Un peu de musique sur Le Blog documentaire !… Avec une proposition qui nous vient de Olivier Hoffschir et Thomas Petitberghien. Ces professionnels de l’audiovisuel sont aussi des passionnés de musique à la recherche constante de nouveaux sons. Et quand la nouvelle scène colombienne leur tombe dans les oreilles par l’intermédiaire de… Twitter, ils décident de réaliser un webdocumentaire sur le sujet en prenant sur leur temps libre. Si le développement web, léché, vous rappelle quelque chose, c’est normal : Upian n’est pas étranger à cette aventure…

que pasa colombiaQue l’on ne s’y trompe pas : Que Pasa Colombia n’est pas un « webdoc Upian ». Aucune raison donc de braquer les projecteurs sur Alexandre Brachet et sa bande… même si nous ne pourrons pas terminer cet article sans y consacrer malgré tout quelques lignes. Les auteurs d’abord, donc : Que Pasa Colombia, c’est d’abord un film linéaire d’une grosse demi-heure (ainsi qu’une foultitude d’extraits de concerts ou d’interviews auxquels on peut accéder en filtrant sa recherche par ville ou par style de musique) qui nous raconte par le menu les différentes tendances que prend la musique en Colombie. Car si vous trouvez, comme le dit en substance l’un des interviewés, que l’Europe a trop entendu de rythmes latino en provenance de Cuba ou du Brésil, vous serez heureux de découvrir l’éclectisme du tout jeune patrimoine musical colombien ! Et le tout, garanti 100% sans Major qui viendrait vous packager le dernier Buena Vista Social Club à faire tourner dans toutes les Favela Chic de France et de Navarre.

Nouvelle image UneMelting-pot musical et ouverture au monde

Tout le contraire même d’ailleurs. La rencontre entre le melting-pot colombien et les deux réalisateurs (Olivier Hoffschir et Thomas Petitberghien, donc) se passe par le truchement d’une discussion sur Twitter et d’un mix de musique dénichée sur Soundcloud, « Au revoir Colombie ». Et ce n’est pas qu’un symbole : pour un pays qui sort tout juste d’années sombres où l’on parlait davantage d’otages que de cumbia (le principal style musical colombien), l’arrivée de l’échange libre sur Internet correspond un peu à une Glasnost musicale. Plus besoin de recopier des compilations sur de vieilles cassettes ou de tenter d’hypothétiques envois de CD à l’étranger : avec le web, c’est le monde entier qui peut profiter de cette « nouvelle vague » qui porte le métissage et le mélange des genres et des cultures comme un étendard. Et c’est tout naturellement que cette culture de blogs et de sites Myspace (du temps de leur vigueur), horizontale et incontrôlable pour l’industrie, a initié « une des musiques les plus riches de l’Amérique hispanophone, avec des milliers de rythmes différents et un mélange de populations impressionnant », explique Olivier Hoffschir. Difficile de se repérer dans cette jungle d’influences, d’autant plus « authentique » qu’elle puise dans le passé oublié du pays. « Petit à petit, la Colombie devient plus sûre et plus accessible. Cela permet aux Colombiens de retrouver confiance en leur nation. De ce fait, la nouvelle génération commence à regarder en arrière pour puiser dans leur folklore et leur musique traditionnelle. C’est à partir de cette base qu’ils construisent la nouvelle musique colombienne », confie le réalisateur. Mais si les non-connaisseurs (dont je suis) ne saisissent pas forcément à l’oreille l’extrême diversité de la musique locale, il y a quelque chose de réjouissant à voir sur les visages des colombiens filmés l’expression de ce mélange : noir ou blanc, à moustache-hipster, en robe à fleurs, barbu à dreadlocks ou en look grosses lunettes noires tendance réalisateur de films indépendants… Leur diversité, alliée à l’entrain provoqué par l’ensemble des extraits sonores, constitue un formidable bouillon de culture dont on sent les rues de Bogota, Cali ou Medellin fécondes…

