Nous nous étions largement arrêté sur le film de Mariana Otero « Histoire d’un regard » il y a un peu plus d’un an pour en dire toute la justesse et la sensibilité. Ce documentaire est aujourd’hui nommé aux César 2021, et il est au centre de ce nouvel épisode de notre podcast « L’Atelier du Réel ».

Fanny Belvisi nous entraîne dans les coulisses de la réalisation de ce film avec Mariana Otero, et dresse un stimulant parallèle avec un autre documentaire de la cinéaste, « Histoire d’un secret ». Plongez-vous sans attendre dans cette conversation riche et fertile, réalisée en partenariat avec la SCAM, où l’on parle de fabrication de films, d’histoires de fantômes et de ce « mine de rien » qui fait tout…

« C’est en allant regarder les deux planches contact dont est issue la célèbre photo de Cohn-Bendit et du policier, puis en remettant dans l’ordre les photos, que j’ai compris le cheminement de Gilles Caron pour arriver à faire cette photo. C’est là que le désir de faire le film est apparu. Il y a eu à ce moment, non pas un début d’intimité, mais cette sensation incroyable d’être au-dessus de son épaule, d’être avec lui, de cheminer avec lui, de comprendre son regard, je dirais même presque de sentir son corps, d’avoir l’impression d’être dans son mouvement. »

« L’idée, c’était de retrouver le corps et la présence de Gilles Caron à travers ces photos. J’ai passé six mois à les remettre dans l’ordre – un travail absolument chronophage, absolument incroyable, à la fois génial et désespérant, mais globalement passionnant… J’ai eu l’impression de passer six mois avec lui, à coté de lui, au Vietnam, au Biafra, etc. C’est purement imaginaire bien sûr, mais cette intimité-là ne pouvait pas ne pas faire partie du film, parce qu’il y avait quelque chose de tellement fort qui s’était passé pendant ces six mois. Pour moi, le film est la trace de tout un chemin. Ce ne peut pas être juste le résultat d’un chemin : c’est le voyage. C’est cette expérience que je veux faire partager au spectateur. Et cette expérience inclut cette sensation d’intimité. »

« Le fait d’être à l’image, ça permet de construire la scène encore plus que quand on est derrière la caméra. On agit complètement sur la construction de la scène en même temps qu’elle est filmée. Avec une bonne entente avec la cheffe opératrice, y compris dans le cadre pour se placer (…) il y a une vraie possibilité, d’une certaine façon, de fictionner encore plus le réel de l’intérieur. C’est vrai qu’à partir d’« Histoire d’un secret », je suis beaucoup plus intervenue, même quand je filmais moi-même, et je suis allée filmer dans des lieux où ce qui se passait allait permettre à ma place de cinéaste d’être vivante, et de se transformer au fur et à mesure du film. »

Gilles Caron, décembre 1968, Tchad, © Gilles Caron / Fondation Gilles Caron / Clermes.

« Raconter une histoire, c’est évidemment mettre un peu d’ordre dans le désordre, c’est le cas dans tous les films. Mais au fond, il y a quelque chose de très important pour moi, et je le dis toujours aux monteuses et aux monteurs : je veux que les choses se racontent « mine de rien ». Pour moi, la pensée et l’émotion sont évidemment très importantes, mais je veux qu’elles arrivent « mine de rien », sans que la forme du film l’impose. (…) J’aime que l’émotion et la pensée surgissent sans que le spectateur ait pu y être préparé, et qu’il soit saisi par cela. »

One Comment

  1. Dominique DUCORNEZ

    Superbe conversation !!!

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