On vous en avait déjà parlé ici ou là, et c’est un projet que nous suivons de près depuis presque trois ans… « The Enemy », la plus vaste et ambitieuse entreprise de réalité virtuelle documentaire à ce jour débarque à Paris. Fruit du travail de Karim Ben Khelifa, d’une équipe et de partenaires pléthoriques autour de lui pour l’accompagner dans cette folle aventure. Au final, une expérience inédite, probante et prometteuse. Vous pouvez y aller les yeux fermés, mais ce serait dommage de ne pas les ouvrir dans vos casques VR. « The Enemy », c’est à découvrir du 18 mai au 4 juin à l’Institut du Monde Arabe (Paris), avant Boston, Montréal, et plus si affinités…
« Qui est ton ennemi ? », « Qu’est-ce que la paix pour toi ? », « Qu’est-ce que la violence pour toi ? », « Qu’est-ce qui te rend heureux dans la vie ? ». Gilad, Abu Khaled, Jean de Dieu, Patient, Amilcar Vladimir et Jose Alberto sont sensiblement exposés aux mêmes questions par le photojournaliste Karim Ben Khalifa, habitué des terrains de guerre, et ils énonceront leurs réponses en vous regardant droit dans les yeux, sollicitant même parfois votre attention. Dans The Enemy, c’est sans doute vous qui détournerez le regard…
Au début de cette expérience, inédite et hors normes, l’utilisateur est soumis à plusieurs questions dont les réponses seront consignées sur une tablette. Sa connaissance des conflits israélo-palestinien, au Salvador ou en Centre-Afrique, son positionnement face à la guerre… Autant d’élément qui concourent à dessiner un parcours très personnel dans cette exposition virtuelle à consommer collectivement (jusqu’à vingt utilisateurs simultanés) .
Une fois le casque de réalité virtuelle posé sur les yeux et le sac à dos ad hoc harnaché sur les épaules, le visiteur est invité à pénétrer successivement dans trois salles, trois espaces distincts qui ont tous l’apparence d’un musée. Les murs sont clairs, lumineux, le plafond ouvert sur le ciel laisse passer le soleil sur le plancher, des photos sont suspendues aux cimaises et un texte contextualisant l’univers dans lequel on pénètre apparaît en face de nous. Approchez-vous des clichés – sublimes – de Karim Ben Khelifa, et ils s’animeront de sons. Une ambiance sonore idoine pour vous faire pénétrer dans l’univers des personnages que vous allez rencontrer…
Ces caractères vous surprendront peut-être, tant leur réalisme est probant. Selon vos réponses initiales au questionnaire, vous serez d’abord envoyés au contact des combattants de Centre-Afrique, d’Israël/Palestine ou du Salvador. Deux belligérants vous attendent dans chaque espace : ils vont vous confier leurs destins, leurs sentiments, leurs crimes et leurs espoirs. Vous pourrez leur tourner le dos, les approcher pour essayer de les toucher, soutenir ou fuir leurs propos, décrypter aussi leurs tatouages… Et eux ne vous lâcheront pas du regard.
Trois espaces, trois conflits, et à chaque fois deux personnages donc. Les visiteurs qui feront l’expérience en même temps que vous apparaîtront sous forme d’avatars dans vos casques de réalité virtuelle – vous vous en sentirez d’autant plus présent dans la scène – mais ils ne verront sans doute pas les mêmes choses au même moment et au même endroit que vous. Magie de la réalité virtuelle dans une acception collective : vous êtes ensemble, et en même temps dans votre propre bulle spatio-temporelle.
« Vous ne vous êtes pas comportés de la même manière avec tous les personnages », entendrez-vous sans doute après avoir écouté deux interlocuteurs dans une même pièce. C’est que les concepteurs de l’expérience ont prévu un épilogue pour vous, particulier à chaque utilisateur. On n’en dira pas plus ici, mais vous repartirez vraisemblablement de The Enemy avec un message d’espoir…
Cette « visite virtuelle » d’un « musée imaginaire » peuplé de combattants en pixels bien réels dure 50 minutes environ, et est le fruit d’une collaboration internationale franco-canadienne (cf. crédits). Avec cette proposition qui s’étale dans un espace de 300 m², Karim Ben Khelifa change de terrain, passant du photojournalisme à la réalisation (muséale) en VR. Ce faisant, il déplace également le regard du spectateur, pris dans le feu des regards des combattants, à l’intersection de leur haine, à même de s’interroger sur le (non-)sens de la guerre.
Pour découvrir The Enemy, rendez-vous donc à l’IMA du 18 mai au 4 juin 2017, puis à Boston d’octobre à décembre 2017, et enfin à Montréal pendant l’hiver 2018. Une application, réplique en réalité augmentée de l’exposition, devrait être disponible dans les semaines à venir. Application fondamentale pour toucher les publics là où l’exposition n’ira pas, y compris dans les terrains de guerre qu’elle explore…
Création
Karim Ben Khelifa, auteur et réalisateur.
Production
Chloé Jarry, productrice, Camera Lucida.
Antonin Lhôte, responsable projet, France Télévisions Nouvelles écritures.
Louis-Richard Tremblay, producteur, ONF
Fabien Barati, producteur exécutif, Emissive
Nicolas S. Roy, producteur exécutif et directeur de création, Dpt.
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