que pasa filmUne philosophie du partage

Bien sûr, le webdocumentaire ne propose rien de révolutionnaire quant à sa navigation. Le film lui-même, principalement construit à base d’interviews et d’extraits de concerts, n’a pas valeur cinématographique. Mais l’important est ailleurs : d’abord, dans le mode de production du projet, étalée entre l’été 2011 (pour les artistes colombiens de passage à Paris) et mars 2012 (quatre semaine de tournage sur place). Sans un sou ou presque, Thomas Petitberghien et Olivier Hoffschir ont avant tout filmé une passion avec une modestie plutôt rare : « il s’agit de nos premiers pas dans le monde de la production documentaire et nous n’en maîtrisons pas forcément très bien les rouages », indique Olivier Hoffschir. Une modestie qui place le webdoc à sa juste place : un excellent programme auto-produit. Photographe, Olivier a utilisé son propre matériel en s’appuyant sur le prêt d’un boîtier performant en vidéo de la part de Nikon. Les sous-titres ont été pris en charge par la société Semantis dans le cadre d’un partenariat. Et bien sûr, l’hospitalité des colombiens sur place a encore réduit la facture des frais généraux… Cette économie dans les moyens a permis aussi de rapprocher les auteurs d’une philosophie partagée par les artistes colombiens. Car Que Pasa Colombia ne raconte pas seulement l’émergence d’une scène musicale : en creux, il souligne aussi toute la spécificité du web qui bouleverse l’économie et le rapport à la culture. Cédric Olivier, producteur français de musique, évoque ainsi la façon dont la chanson Somos Pacifico du groupe colombien Choc Quib Town (alors peu connu) est envoyée gratuitement par email et en mp3 aux spectateurs qui viennent les voir en concert. C’était en 2003, c’est un coup de maître pour un effet domino : cette culture du « cadeau » permet à 2.000 personnes de le recevoir. Lesquelles s’empressent de partager le fichier avec leurs amis et d’étendre le réseau des connaisseurs… qui se retrouvent plus nombreux au concert suivant. Tout le monde y gagne… sauf les majors évidemment ! Cette culture du partage qui innerve l’ensemble du film se révèle être une belle adéquation entre le fond du sujet et la forme prise – jusque dans la production – par les deux auteurs.

Upian en soutien

Et quand on parle « adéquation du fond et de la forme », Upian n’est jamais vraiment très loin. Car on ne peut clore ce gros plan sans évoquer l’importance de l’aide fournie par la plus célèbre structure de production parisienne en termes de webdocumentaires. Ce qui frappe en effet en entrant sur Que Pasa Colombia, c’est la fluidité et la qualité des « panneaux » permettant de passer de la photo de couverture au film et aux extraits, qui font un peu penser à Clichés de campagne (réalisé, évidemment, par Upian). Le reste de la typographie et du design est sobre et élégant. Plus d’un réalisateur rêverait d’une telle qualité technique pour un webdoc fait « à la maison » ! Et pour cause : Upian a accompagné Thomas Petitberghien et Olivier Hoffschir… lui-même salarié de la structure. Mais, précise-t-il, « je ne travaille pas (ou peu) sur les webdocs. Je suis chef de projets et je supervise des productions graphique et technique de sites. Le documentaire n’est donc pas ma vocation première, ni mon rôle chez Upian. Si je travaille sur un webdoc, c’est pour gérer le développement du site. Mais je m’occupe généralement de projets plus « corpo » comme la refonte de rue89 ou des Inrocks ». Les deux réalisateurs ont pu poser les semaines nécessaires à leur projet en congés sans solde et s’appuyer sur le travail informel de certains membres de l’équipe d’Upian. Une intervention en « tâche de fond » quand les autres projets étaient finis : ainsi AnGi Bidault, le directeur artistique du projet, ou encore Sébastien Brothier (qui a « souvent passé son œil derrière l’écran », dixit Olivier) ont aidé à la finalisation de Que Pasa Colombia. Initiative pleinement assumée par Alexandre Brachet : « il est important pour moi que la boîte accompagne, dans la mesure du possible, les salariés qui veulent accomplir des projets qu’ils portent avec passion. Cela permet aussi de les rendre plus familiers à la réalisation concrète d’un webdocumentaire. Mais je précise une nouvelle fois : Que Pasa Colombia n’est pas un webdoc Upian, c’est l’œuvre de Thomas et Olivier ! ».

On savait Upian à la pointe de la création ; les voilà maintenant qui prouvent, par cette expérience, une gestion intelligente du management dans l’entreprise. De quoi alimenter encore un peu plus leur image de précurseur…

Nicolas Bole

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  1. Ah mais passionnant ! en plus d’être bien écrit, c’est appréciable, je remarquais en lisant le dernier billet aujourd’hui qu’il n’était pas super bien rédigé. enfin celui-ci oui ! Bonne idée ce sujet et le point sur la philosophie du partage très intéressant ! Merci !

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