Du 8 au 11 septembre, le village de Blacons dans la Drôme accueillait la 2ème édition des Rencontres Ad Hoc (à ne pas confondre avec l’association Addoc). Ce festival à taille humaine célèbre les documentaires dits « hors-circuit », des films pour la plupart sans diffuseur et parfois même sans producteur. Le Blog documentaire y était. Immersion en territoire du « Do it yourself ».
Partage, convivialité, rencontre et bonne humeur : tels sont les maîtres-mots des Rencontres Ad Hoc. Pas de place ici pour l’élitisme ou l’entre-soi. Le documentaire n’appartient à personne. Chacun peut s’en emparer et tout le monde peut y avoir accès.
C’est en cet esprit qu’a été conçu et pensé ce petit festival drômois plein de charme. A l’origine, le collectif Ad Hoc composé de réalisateurs locaux et d’amoureux de cinéma, et l’association Kamea Meah (producteur et diffuseur du film En Quête de Sens). Leur objectif : donner à voir des documentaires qui n’ont pas été diffusés à la télévision ou en salles, et permettre un espace de rencontre. Dès sa création, les organisateurs ont tenu à leur ancrage local dans la vallée du Diois et à une ouverture sur un public non initié. Et le pari est réussi : cette deuxième édition a rassemblé 2.000 personnes, contre 1.200 l’an passé !
Dans la journée comme le soir, on croisait pêle-mêle des mamies du village venues donner un coup de main, des jeunes réalisateurs « tout feu tout flamme », des familles avec poussette. Autour de grandes tablées où se dégustaient des repas bio simples et savoureux, l’ambiance flairait bon les robes à fleurs, le tabac à rouler et les bières artisanales. Ça discutait cinéma, mais pas que. Ça débattait, ça rigolait pas mal.
Prix libre et riches échanges
Lors des trois jours que j’ai passés là-bas, j’ai senti un vrai bouillonnement et une authentique volonté de créer du lien dans un secteur de création où l’on se sent parfois bien isolé avec son projet de film… Une énergie insufflée par une équipe organisatrice passionnée et des bénévoles hypermotivés.
Autre marque de fabrique significative, l’évènement qui n’a pas reçu de subvention se tenait « à prix libre et nécessaire ». C’est le choix d’un modèle économique qui responsabilise les spectateurs, chacun étant invité à participer à chaque projection à hauteur de ce qui lui semble juste.
Aux trois tables rondes auxquelles j’ai participé, les échanges étaient riches, la parole libre et l’écoute bienveillante. De l’écriture à la diffusion en passant par la production, de nombreuses questions ont été abordées. Qu’est-ce que ça implique de faire son film hors du circuit traditionnel d’une chaîne de télé, du CNC, ou d’une sortie en salle ? Est ce un choix ? Y a-t-il des nouveaux modèles de diffusion à réinventer ? Comment se mettre en réseau ? Comment transmettre le goût du documentaire de création exigeant ? Personne n’a prétendu avoir la recette miracle mais chaque participant venait témoigner de son expérience, écouter celle des autres, piocher des idées, des tuyaux, et parfois puiser l’énergie pour continuer malgré les obstacles.
Pupilles régalées
Pendant les projections en plein air, le public était au rendez-vous. Très hétéroclite et familial.
Le soir de mon arrivée, j’ai été happée par Himself he cooks de Valérie Berteau, une immersion dans une cantine gratuite en Inde qui prépare et sert 100.000 repas par jour. Sans aucune parole ni commentaire, le film tient par la beauté des images et du cadre. Quant au film Don Pauvros de la Manche de Guy Girard, portait du musicien Jean-François Pauvros, il a suscité des réactions très contrastées. Beaucoup de rires dans le public, mais aussi quelques réticences ou incompréhensions face à ce style de musique expérimentale pas forcément accessible.
Autre découverte : le réalisateur Antoine Page, très apprécié des organisateurs et déjà présent lors de la première édition. Ovni dans le paysage du documentaire, il écrit, tourne, monte, produit et diffuse ses films. Sa démarche est souvent radicale comme pour son dernier projet Wesh Gros projeté cette année. Le réalisateur s’est installé pendant un an dans une petite ville du Nord de la France sans savoir ce qu’il allait y filmer. Sa caméra s’est finalement arrêtée sur un groupe d’ados et c’est autour d’eux qu’il a bâti une série de trois films.
Enfin, j’ai été touchée par un premier film, Juan y Lou de Harold Deluermoz, qui raconte l’histoire d’amour d’une Française avec un jeune homme de la rue à Buenos Aires. Romantisme, violence sociale, poésie et politique : la caméra se glisse subtilement entre les deux amants et brosse aussi en creux le portrait d’une ville bouillonnante.
Artisanat bien ficelé
Sans voir la totalité des 20 films projetés, j’ai néanmoins eu le sentiment d’une programmation cohérente et variée mêlant des documentaires engagés, d’autres plus expérimentaux, des premiers films, des histoires de famille. Autre bon point : à chaque projection, le réalisateur était présent pour échanger avec le public.
Pour compléter les réjouissances, les Rencontres Ad Hoc proposaient des ateliers «Pitch-Pong» utilisant une technique d’intelligence collective pour que des auteurs testent et fassent évoluer leurs projets de film en cours d’écriture, mais aussi des apéro-concerts et des documentaires sonores sous un dôme géodésique installé par Toiles du Berger et Radio St Ferréol, une radio locale.
Pour les aficionados de Lussas, on serait tenté de comparer. Mais les deux festivals qui ont lieu dans des départements voisins et à quelques semaines d’écart ne s’opposent pas. Ils se répondent, comme un écho d’une vallée à l’autre. Ou comme des cousins germains de deux générations différentes, au sein d’une grande famille. Le petit interpellant le grand dont la renommée n’est plus à démontrer. Un même ADN, mais à chacun son itinéraire !
J’ai senti aussi que Les Rencontres Ad Hoc assumaient pleinement leur côté artisanal, bricolé. Et que la fragilité d’un tel événement, qui tient sur l’énergie de quelques-uns, lui conférait aussi toute sa magie.
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