Les musées sont de longue date friands en contenus audiovisuels innovants. Au point de devenir un mode de diffusion prisé par les créateurs numériques. Dans une récente session « hors les murs », le Sunny Side of the Doc a réuni des producteurs et plusieurs de leurs commanditaires pour faire le point sur une collaboration parfois épineuse… Compte-rendu signé Xavier de la Vega.

Le Sunny Side of the Doc a décidément du flair. Dès 2017, avec la création de Pixii, la section dédiée aux expériences numériques, le marché ouvrait ses portes à un nouveau type de diffuseurs d’œuvres numériques : les musées. Depuis, l’évolution du marché de la réalité virtuelle a accentué les potentialités d’une convergence entre les producteurs interactifs et les commissaires d’exposition. Les œuvres immersives, actuellement fer de lance de la création numérique, sont de plus en plus des installations destinées à être expérimentées dans des lieux muséaux. C’est donc avec à propos que le 20 mars dernier, à la BNF, « Pixii Hors les murs » consacrait une table ronde aux enjeux posés par ce mode de diffusion émergent. (à réécouter en intégralité ici).

Il est vrai que les créateurs numériques collaborent de longue date avec les musées. On songe ainsi aux contenus interactifs intégrés aux expositions. Plus récemment, la série Art trips d’ARTE est emblématique d’une convergence poussée entre le monde de la production numérique et celui des commissaires d’exposition. Comme d’autres œuvres de cette série de réalité virtuelle, l’opus Claude Monet L’obsession de Nymphéas a donné lieu à une co-production entre Lucid Realities, ARTE, le musée d’Orsay et celui de l’Orangerie, où a été montrée l’expérience pendant 5 mois.

 

Pour autant, collaborer avec un musée pour un auteur ou un producteur interactif n’est pas toujours évident. Peut-on, pour commencer, toujours parler d’ »œuvres » ? Quelle est la place des auteurs dans la création de contenus commandités, ou co-financés par des musées ? Comment, lorsqu’on est producteur, proposer une oeuvre à des musées qui ne peuvent, généralement pas, commander quoique ce soit sans passer par un appel d’offres ? Comment financer un contenu commandité par un musée, alors que le CNC soutient des œuvres d’auteurs ?

Lors de cette session de « Pixii Hors les murs », les échanges ont souligné le hiatus existant entre les règles qui prévalent dans chacun des deux mondes : le métiers des producteurs est de produire des œuvres destinées à circuler largement, alors que les musées attendent généralement des supports de médiation sur lesquels ils possèdent une propriété exclusive. Pourtant le désir est fort, de part et d’autres, de voir les choses évoluer. D’autant que, a averti Dominic Desjardins, si les musées ne s’ouvrent pas aux créateurs numériques, ceux-ci s’inviteront sans demander l’autorisation. C’est ainsi qu’un œuvre « pirate » de réalité augmentée a récemment « hacké » la salle dédiée à Jackson Pollock au MoMA. Et le producteur canadien d’esquisser une voie possible pour accélérer la rencontre des deux mondes : les musées peuvent considérer les créations numériques comme des œuvres à part entière et en devenir co-producteurs.

 

Les producteurs numériques ont en tout cas décidé de prendre le taureau par les cornes. Laurence Bagot (narrative) est venue annoncer le lancement prochain de « PXN Expo », un réseau de producteurs axé sur la diffusion in situ de leurs œuvres. Pixii a aussi pris les devants en lançant un appel à projet pour des installations numériques (attention, date limite : 7 avril !) : les heureux élus seront exposés à La Rochelle cet été.

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