L’arrivée du mois de septembre coïncide notamment pour ARTE avec la nouvelle identité de Creative, le site culturel du groupe dirigé par Alexander Knetig désormais installé à Strasbourg. L’occasion pour Le Blog documentaire de s’arrêter sur les nouvelles missions et les nouveaux programmes de Creative. Avec d’abord l’une des webséries les plus enthousiasmantes de la – pléthorique – offre mise en ligne fin août : « Ploup », ou comment parler des relations humaines en version chat avec un humour d’une finesse réjouissante. Entretien avec les concepteurs et réalisateurs du programme, Maxime Chamoux et Sylvain Gouverneur.
Nouvelle collaboration fructueuse entre ARTE et La Blogothèque. La structure de production à l’origine de Tout est vrai (ou presque) ou de la Tour Paris 13 propose en cette rentrée Ploup, une plongée dans le monde des chats et des quiproquos que la discussion écrite peut engendrer. Entre débriefing, découverte pour une maman du symbole hashtag (qu’elle appelle « dièse ») ou première communication virtuelle hilarante et absurde de l’Histoire, Sylvain Gouverneur et Maxime Chamoux, les deux auteurs de Ploup, ont redonné aux mots un potentiel comique où même les fautes d’orthographe peuvent déclencher le rire. Ainsi lorsqu’une novice du chat tente vainement d’écrire « swag » – que le correcteur orthographique transforme immanquablement en « swing » – la discussion penche franchement vers le surréaliste… Rencontre avec les deux auteurs « Ploupistes », qui ont concocté 8 grandes thématiques (débuter, se lier, gagner sa vie, subir…) de 5 épisodes et qui reviennent sur la genèse de la série.
Comment avez-vous eu l’idée de cette série ? Ça sent le vécu !
On voulait écrire quelque chose à deux et on n’avait aucune expérience de la direction d’acteur et de la réalisation. On voulait donc contourner ça, qui nous apparaissait comme un obstacle à nos projets. Sous l’angle du chat, on peut décrire l’ensemble de ce qui se passe dans la vie de quelqu’un maintenant que l’on est très souvent connectés à nos ordinateurs. Ceci dit, rien n’a été récupéré depuis des discussions déjà existantes, nous avons tout écrit nous-mêmes !
Comment avez-vous réalisé Ploup ? Combien de temps ça demande ?
Nous avons écrit les scripts à deux. Puis, nous avons rencontré Christophe Albric (producteur à la Blogothèque) à l’anniversaire d’un ami commun. Nous lui avons envoyé ces scripts, qui lui ont plu. Il a donc financé un pilote puis envoyé la proposition à ARTE. C’est passé de bureau en bureau, et nous avons a su que la chaîne acceptait la websérie il y a un an environ. La production a commencé au printemps.
C’est un décorticage très fin de certaines pratiques en ligne, et une manière de faire de l’humour avec de toutes petites choses : les temps d’attente entre les réponses, les messages tapés précipitamment, les enchaînements de messages courts pour noyer la gêne… Cela fait presque penser à du Roland Barthes, où vous jouez avec le signifiant, la manière dont on dit les choses, qui est plus drôle que ce qui se dit réellement. Vous aviez des intentions très intellectuelles comme celles-là ou pas du tout ?
Non, nous n’avons pas pensé à Barthes. Mais nous avions envie de jouer avec les mots, avec la façon dont on peut écrire tel ou tel mot. Une façon d’orthographier un mot peut être drôle en soi ! Les temps d’attente, c’est de la réalisation, ça se joue à quelques secondes près pour que ça fonctionne. On trouve aussi que la chose écrite est très sous-estimée aujourd’hui. On entend beaucoup de « Il faut que ça aille vite pour ne pas que les gens s’ennuient » ou « De toutes façons, les gens ne lisent plus ! ». Il nous semble au contraire que la langue écrite (et son élasticité dans les chats) est un matériau humoristique immense.
L’autre chose qui nous paraît très intéressante dans le fait de passer par l’écrit est le rapport à la notion d' »humanité ». D’un côté, le chat électronique est extrêmement austère, très inhumain d’apparence et pourtant, par le biais des mots et du rythme, on retrouve facilement cette humanité. D’un autre côté, le fait de passer par le média électronique renvoie parfois les individus à quelque chose en eux de profondément inhumain : protégés par un écran, ils ne vont plus s’exprimer de la même manière ; ils vont laisser de côté certaines conventions, certaines marques de respect, etc.
Mon préféré, c’est le premier chat du monde : il y a vraiment une absurdité très humaine dans la communication. D’ailleurs, un commentaire a écrit « et ? c’est tout ? » : on a envie de répondre « oui, c’est tout, mais toute la drôlerie d’un chat qui ne fonctionne pas est déjà là ! ».
Oui, nous nous attendions à ce type de réactions, et elles nous font rire ! Certains des prochains épisodes vont être dans cette veine-là, mais en pire. Encore plus radicaux !
Sur une forme aussi minimaliste, ça n’a pas été dur de convaincre ARTE ?!
Pas aussi dur qu’on l’imaginait ! Nous sommes tombés sur des gens intelligents qui comprenaient ce qu’on voulait faire et qui connaissaient des personnalités comme Louis CK ou Arrested Development. C’était une bonne surprise pour nous ! Ils nous disaient par exemple qu’on n’avait pas forcément besoin de faire de chutes à la fin des épisodes. On s’est dit : parfait !
Comment vous est venu le nom de Ploup, l’onomatopée du bruit du message du chat ?
Il y a eu l’idée d’un autre nom au départ mais celui-ci s’est imposé assez vite. C’est un son que je fais souvent que je parle des chats : Ploup ! Et ça parle aussi tout de suite aux internautes.