Comme chaque année, Le Blog documentaire est partenaire du Sunny Side, qui se déroule fin juin à La Rochelle… Après les entretiens que nous vous avons offerts avec Caroline Béhar (France 5) et Fabrice Puchault (ARTE France), place ici à la vedette de cette édition 2016 : la réalité virtuelle. Compte-rendu signé Xavier de la Vega.

27249099613_41bedd7c5a_oCôté création numérique, le dernière édition du Sunny Side of the Doc n’a pas échappé à la règle : la réalité virtuelle était plus que jamais l’invitée d’honneur. Invoquée dans le « line up » de France Télévisions, très présente dans la session de pitchs intéractifs (quatre projets sur cinq quand même), la VR avait aussi, comme il se doit ces temps-ci, son espace dédié où était programmée la sélection du récent festival VR de Crans-Montana (Suisse).

Dans ledit espace, on pouvait notamment voir l’une des créations récentes de l’ONF : Le photographe inconnu de Loïc Suty (avec Turbulent). Coproduit par Louis-Richard Tremblay (ONF), ce projet en réalité virtuelle tourne dans les festivals depuis la fin de l’année 2015 (de Montréal à l’IDFA d’Amsterdam en passant par Sundance aux Etats-Unis). Le photographe inconnu, c’est au départ un vieil album de photographies de la Première Guerre mondiale dans un vieux grenier. Des photos du genre « gazette du front », avec des soldats (canadiens) qui posent avec le sourire, des canons fringants et des infirmières qui soignent. Puis, bientôt, la mort qui s’invite dans le décor, ces carcasses de chevaux échouées, ces paysages dévastés. Qui a pris ces photos ? Dans quel but ? Mystère. Un mystère décidément propice à l’imagination. Les auteurs ont tiré profit de cette absence pour imaginer une méditation interactive sur les rapports ambigus entre la photographie, cette machine à immortaliser, et la guerre.

L’on se croirait au début dans une sorte de musée virtuel. Un Oculus sur les yeux, une manette à la main, on avance entre ces photos plantées au sein d’une scénographie vaguement angoissante, esquissée dans une 3D sommaire. Le contraste se dessine rapidement entre la veine souvent héroïque des clichés et la désolation environnante. Mais que parvient la photographie à saisir, à représenter de ce néant bordé d’effroi ?

Cette production est emblématique de ce que l’ONF entend faire avec la réalité virtuelle dans les années avenir. Alors que les Européens et les Américains se passionnent pour la VR cinématique (vidéo à 360 à visionner au masque VR), Louis-Richard Tremblay nous a confié que l’ONF misait quant à elle résolument sur des projets véritablement interactifs. Des expériences documentaires en VR, pourquoi pas, de la prise de vue réelle, aussi. Mais à condition que la matière documentaire soit réintégrée dans un environnement en 3D, pleinement interactif, dans lequel les utilisateurs pourront avancer, tourner autour des objets, les manipuler. Que ceux qui voient dans les masques le support d’un cinéma renouvelé se le tiennent pour dit : la VR, aux yeux de l’ONF, ouvre une ère fondamentalement nouvelle.

C’est aussi du Canada qu’est venu le projet récompensé par le prix du pitch numérique. Un projet en VR, évidemment. Porté par le collectif de production montréalais Makila, Les pieds en haut entend faire vivre à l’utilisateur le quotidien d’un autiste. Annick Daigneault et Martine Asselin, les deux réalisatrices qui ont imaginé cette expérience savent de quoi elles parlent : chacune d’elle est mère d’un enfant autiste. Elles savent ce que cela veut dire de répéter inlassablement les mêmes choses à leur enfant : venir à table, mettre ses habits dans le bon ordre, etc. De ce vécu quotidien, elles ont tiré une série d’épreuves à l’usage des non-autistes. Altération des sons et des images : à chaque fois, l’utilisateur doit trouver un modus operandi pour entrer en contact avec l’autre. Probablement un projet dont on aura des nouvelles prochainement.

Autre projet VR marquant, Replay Memories (Camera Lucida Productions, France) se situe quelque part entre le film d’archives et Minority report. Revêtez un HTC Vive, prenez une manette entre chaque main, et voilà que vous vous retrouverez à explorer les archives du web. Une grande bibliothèque tenue par des cadres zélés (ceux de Google par exemple) qui organisent la mémoire selon des critères biaisés. Recherchez donc « 11 septembre » dans le cône sud de l’Amérique, vous ne tomberez jamais sur les tours jumelles, mais sur le coup d’État contre Salvador Allende, survenu le 11 septembre 1973.

La VR ne phagocyte pas toute la création numérique, loin s’en faut. Venue elle aussi du Québec, Vali Fugulin (J’aime les patates) présentait Resilient Songs, un projet de documentaire collaboratif sur les « work songs », ces chansons que l’on chante en travaillant. Chansons d’esclaves, chansons d’ouvriers et de paysans du monde. Découvrant ces mélodies entraînantes, vous pourrez y ajouter votre voix. Autre projet collaboratif stimulant, Superwomen in Comic Art (Jyoti Film, Allemagne) de Sarah Maret and Anna Bolster entend raconter, au moyen d’une app dédiée, l’histoire de la BD féminine à la génération smartphone, tout en l’invitant à saisir le crayon à son tour.

Zut, quoi, il n’y a pas que la VR dans la vie !

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