnées par le festival, c’est la maîtrise technologique qu’elles mettent désormais à profit. Là où Fragments compose les réminiscences de Lisa avec des captations volumétriques au puissant effet de réel, Seven Grams vous permet d’interagir avec les volumes virtuels de composants électroniques perçus à travers l’écran de votre smartphone. Quant à MOA, l’oeuvre impressionne par la qualité du mapping des volumes environnants, sur lesquels s’indexent les sollicitations visuelles de l’horripilant assistant personnel. Par les potentialités créatives qu’elles recèlent, cette belle sélection d’oeuvres innovantes ne manquera pas de donner des idées nouvelles aux créateurs numériques.